Home (and) alone
Jusqu'en mai 2009, les œuvres cinématographiques ont été soumises à une loi de censure adoptée en 1930, qui, en gros, interdisait toute offense à la famille royale, à la morale, à la religion et à la tranquillité de l'ordre public. Le comité de censure était composé de représentants du Roi, de la police et de l'Etat avant de passer sous la tutelle du Ministère de la Culture (et du tourisme !) au début des années 2000.
Le 1er mai 2009 est entré en vigueur une loi revue et corrigée. Si les motifs de censure demeurent les mêmes, les films sont désormais classés par "tranches d'âge" à titre indicatif (tous publics, moins de 13, 15, 18, 20 ans ou bannis), seuls les longs interdits aux moins de 20 ans nécessitant un contrôle d'identité à l'entrée des salles.
"Insects in the backyard" est le premier film thaï totalement interdit des écrans thaïs depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi; et ce après DEUX présentations à la Motion de Censure et coupes effectuées. La raison ? Un plan, furtif, du sexe de Thanwarin Sukhaphisit, actrice et réalisatrice, notamment de ce film, où elle interprète le trouble père de famille, "Tanya". Une broutille, mais qui met une nouvelle fois en évidence l'impossibilité des thaïs d'aborder frontalement le problème du sexe, et surtout du trouble identitaire sexuel. Un comble dans un pays, réputé très "ouvert" envers les gays et fameux "katoy", ces "ladyboys", hommes devenus femmes. Pris dans un contexte de sujet de moquerie, pour amuser les foules ou gagner de l'argent sur le dos des touristes, évidemment, qu'il n'y a aucun problème, mais dès qu'il s'agit de "creuser" un peu et – surtout – donner la parole à ces gens, le sujet "dérange".
Pourtant, "Insects in the backyard" est une très belle étude de l'identité sexuelle – d'autant plus belle, qu'elle est une parfaite introspection de quelqu'un qui "vit" en "femme" depuis le lycée, qui en connaisse un bout et s'intéresse au pourquoi du comment chez elle, comme dans son entourage…Et qui compare cette réflexion aux questions, que se posent tous les adolescents lors de leur "découverte" sexuelle, entre curiosité et désir, amours hétéros, gais et bi.
Un film nécessaire – et d'autant plus fascinant, qu'il a été réalisé pour une poignée de bahts dans un pays (et une contrée), où le sujet de la sexualité est particulièrement tabou.
