Autopsie d'un procés
Le corps de la jeune Hatsuko Sakai, 23 ans, et tenancière d’un snack-bar, est retrouvé poignardé dans une forêt de la région de Kanagawa. Quelques jours après, le jeune pêcheur Hiroshi Ueda, 19 ans, est arrêté et plaide coupable. Le procès va se dérouler au rythme des témoignages et des révélations successives, jusqu’à la sentence finale…
En choisissant d’éviter tout sensationnalisme, le réalisateur privilégie l’aspect réaliste et authentique de son film, privilégiant le compte-rendu précis plutôt que le parti pris subjectif. Le ton est sobre, voire austère, et il est possible que certains puissent être rebutés par les débuts des débats, ou les énoncés judicaires apparaissent aussi rébarbatifs que dans un vrai procès. Mais malgré le rythme lent, le sujet devient rapidement prenant, et l’on ne veut plus lâcher cette histoire avant d’en connaître les dessous, et les 2H20 passent très rapidement.
Car c’est là une passionnante immersion dans la vie d’une province japonaise des années 70 que l’on assiste, à travers ces témoins qui se succèdent à la barre, avec leurs personnalités et leurs contradictions, ou les a priori sociaux qu’ils dévoilent ou subissent.
La caméra revient toujours à l’intérieur du palais de justice, mais se promène dans la ville des évènements et présente le quotidien des principaux intervenants, et leurs aspirations respectives : le puzzle du meurtre se reconstitue petit à petit, grâce aux flash-back, et autres souvenirs des protagonistes. Toute une galerie de petites gens défile sous les regards du juge, la jeune sœur de la victime Yoshiko, enceinte de l’accusé, le mauvais garçon amant de Hatsuko, les parents respectifs, les témoins oculaires du jour du drame, pendant que procureur et avocat s’affrontent en de redoutables joutes orales.
La fin de l’histoire dévoilera les véritables faits après avoir éclairé le spectateur sur les motivations de chacun, et le verdict pourra alors être énoncé. Là encore, aucune sensiblerie ni sentimentalisme déplacé, la vie continue pour chacun, à l’image de ce qui se passe « en vrai ».
Voilà un remarquable travail effectué par le vétéran Yoshitaro Nomura, ancien assistant de Akira Kurosawa et artisan consciencieux à la filmographie éclectique, à l’aise dans tous les genres et se pliant aux demandes des studios. Mais il se révèlera un véritable maître reconnu dans le registre policier, adaptant plusieurs des polars à connotation sociale de Seicho Matsumoto à partir de 1958(dont le remarquable CASTLE OF SAND), ou les énigmes encrées dans le milieu campagnard superticieux chères à Seishi Yokomizo( VILLAGE OF EIGHT GRAVESTONES).Ici, c’est l’écrivain Shohei Ooka qui lui fournit une matière intéressante à développer sur grand écran.
L’interprétation est à signaler, tant le casting est homogène et d’une grande crédibilité, en tête l’ombrageux Toshiyuki Nagashima, que l’on retrouvera dans le MISHIMA de Paul Schraeder.
Les films de procès sont une spécialité bien américaine, passés maîtres dans la façon de raconter en détail toute une procédure judiciaire. THE INCIDENT est donc une brillante et très réussie tentative japonaise d’aborder ce sous-genre du film policier, œuvre d’un cinéaste méconnu en Occident mais à la maîtrise formelle et à l’inspiration incontestables.
