Mon dieu ! Et dire que je m'attendais à un truc plus énergique en lisant le sujet et en voyant qu'il ne faisait que 1h20. Et bien non ; c'est le plus ch.... de tous les Tsai qu'il m'ait été donné de voir. Une bande de fantômes qui passent et trépassent dans une cinéma en fin de vie ; une réceptionniste boiteuse qu'on peut admirer marcher pendant des heures sans que rien n'arrive, la pauvre cherchant un projectionniste qui manifestement a décidé de jouer à cache-cache. Beaucoup de références à ses précédents films, et une nostalgie apparente pour les années 70 où le cinéma avait un succès manifestement moins commercial et profitait à tous les passionnés. Mais ce film va profiter aux quelques insomniaques résistants.
Le Tsai cuvée 2003 est un véritable supplice, la palme d’or du film le plus chi@!#, le plus hermétique et le plus « foutage de gueule » : pas de dialogues, pas d’action, pas d’intrigue ni même de personnages, seulement des zombis traversant lentement des plans désespérément fixes, vidés de toute leur substance dramatique ou intellectuelle. Car il faut se les taper, ces longues minutes où 3 gars pissent dans un urinoir en grillant une clope en entier (véridique !), où une femme boiteuse marche dans un couloir sans fin, ou encore où une salle de cinéma vide est contemplée de façon hypnotique ; même passées en accéléré, ça reste chi@!# et insupportable, d’autant plus que la thèse développée ici – le Cinéma va mal, bouh, il va mourir, c’était mieux avant les bons films de la Shaw, mais plus personne ne s’y intéresse, snif – est des plus démagogiques : on n’a jamais, dans toute l’Histoire de l’image et du son dans le Monde, diffusé, produit ou réédité autant de films en salles, en DVD ou à la télé, et je doute que la France, qui a battu son record de fréquentation de salles qui datait de 20 ans en 2004, soit un cas à part… Alors soit on suit Tsai dans son pessimisme bougon et nostalgique et on applaudit ce film, soit on est un minimum honnête, on avoue que l’on vit quand même une époque formidable cinématographiquement parlant, et on rejette en bloc ce film-concept qui a abandonné derrière lui sans autre forme de procès l’humour à froid et la malice qui donnait leur charme à ses précédentes œuvres.
On connaissait déjà le mutisme des personnages dans l’œuvre moite de Tsai Ming-Liang, ce Good Bye, Dragon Inn ne déroge pas à la règle. Plongés dans le noir lumineux d’une salle de cinéma sur le point de fermer ses portes, les rares spectateurs, l’ouvreuse et le projectionniste vaquent chacun à leurs occupations. On raconte, au bout de ¾ d’heure, que l’établissement serait hanté. Mais par qui ? Dragon Inn de King Hu est projeté pour la dernière séance, un symbole, la mort du (d’un ?) cinéma avec une œuvre d’un des plus grands cinéastes chinois. Rideau, tout le monde rentre chez soit. Le message est assez clair, mais au-delà de cette vision pessimiste visant à dire que le cinéma d’aujourd’hui est mort, Good Bye, Dragon Inn est la suite logique de ce que l’on pouvait attendre du cinéma de Tsai Ming-Liang, aussi bien sur le plan artistique que narratif, après Et là-bas quelle heure est-il?, son plus beau film. Celui-ci, malgré de géniales inspirations souvent très drôles, laissait en bouche une étrange saveur. Confirmation en 2003 avec ce huit-clos où la solitude et l’absence d’intimité résonnent dans des couloirs déjà morts. Il y a encore cette idée de pourriture d’une cloison détrempée, la mort rongeant peu à peu ce cinéma sous des trombes d'eau. Elle gangrène une ouvreuse qui traine la patte pour se mouvoir à la recherche du projectionniste qu’elle n’a jamais vu. Son biscuit ne sera pas partagé et elle n’y peut rien.
Elle gangrène un cinéma plongé dans l’obscurité, il n’y a plus âme qui vive. Sauf ces vieux fantômes qui fascinent un spectateur paumé. Et c’est sans doute vrai. Ces portes de toilettes qui s’ouvrent toutes seules, ces silhouettes qui entrent dans la salle en pleine projection, et que l’on ne distingue pas très bien. Dans son étrangeté, Good Bye, Dragon Inn est une réussite tranquille de Tsai Ming-Liang. Mais dans le fond, ces motifs ont déjà été traités avec plus d’inspiration dans les œuvres précédentes du cinéaste, notamment ces deux pointes d’humour –oui, il y en a- où une spectatrice pas gênée bataille pour récupérer son soulier tombé une rangée plus bas, et où le squatter japonais se retrouve encerclé dans les toilettes. Et si l’on peut critiquer Tsai Ming-Liang dans sa volonté systématique, presque maladive de faire durer ses plans, malgré l'extrême soin apporté à chacun d'entre eux, le fait d’en étirer un ou deux permet à une séquence presque anodine de provoquer un effet au départ non voulu. Ou cet effet que personne n’attendait et qui apporte au film un peu de folie qui, en dépit de ses qualités, en manque un peu. On sent l’autocitation et le recyclage des thématiques, comme la forme de communication entre les personnages qui ne semble être possible que par le souvenir et le médium cinéma, cette solitude extrême poussant au désespoir. Chacun est à sa place, difficile d’en sortir : le squatter japonais précise qu’il est bien japonais, au cas où, le projectionniste est partout mais nulle part et les fantômes sont sans doute là mais ont auparavant insufflé de la vie à ces films chevaleresques. D'ailleurs, au travers d'une séquence magnifique et intense par sa durée, Chun Shih qui joue son propre rôle se revoit acteur chez King Hu, les yeux pleins de larmes. Good Bye, Dragon Inn rappelle combien Tsai Ming-Liang est un grand du cinéma taïwanais malgré tout ce que l'on peut trouver à redire sur cette escapade cinéphile un tant soit peu difficile. Ceux qui n’auront pas digéré cette aventure loin d’être épique auront tout le loisir de se consoler avec le chantant La Saveur de la pastèque, moins ancré dans la nostalgie et les regrets.
Gros dilemme, en ce qui concerne le dernier Tsai Ming-Liang... Le descendre, ou l'encenser ? Lui mettre la note minimale ou maximale ?
Finalement, je n'ai pas pu trancher, donc je lui mets la moyenne...
Dans le genre "film qui partage les opinions", celui-là est très fort.
Déjà, dans l'idée, c'est audacieux, faut dire. Tsai Ming-Liang à voulu rendre hommage à l'époque faste du cinéma chinois, une époque qu'il considère à travers son film, comme étant aujourd'hui révolue (idée sûrement partagée par beaucoup d'autres que lui). Le film se déroule dans un vieux cinéma qui projette son dernier film avant d'être définitivement fermé. Et le film en question, c'est "Dragon Inn", de King Hu. Ce choix n'est pas hasardeux, car King Hu est celui qui a dynamisé/révolutionné le Wu Xia Pian au milieu des années 60 avec "Come Drink With Me", un genre devenu très populaire durant toute la décennie suivante (les centaines de films produits par les studios "Shaw Brothers" témoignent de cet état de fait), et quelque part, c'est LE cinéaste chinois de référence (pas mal de ses films sont de grands classiques et ont étés de grandes sources d'inspiration pour les générations postérieures, comme "A Touch Of Zen", "The Valiant Ones", "Legend & Raining In The Mountain", et justement "Dragon Inn"). Et bien entendu, Tsai Ming-Liang en est fan.
Mais si l'idée en soi est intéressante, c'est plutôt le traitement de cette idée par Tsai Ming-Liang qui peut poser problème. Car "Goodbye Dragon Inn" a tout pour être un film difficile d'accès, voire même pénible à regarder.
Ceux qui connaissent sa filmo ne seront pas trop dépaysés. Tsai Ming-Liang a toujours beaucoup joué sur la distanciation dans ses films, et il a toujours "abusé" des plans-séquences, pour faire naître chez le spectateur la sensation de désespoir et de lancinance vécue par les protagonistes qu'il mettait en scène.
"Goodbye Dragon Inn" reprend tout ça, avec des personnages qui déambulent aussi vite que des zombies de Romero, dans les couloirs de ce cinéma voué à l'abandon.
Autant dire que le film est très lent, que l'atmosphère est des plus sombres, et qu'il n'est pas assez parsemé d'humour comme c'était le cas dans les autres films du réalisateur (le comique de situation intervenant régulièrement dans ses oeuvres, mais le plus étonnant restait "The Hole" avec ses passages musicaux qui tendaient à égayer le film), ce qui aidait à faire passer la pilule. Néanmoins, quelques passages restent suffisamment cocasses pour retenir l'attention (enfin tout dépend de l'ouverture d'esprit qu'on a face à cet humour).
"Goodbye Dragon Inn" joue aussi beaucoup sur le mutisme de ses personnages. Les premières paroles interviennent au bout de 45 minutes de film. Ca donne un peu une idée du débit à ce niveau...
Et puis on peut ajouter le personnage homosexuel et l'humidité ambiante, qui sont devenus des leitmotiv dans l'oeuvre du cinéaste taïwanais. Ce dernier fait plus ou moins bon usage de tous ces éléments, mais certains passages trainent vraiment trop en longueur (la scène dans les toilettes du cinéma...), et en plus de ça, les plans-séquences semblent s'étirer de plus en plus dans la durée, au fur et à mesure que le film avance (pour en arriver à un plan de plusieurs minutes sur la salle de cinéma complètement vide).
Il faut donc s'accrocher pour ne pas abandonner le visionnage ou user à tout va de la touche accélération rapide, mais si on arrive à outre-passer les difficultés enoncées plus haut, il reste des choses intéressantes à analyser/interpréter ainsi qu'à ressentir, étant donné le gros travail effectué sur l'interprétation des acteurs, par exemple. En effet, il arrivera que ces derniers réagissent face au film de King Hu projeté sur l'écran du cinéma. Le moment le plus beau reste celui ou un homme se met à pleurer. Cela dit, on égale toutefois pas la puissance émotionnelle de la dernière séquence de "Vive l'amour", du même réalisateur.
Maintenant, pour ce qui est de la substance du film... Tsai Ming-Liang a décidé de faire un film sur le cinéma, ou plutôt sur ce que le cinéma est devenu. "Goodbye Dragon Inn" est, depuis son titre évocateur, jusqu'à la phrase dite par l'un des personnages à la fin (qui est censé être l'un des acteurs du film de King Hu, ayant vieilli depuis) "Plus personne ne va au cinéma et plus personne ne se souvient de nous", un film pessimiste et nostalgique.
D'autres réalisateurs asiatiques avaient franchis le pas, comme par exemple Kim Ki-Duk avec "Real Fiction" et Oshii Mamoru avec "Talking Head", mais ceux-ci s'attardaient plutôt sur la complexité du rapport existant entre réalité et fiction ; entre la vie et le cinéma. "Real Fiction" était l'équivalent d'un making-off dont on aurait fait un film (filmer ce qu'on filme, en gros, ou la notion de film dans le film) ; "Talking Head" était un ensemble de réflexions sur les techniques cinématographiques, et cela dans le cadre d'une affaire de disparitions en série d'une équipe de tournage, et en arrivait à faire naître chez les personnages la sensation d'être justement des personnages, des pantins manipulés par Oshii lui-même.
"Goodbye Dragon Inn" ne joue pas dans le même registre ; il tente plutôt de nous mettre face à notre condition de spectateur, voire à nous sensibiliser avec des personnages frôlant parfois la caricature (la femme mangeant son pop corn en posant ses pieds sur le siège situé devant elle), donc nous faire comprendre en quelque sorte que non seulement le cinéma actuel n'est plus ce qu'il était (en terme de qualité artistique), que le bon cinéma d'antan n'a plus la même portée aujourd'hui (en terme d'attrait pour le spectateur), mais aussi que l'attitude du spectateur actuel révèle plus ses instincts de consommateur blasé qu'une véritable passion pour l'art, capable de l'émouvoir face à une oeuvre cinématographique.
Mais Tsai Ming-Liang conserve avec "Goodbye Dragon Inn", son goût pour les histoires d'amour introverties. Ainsi, l'ouvreuse infirme est amoureuse du projectionniste (on reconnaitra Lee Kang-Sheng, l'acteur fétiche de Tsai Ming-Liang), et trainera sa jambe dans les dédales insalubres du cinéma, pour lui offrir un gâteau, sans jamais pouvoir le trouver. Un jeune japonais homosexuel tentera quant à lui, d'approcher quelques hommes dans la salle de cinéma et aux alentours, mais en vain.
Et jusqu'au bout, "Goodbye Dragon Inn", film sinistre et macabre s'il en est, n'affichera aucune nuance, pas même une once d'espoir.
Quelque part, on peut dire que Tsai Ming-Liang est allé atteindre une limite, une forme d'accomplissement de son art, que ce soit dans sa mise en scène, qui n'a jamais autant appuyé sur la lenteur de l'action et l'inanimation irritante des formes de vies présentes (car peut-on appeler ça des êtres humains ?), mais également dans sa narration (absence total de développement des personnages et d'ellipses).
De ce fait, sans révolutionner les choses dans le bon sens, "Goodbye Dragon Inn" se veut clairement anti-commercial et dénigre toute idée de cinéma divertissant.
Pas totalement inintéressant dans le fond, mais clairement adressé à un public d'élites cinéphiles, car trop hermétique, "Goodbye Dragon Inn" laisse au final un goût plutôt amer : celui d'avoir assisté à la fin du cinéma.
Mais n'était-ce pas le but ?
Rare sont les films aussi insipides, "Goodbye Dragon Inn" est sans doute l'un des plus creux et des plus lents de tous les films que j'ai pu voir.
...un record à battre avec "Avalon" ?
jai pas trop cerné où voulait en venir ces vides images.
c'est d'un chiant!! on dirait du WKW qui remake du gus van sant!!! -_-"
à voir si vous aimez les plans de 5 mins sur une image immobile..... ...