Pointure trop grande
"Homerun" est le remake totalement assumée du magnifique film iranien "Les enfants du Ciel" de Majid Majidi. Sans pouvoir prétendre à la fraîcheur, originalité et – surtout – portée philosophique de l'original, Jack Neo signe sans doute là l'un de ses projets les plus ambitieux et réussis – s'il n'avait pas voulu ajouter une dimension politique bien trop ambitieuse pour son (maigre) talent.
La première bonne idée est d'avoir transposé l'intrigue au Singapore des années 1960. Aujourd'hui totalement disparu depuis la mise en place du "plan économique" pour le développement du pays, le film ressuscite les vastes étendues campagnardes et des petites villes où un chacun se connaît. Aujourd'hui disparus, ces décors n'ont pu être capturés qu'en tournant dans la Malaisie voisine.
L'histoire originale est relativement respectée. Merveilleuse idée de départ, Neo trouve des cocasses situations comiques inédites et remporte l'entière adhésion grâce à l'incroyable charme naturel de ses jeunes comédies. Pour la première fois (presque) sans aucune (inutile) intrigue secondaire d'adultes, le regard posé sur les enfats est particulièrement tendre, le ton souvent juste.
SAUF que Neo voulait sans aucun doute marquer le coup en introduisant de nouveau une bonne dose de ce qu'il doit lui-même définir comme "auteurisant" en intégrant des très, très lourds sous-entendus politiques. 1965 marque bien évidemment les débuts de la nouvelle politique mise en place par les nouveaux dirigeants. Rapidement esquissés par une très bonne scène de manifestation, Neo n'hésite pas à pointer un très gros doigt accusateur sur le voisin malaisien en ressuscitant de querelles typiquement politiques sans réel fondement, dont notamment un scandale concernant l'importation d'eau potable (Singapore étant le seul pays au monde ne disposant d'aucune matière première d'aucune sorte et étant obligé d'acheter jusqu'à l'eau pour pouvoir subvenir à ses besoins). Cette scène est "métaphorisée" par une querelle des enfants autour d'un puits. Sans réel lien avec le restant de l'intrigue, les dialogues mis dans la bouche des enfants sonne tout d'un coup terriblement creux et faux; pire, Neo se fait une nouvelle fois le "chevalier" de son pays au fort relent nationaliste et en choisissant des très faciles raccourcis par rapport à son voisin pour expédier le fond de l'affaire. D'autres métaphores historiques transparaissent ça et là et paraissent incroyablement puériles pour celui qui connaîtrait le fin mot de l'histoire.
Pour ceux moins familiers avec l'historie des deux pays, d'autres facteurs risquent de faire légèrement grincer des dents: les très grosses ficelles employées par le réalisateur pour faire pleurer dans les chaumières. Une incroyablement mièvre mise en parallèle montre Ah Kun concourir au marathon, pendant que sa sœur part chercher une sage femme. Sans en dévoiler de trop, tous deux finissent pieds nus – pendant que le premier doit affronter une route caillouteuse, la seconde doit carrément survoler des éclats de verre qui jonchent inexplicablement son chemin. Pour l'occasion, Neo recourt une nouvelle fois aux gros violons et aux ralentis pour exprimer douleurs et peines des enfants.
Dommage pour ses nombreux faux-pas; le charme des décors et l'incroyable talent de ces acteurs avaient tout pour en faire un film réellement réussi – ce qui n'aura pourtant pas empêché d'être projeté à des nombreux Festivals et de rafler pas mal de récompenses, permettant enfin une première exposition internationale au réalisateur, qui n'aura pas pu conclure cette aubaine par la suite.