Premièrement avant de démarrer le visionnage de Karaté à Bali, on s’arme de précautions : boire un bon café serré, préparer les mouchoirs pour les crises de fou rire se terminant en larme et prévoir un rendez-vous au préalable chez le psychologue du coin. Pourquoi ? Parce qu’un kung-fu movie de la classe d’une pâle copie turque réserve son lot de surprises : le cinéaste Yeung Sai-Hing a beau avoir bossé dans la production d’un A Touch of Zen, ça n’en fait pas un as de la réalisation. Arrivant à peine au premier doigt de pied du film de King Hu, Karaté à Bali s’inscrit dans la veine des bobines taïwanaises fauchées tournées en Indonésie (et au vu de l’histoire, le lieu importe peu) pompant allègrement sur ce que le cinéma d’art-martiaux a déjà proposé des années auparavant : zooms à tire-larigot, énième histoire de vengeance, méchant masqué et néant absolument pour tout ce qui tourne autour de l’intrigue. Un redoutable guerrier est envoyé par un tyran dans la demeure de Hua Chia afin d’y récupérer une épée particulièrement convoitée. Ce dernier portait un masque comme celui du célèbre « Ghostly Face », héros connu de tous. En tentant de sauver son précieux objet, Hua Chia y laisse sa vie et sa fille à présent orpheline. Cette dernière compte se venger du « Ghostly Face » sans savoir qu’il n’est pour rien dans cette histoire. C’est à peu près ça. Comme une bonne partie des films fauchés qui n’ont absolument rien à dire en dehors des séquences d’action, Karaté à Bali est un film en fait particulièrement ennuyant, il ne se passe pratiquement rien et n’a de nanar que son image bancale proprement affreuse, ses interprètes pratiquement tous à côté de la plaque et son lot de séquences inutiles où le cinéaste se plait à y passer beaucoup de temps : les interminables séquences à cheval filmées dans tous les sens ou encore les trois cérémonies de danses filmées sans un pète de rythme qui finissent par être vomitives du fait de tics formels hystériques.
En dehors d’une Polly Shang Kuan plutôt impliquée dans la peau d’une fille aveuglée par la vengeance et d’un ou deux types solides, les ennemis (en majorité des pirates) n’ont aucun charisme et surjouent atrocement. Mais au vu du peu de temps qu’ils passent à l’écran (en dehors de leur pose), l’amateur de nanars n’y tiendra pas rigueur et se sentira particulièrement à l’aise avec ce truc torché avec les panards : pas de chef opérateurs ni de directeurs artistiques à l’horizon, pas de scénaristes ni même de monteurs (où sont les raccords ?), le résultat aurait pu être le même avec le premier amateur du coin. Ce qui est affligeant en devient drôle, comme par exemple la présence de deux plans identiques montés l’un après l’autre durant une scène de bagarre. Mais la palme revient à la composition de la bande-son : pas de compositeurs en vue, le film reprenant entre autres quatre thèmes musicaux du légendaire Il était une fois la révolution de Sergio Leone et pas mois de trois autres chopés sur le non moins légendaire Il était une fois dans l’ouest. La Palme revient au combinage des morceaux des deux films, et au vu de la qualité du mixage sonore on vous laisse deviner l’étendue des dégâts, les mecs étant assez forts pour couper un morceau n’importe comment dès que la situation change ; et manque de pot les rebondissements ne manquent pas. Ca a son charme (comme le thème sifflé d’Il était une fois la révolution durant une promenade en bateau) mais le plagiat est tellement grossier qu’il en devient sacrilège (comparativement les plagiats de La planète des singes et de Zombie ou encore Oxigen de Jean-Michel Jarre chez Tsui Hark passent bien mieux car ces film là ont quelque chose à proposer cinématographiquement).
Le fait que le film soit fauché apporte un petit plus pas désagréable, une plus-value du pauvre qui ne semble gêner personne lors du tournage (des pirates qui nagent atrocement mal et qui ne savent pas se battre). Ah, on les reconnait car ils sont tous vêtus de noir et portent un bandeau rouge. Et vu qu’ils en prennent plein la tronche, la dernière solution d’évincer miss Vengeance est de faire tanguer de gauche à droite le bateau dans lequel elle se trouve. A peine lâche ! Remarque, lorsque l’équipe est dirigée par un matelot dont le doux regard rappelle celui du Ghost Dog de Jarmush, on peut encore rêver niveau charisme. Karaté à Bali fait donc parti des films rares, de ceux qui croient faire comme les aînés plus talentueux simplement en bougeant des épées n’importe comment et en proposant une sombre histoire de vengeance. Suffisamment gore pour être taxé d’incorrect (nombreuses mises à mort improbables, village pillé et femmes tuées), le film s’enlise pourtant dans des thèmes plus doux (l’amitié entre la fille de Hua Chia et une prisonnière désireuse elle aussi de vengeance) incohérents avec l’esprit barbare du film : « l’admirable » scène de baston meurtrière entre l’héroïne et le frère (supposé) de l’ex-prisonnière va totalement à l’encontre des valeurs de l’amitié. La profondeur des personnages reste donc à l’état de primaire, barbare et en dessous des valeurs humaines (étonnant pour des personnages censés maîtriser le kung-fu). Le combat de coq gratuit en milieu de métrage est une métaphore presque inavouée de tout ceci. Au final, ce Karaté à Bali a sa place dans la collection des amateurs de nanars et de ceux qui aimeraient voir ce qu’une scène pleine de pathos peut donner sous la musique de l’Harmonica d’Il était une fois dans l’ouest. Les amateurs de films de kung-fu classiques ne se sentiront pas perdus non plus, le film gardant un bon équilibre entre spectaculaire et variété durant les scènes de combat. C’est bien tout. A prendre au dixième degré pour espérer s’amuser devant ce Karaté à Bali d’une vraie nullité.