Tenebres83 | 2.75 | Ni parfait ni mauvais |
Ghost Dog | 2.5 | Pour vivre heureux, vivons cachés ! |
Ordell Robbie | 2 | Beau sujet, film décevant |
Hashiguchi est l’un des rares cinéastes nippons à traiter de front de l’homosexualité, un sujet qui n’est pas pris très au sérieux dans l’archipel puisqu’il prête plus à sourire qu’à autre chose. Pour autant, Hashiguchi ne se prend pas au sérieux et baigne son œuvre dans une atmosphère légère, décrivant ses personnages avec humour et détachement, comme si tous leurs problèmes, si compliqués soient-ils, pouvaient trouver une solution simple à court ou moyen terme. A travers ce trio amoureux peu commun (un couple d’hommes dans lequel s’incruste une femme en mal d’enfants), certains tabous de société sont dévoilés : ainsi, après une violente altercation avec des membres de la famille et les incertitudes qui en découlent, SPOILER le trio se reforme malgré tout avec le temps car bien que leur situation soit rare, ils avaient réussi à créer un équilibre que d’autres personnes, la considérant de l’extérieur, n’arrivaient pas à admettre.FIN SPOILER
Seul problème, Hush ! est trop long ; nul doute qu’avec un montage plus serré, le rythme mais aussi le propos en seraient sorti grandis. Malheureusement, tel quel, l’ennui est bien présent, même si les 3 acteurs principaux sont éminemment sympathiques. Au final, un film précieux pour la reconnaissance des gays dans la société, mais trop vite oublié.
Hush démarre sur les chapeaux de roue : dans une chambre, on voit deux jeunes hommes après une nuit agitée cadrés au cordeau. On retrouve ainsi la signature Hashiguchi. Dans le gros plan suivant sur une jeune femme désespérée filmée avec un vrai sens de la durée, un détail désamorce malheureusement la force mélancolique de la scène : le score complètement à coté de la plaque de Bobby Mc Ferrin. Cet excellent réalisateur va ensuite s’égarer à faire ce qu’il ne sait pas faire. Talentueux dès qu’il s’agit de décrire l’homosexualité à l’adolescence, il échoue ici à essayer de parler du désir de stabilité des homosexuels trentenaires. Une des grandes erreurs du film est d’essayer de donner dans le coté sitcom. Tout d’abord, cela donne lieu à une série de situations kitsch et grotesques (qui pourraient passer si le film avait un ton mélodramatique, ce qui n'est pas le cas): les deux chiens qui font l’amour, la cliente bourgeoise arrosée de spray désinfectant, la gymnastique à la piscine, la pipette servant à pomper le sperme. Et le problème est qu’Hashiguchi (outre le fait que le style de réalisation et les situations sitcom passent mal au cinéma), contrairement aux maitres du genre (le Darren Star de Sex and the City, le David Kelley d’Ally Mc Beal), n’a pas le verbe haut, ce qui donne lieu à un vaste déversoir de lieux communs tels entre autres perles que « l’homme est vénal ». Le croisement de multiples personnages donne une impression d’artifice scénaristique et crée une accumulation indigeste de saynètes sans lien narratif fort. Le trio amoureux (les deux gays et la fille solitaire souhaitant etre fécondée par ces derniers), s’il est une belle idée sur le papier (réunir un couple et une femme qui ont une vision de la cellule familiale différente de la norme), donne une impression de préfabriqué (on n’arrive jamais à y croire). Les acteurs jouant le couple gay manquent de la maturité nécessaire à leur role. Par contre, Hashiguchi sait toujours dépeindre des personnages féminins forts qui sont le moteur de l’action : il est aidé en cela par une Kataoka Reiko possédant une intensité dans son jeu et dans le regard qui vont comme un gant à son role (c’est bien simple, lorsqu’on la voit prendre un taxi et tirer une tete d’enterrement à l’arrière car elle sait qu’elle est malade, on pense immédiatement à la superbe et très proche scène de Kids avec Chloé Sevigny). Les cadrages et le rythme du film sont ceux de n'importe quel téléfilm. Mais dans la dernière demi-heure, lorsque le film devient un peu plus tragique, la caméra d’Hashiguchi retrouve son sens de la durée et sa capacité à émouvoir à coups de plans distants. Mais malheureusement, le film se conclut de nouveau sur un ton de mauvaise sitcom.
Tout cela est d’autant plus dommageable qu’il est courageux pour un réalisateur japonais dans un pays où les revendications des gays sont moins fortes qu’en Occident d’évoquer le désir des gays d’élever un enfant (malgré le PACS, il n’y a toujours pas eu de film sur le sujet en France alors que le débat est sur la place publique). Et si le film parle de passage à l’age adulte, Hashiguchi n’a pas réussi à rester lui-meme à l’intérieur d’un film plus grand public. Et il y a à craindre qu’il ne souhaite pas revenir à la veine de ses débuts vu l’énorme succès public et critique du film au Japon (le buzz avant la sortie du film était tel que des places du film étaient déjà réservées par le public): cette tentative un peu artificielle de faire un parallèle entre les gays souhaitant avoir le droit de fondation de foyer et les familles monoparentales en augmentation au Japon suite à la croissance des divorces a touché au-delà des gays les femmes japonaises et leur désir d'émancipation. Le débat sur les parents homosexuels a été mis sur la place publique. Mais on préfèrera un Harada qui a bousculé des tabous (corruption, prostitution adolescente) en apportant quelque chose au cinéma.