Xavier Chanoine | 0.5 | Il y avait un fond, mais le traitement est honteux |
Le polar Hongkongais prend une tournure plutôt inquiétante ces derniers temps. On trouve toujours autant de films intéressants en provenance de la Milkyway malgré des ratés évidents (le mauvais Linger ou l'audacieux mais pénible Mad Detective en sont les exemples parfaits) mais le spectateur en a toujours plus ou moins pour son argent et les films bénéficient très souvent d'une plus-value notable parce que Johnnie To par ci ou Yau Nai-Hoi par là. Ils sont sur bateau. Billy Chung est aussi sur un bâteau, mais il est bien seul, trompette au bec il voit son bateau couler, abattu et surtout impuissant face au naufrage artistique qu'il vient de provoquer avec l'un de ses derniers films, Hongkong Bronx. Ce film de triades ressemble à tout ce que l'on a déjà vu dans le cinéma en provenance d'Hongkong depuis vingt-cinq ans, étalant les poncifs records et les abus de violence pour donner un semblant de personnalité à son rejeton gangster. Neil est un ex-tolard, il retrouve ses deux petites soeurs et compte bien leur inculquer une éducation de fer pour que ses dernières ne tombent pas plus bas que lui. Le problème est que son ancien gang, dirigé par l'oncle Bo, ne compte pas vraiment se passer de ses services, le mettant en concurrence parfaite avec Johnny pour désigner qui sera le prochain grand patron du business. De l'autre côté, les adolescents imitent les adultes et rêvent de devenir gangsters eux aussi, commençant par quelques passages à tabac et autres rackets, le petit Marble sera le premier influencé par cette nouvelle mode qui consiste à tabasser ses camarades de classe parce qu'ils n'ont pas ramener la quantité de dollars prévue. Manipulé parce qu'il est le sidekick parfait, il est à l'image de son père qui refuse tout problème, conducteur de poids lourds et qui fréquente une jeune femme endettée jusqu'au coup à cause du jeu. Hongkong Bronx nous narre les mésaventures et la descente aux enfers de tout ce beau monde. Dernièrement, le polar Hongkongais semble avoir pris une toute autre tournure depuis le phénomène Dog Bite Dog, coïncidence ou non là n'est pas le débat, il est juste un fait qui inquiète plus qu'il ne rassure. SPL de Wilson Yip annonçait lui aussi une nouvelle ère du polar martial moderne et la clique Edison Chen, Donnie Yen, Simon Yam ou encore Sammo Hung encourageait et continue même d'encourager cette nouvelle liberté artistique de la part des cinéastes qui désirent à présent produire quelque chose de sérieux, abrupte et évitant si possible les concessions. Dernièrement Fatal Move tombait dans la facilité et le grotesque, là où un mauvais Flash Point étalait les sottises sans pour autant faire preuve de mauvais goût comme le dernier Dennis Law. Il y avait bien l'espoir Brothers ou Bullet and Brain mais si le premier tentait d'être une pâle copie de ce que l'on produit à la Milkyway en mode "claire/obscure", le dernier était un simple nanar très drôle. Résultat, des tentatives de renouveau du polar, mais des tentatives ratées.
Hongkong Bronx démarre par un climax et l'on ne sait pas trop sur quoi l'on va tomber. Pas de soucis, Billy Chung nous aiguille en nous ramenant un mois avant les faits. On découvre donc Neil et toute sa clique, les petites histoires de coeur d'une de ses soeurs, les plans des petits et grands gangsters, les classiques provocations se soldant par un massacre à la machette (donc un premier affrontement tournant à la boucherie facile), les personnes croulant sous les dettes ou les menaces, du classique pour une chronique du "Bronx". Sans être superficiels, les personnages ont une vraie identité hélas relativement appauvrie par le jeu des comédiens et surtout des comédiennes : affublés de noms ridicules (les soeurs Bonnie et Barbie, Yoyo, Chili, Mabel...) et pas souvent dirigés, le cabotinage ou l'absence de talent annihilent une partie de leur identité. Billy Chung traite donc cet univers avec un vrai sens de la gratuité : les massacres s'enchaînent dans un pur soucis d'épate, les giclées de sang rappellent l'époque Mortal Kombat des salles d'arcade près des plages, la moindre entaille fait jaillir quantité d'hémoglobine virtuelle, les têtes sont découpées, une femme est violée, les deux soeurs de Neil sont kidnappées puis retrouvées pendues par les poignets, du vrai gibier qui n'apporte aucun plaisir coupable devant tant de furie du fait d'une absence totale de crédibilité. Le film, exempt de scènes crues (là où un Election était réussi parce qu'il savait faire preuve de fond au détriment de la surenchère) aurait pu être très intéressant. Il arrive à l'être le temps de quelques séquences témoignant de la dureté des propos (le jeune Marble obligé à voler son père, Mabel terrorisée après avoir subi le viol, la descente aux enfers lente de Neil, les classiques conflits à l'intérieur du gang) et une chronologie maîtrisée mais le film est constamment rabaissé par la lourdeur et l'absence totale de suggestion lorsqu'il joue de l'arme blanche. L'incroyable boucherie finale est exacerbée par l'insert d'écrans dessinés paraphrasant ce qui se déroule sous nos yeux et l'écran finit même par être immaculé de rouge pour une fois de plus appuyer le côté barbare des séquences. De plus, le cinéaste se la joue moralisateur en pointant l'inutilité de la police et leur absence d'humanisme pour aider ceux qui viennent de sortir de prison à retrouver le droit chemin. Mais ce qui fâche le plus, c'est la qualité innommable de la réalisation en DV multipliant les effets de style jusqu'à l'écoeurement le plus total (par exemple, le chef opérateur joue avec la mise au point et les zooms sur une cage infestée de grenouilles!), les couleurs virent au négatif ou au noir et blanc lorsqu'il est question de flash-back, les ralentis et autres accélérés semblent avoir été traités sur un logiciel freeware. Pas forcément meilleur qu'une des séries de Chine populaire qui passent régulièrement sur CCTV. Ne parlons pas de la musique, pas plus digne des productions signées John B. Root. Hongkong Bronx est bien l'exemple de tout ce qu'il ne faut pas faire au cinéma pour garder un minimum de crédibilité.