Ordell Robbie | 3.5 | Une belle introduction à l'oeuvre d'un grand d'Asie |
Ghost Dog | 3.5 | Un très bon moyen pour aborder l'oeuvre d'un cinéaste important: le découvrir c... |
MLF | 4 |
Faire un documentaire sur Hou Hsiao Hsien pour la série Cinéma de notre temps, c'est d'abord pour Olivier Assayas revenir aux sources de son désir d'Asie. Parti à Hong Kong pour ce qui deviendra un numéro des Cahiers du Cinéma spécial HK faisant date, Assayas le quittera pour Taïwan où il découvrira la Nouvelle Vague cinématographique de l'époque. D'Hou Hsiao Hsien, il deviendra l'ami et le découvreur en France. Avec ce documentaire datant de 1997, Assayas donne à voir les multiples aspects du personnage filmé au quotidien. Il est ainsi question d'arpenter les lieux de tournage de ses films, de prendre ces trains, ces bateaux indissociables de son cinéma. Mais aussi de montrer un cinéaste revenant sur les lieux de son enfance pour discuter avec ses amis de l'époque d'une de ces parties de billes qu'on retrouvera dans son cinéma. Rappeler de fait que Hou Hsiao-hsien, c'est aussi ça: le macho bourru de ses jeunes années très porté sur l'amitié virile. Ou encore de discuter avec ses scénaristes concernant ses méthodes de travail. Et de faire parler Hou dans un restaurant ou autour d'un karaoké de son travail et de sa vision du cinéma. Cinéma semblant fondé sur une extrême attention à l'autre, qu'il ait été croisé à un coin de rue ou qu'il soit un collaborateur.
Hou rappelle en outre l'importance politique du rôle de son cinéma dans l'île, le succès d'un film comme La Cité des Douleurs sur place ayant poussé les langues à se délier concernant le passé historique de Taïwan. Ou encore son propre rapport et celui de Taïwan à la Chine, son désir de proposer une vision de l'histoire de son pays vierge de l'exploitation à des fins politiques qui en fut faite à Taïwan. On ne remerciera d'ailleurs jamais assez Assayas de ses petits rappels historiques pouvant servir de boussole pour se repérer dans le cinéma de Hou. L'autre point évoqué est celui de son statut d'auteur de festival confirmant la grande importance accordée en Asie à une reconnaissance académique en Occident. On apprend ainsi qu'après avoir été raillé par la presse locale pour ses prix dans des "petits" festivals le Lion d'or de La Cité des douleurs lui permit de rembourser les dettes contractées pour faire un cinéma dans des conditions de liberté artistique. Mais que ce Lion d'or entraîna ensuite une pression sur les cinéastes taïwanais désormais tenus de ne pas repartir bredouille d'un grand festival. Tandis que le cinéma national semble avoir du mal à Taïwan face aux cinémas étrangers. Le tout parsemé d'extraits de films du cinéaste.
Et Assayas aura au final réussi à présenter le personnage HHH dans sa richesse et sa diversité.
Lorsqu'on prononce son nom, on a tout de suite en tête des plans-séquences interminables, des personnages filmés de très loin en caméra fixe et une émotion peu palpable à l'écran: Hou Hsiao Hsien, ou HHH. Ce style de mise en scène a de quoi déconcerter au premier abord, ce qui lui vaut une réputation de cinéaste intello barbant.
Pour casser cette idée reçue, rien de mieux que d'aller l'interviewer chez lui, à Taiwan, pour mieux comprendre ses films. C'est le français Olivier Assayas ( qui s'intéresse au cinéma asiatique: il a tourné Irma Vep avec Maggie Cheung qui est devenue sa femme!) qui s'y colle, avec pour seul mot d'ordre la simplicité et la liberté de parole laissée au cinéaste taiwanais.
HHH commence d'abord par nous emmener chez lui, là où il a grandi. Retrouvailles émouvantes avec ses amis d'enfance, ses voisins,... Puis il commence à s'exprimer sur des sujets qui lui tiennent à coeur: l'histoire de son pays, de son île, longtemps dénigrée par le gouvernement, et qu'il s'efforce de raconter dans ses films d'un point de vue humaniste; ses tentatives de compréhension de l'autre par l'observation et la contemplation; ses problèmes de tournages, de scénarios; et même les vertus du karaoké!
A travers ce portrait-interview parsemé d'extraits de ses films, on comprend à quel point HHH est un auteur essentiel, qui porte sur ses épaules l'ouverture du cinéma taiwanais au monde avec son Lion d'Or à Venise en 1989 pour La Cité des Douleurs, ouvrant ainsi la voie à d'autres cinéastes reconnus et récompensés depuis: Edward Yang, Tsai-Ming Liang, Ang Lee. Lui qui n'est parti de rien, qui a décidé de faire du cinéma sur un coup de tête, a contribué à faire évoluer la démocratie de son pays depuis la levée de la loi martiale (une sorte de constitution tyrannique) en 1987!
Au delà de la découverte d'un cinéaste très intéressant dans ses propos, ainsi que de la découverte d'un pays à travers ses yeux, ce documentaire donne aussi une sérieuse envie de s'emparer d'un stylo ou d'une caméra pour tourner ses propres films!...