Arno Ching-wan | 3.75 | Léger comme une plume |
Astec | 3.75 | Spleen |
Ailes grises est à l'origine un manga issu d’un petit fanzine, une BD dessinée par ABE Yoshitoshi, un des créateurs de Serial Experiments Lain, œuvre glauque n’entretenant que très peu de rapports avec la gentillette série qui nous préoccupe aujourd’hui. Si ce n’est un final angélique, tiens, justement.
Les aventures de l'héroïne Rakka se déroulent sur treize épisodes seulement, tout comme les séries 13 vies et Paranoïa Agent, un avantage certain à l’heure où la majorité des séries shonen/shojo s’étirent à n’en plus finir sur « très beaucoup » d’épisodes. Ici le premier commence par la chute. Non pas une fin source de flash-back, mais bien une vraie chute, celle de notre Rakka, s’étonnant de ne pas avoir peur alors qu’elle est sur le point de s’écraser sur terre. Un corbeau la rejoint pour tenter vaille que vaille de l’empêcher de tomber. Peine perdue, l’enfant continue sa dégringolade, pour finalement se réveiller dans un cocon et éclore dans un monastère en tant qu’ange au milieu d’autres anges, dans la mystérieuse ville de Guri. Voilà pour l'introduction. L’héroïne devra s’acclimater à ce monde hors normes et résoudre les énigmes liées à cet endroit et à sa propre condition d’ange.
Ces ailes grises bénéficient d’une musique faisant planer le tout très haut, tranquillement, comme dans un rêve rassurant, ce genre de rêve où l’on se retrouve avec plein d’amis dans un endroit fermé et sécurisé où le cynisme n’a pas sa place. Le soundtrack est un des atouts majeurs de cette série, il maintient une sensation de flottement avec force violons et autres petites ballades répétitives générant une béâtitude nous rappelant les travaux du compositeur Mickael Nyman, en particulier sa compo sur le film Bienvenue à Gattaca. A noter deux génériques réussis, amusants pour nous autres français, chacun commençant avec une mélodie nous rappelant, pour le début, "Je suis un homme" de Polnareff (Quoi de plus natureeeel, en somme) et pour le final "aimer c'est plus fort queee touuuut" de la comédie musicale "Les 10 commandements". Rigolo... La série prend souvent son temps, aime s’attarder sur des détails propres au fonctionnement du monastère, des petites choses et anecdotes qui devraient plaire en premier lieu aux spectatrices (« comment que j’vais m’habiller », « qui fait les crêpes ? », « t’arrives à faire bouger tes ailes comme ça toi ? ? »…). L'amateur de combats, lui, devra se tourner vers une autre série pour pouvoir matter des anges qui se mettent sur la tronche. Une fois assimilée cette dure réalité, on se laisse pénétrer par cette ambiance étrange pour arriver en deux temps trois mouvements à un dernier épisode bouleversant, dénouement nous tirant une petite larme émue en guise de conclusion à un univers qui, compte tenu de sa richesse, mériterait bien une 'tite deuxième saison.
Il ne reste plus à ABE Yoshitoshi que la réalisation à assumer pour définitivement franchir le pas.
Illustrateur passé à la création de personnages sur la série Serial Experiment Lain qu'il marque de sa patte graphique, il franchit un pas en participant à la création de la sympathique série NieA Under 7 en plus d'assurer le chara design, pour finir par voir un de ses travaux directement adapté avec Ailes Grises. En l'occurence il s'agit d'un doujinshi ( petits mangas auto-édités) de quatres volumes portant le même titre et auquel le premier épisode de la version animée est particulièrement fidèle. Bien entendu cette dernière va plus loin que le doujinshi, mais reste totalement dans le cadre de l'histoire de base et de l'identité graphique d'origine. Le trait délicat de ABE trouve donc un écho dans la "délicate" réalisation de l'anime, cette dernière captant et restituant la mélancolie profonde de l'univers avec subtilité. Ainsi quand démarre la série le personnage de Rakkha arrive t-il en pleine saison estivale et rapidement l'ambiance ensoleillée, lumineuse chalereuse et champêtre qu'elle rencontre contrebalancent l'inquiétude qui aurait pu naître de l'étrangeté fondamentale de sa situation. Ce n'est que progressivement que la mélancolie s'installe, que l'inquitéude pointe parfois le bout de son nez et que les questions existentielles sous tendant la série pèsent de leur poids dramatique. La bonne idée dans tout ce travail d'ambiance est de faire évoluer les humeurs des personnages au diapason des saisons, accentuant ainsi sans en rajouter les effets désirés. La qualité du travail artistique sur les décors est à ce titre également remarquable.
Une série parfois "lynchienne" dans sa façon de ne pas apporter de réponses claires aux mystères suscités, mais aussi une série poétique car traversée d'un spleen profond à tous les niveaux.