drélium | 3.25 | Froid yakuza Vs Chaud Suzuki |
Ordell Robbie | 3.25 | Marée Basse |
Xavier Chanoine | 3.75 | Bluffe et embrouillettes à Asakusa. |
Qu’est ce qui manque à les Fleurs et les vagues pour être un Suzuki majeur ? Pas un script à la peinture du monde ouvrier bien sentie et au final à l’optimisme tranchant avec le fatalisme du cinéma de genre nippon de l’époque. Ni non plus une direction d’acteurs sans faille où se distingue KOBAYASHI Akira. Dans un registre de rigueur classique tranchant avec ses autres réalisations de l’époque, la mise en scène de Suzuki se révèle très convaincante. Et le film « pèse » bien plus cinématographiquement qu’une palanquée de films de genre asiatiques récents. Qu’est-ce qui manque alors ? Un peu d’imprévu, d’accidentel, de dérèglement qui amènerait un peu d’émotion dans une mécanique bien huilée mais froide. Une vraie puissance dramatique par exemple, celle qui tirera vers le haut la Vie d’un tatoué ou Histoire d'une prostituée. Les seuls moments où le film décolle, ce sont ces combats où l’énergie des acteurs se marie parfaitement à la rigueur impeccable de la mise en scène et du montage. Le reste du temps, on a l’impression de regarder le film trop sage d’un cinéaste plus inspiré dans ses jours plus surréalistes. Un film qui serait à la Marque du tueur ce que le classicisme sans feu d’Aviator est à la puissance tragique d’un Casino. C’est à dire un film permettant de mesurer l’abîme séparant le simple talent de la vraie grandeur.
Si il y a un point que l'on retiendra dans l'oeuvre de Suzuki, c'est cette formidable galerie de personnages ambigus, trompeurs et espiègles, n'hésitant pas à jouer avec les décors et les ombres pour mieux tromper leur vis-à-vis. L'un des personnages les plus emblématiques du film, bien que pas forcément très important dans la trame, c'est ce mercenaire masqué et vêtu d'une cape pour mieux se confondre dans la nuit et ainsi piéger au couteau ses adversaires. Ses quelques confrontations avec Kikuji donnent lieu à de purs moments de cinéma, notamment lors de cette séquence dans une petite bâtisse où les deux protagonistes se cherchent, tout en se cachant grâce au décor et aux parois d'escalier. Le scope de Suzuki les observent, mais personne ne se trouve. Seul le spectateur est témoin des actions, un peu comme si Suzuki se moquait de son spectateur tout en les narguant.
Les fleurs et les vagues est aussi un brûlot efficace sur la condition de travail des ouvriers au Japon, sous-payés et bossant comme pas deux. Traités comme des chiens, ils ne tarderont pas à se rebeller face à leur patron, réduis à les supplier de travailler dans une séquence mémorable. Sous ses faux airs de film de sabre, le film de Suzuki est aussi un polar enjoué, faisant affronter deux époques bien distinctes : la vieille école et ses poignards de bambou et une autre plus moderne utilisant pistolets et carabines. Le choc des cultures, théâtre de séquences violentes et barbares où les deux clans du film s'affrontent dans une zizanie pas possible. Ceci dit, et comme pour Elégie de la bagarre, il manque un brin de folie que l'on trouvait dans ses polars pop (le futur Le vagabond de Tokyo ou l'extraordinaire La Marque du tueur), le film hésitant à aller au bout de ses prétentions, ne sachant pas forcément de quel côté se mettre (polar, drame, film de sabre, brûlot social?) comme en témoigne cette "belle" fin particulièrement moyenne et molle du genou. Esthétiquement le film est une pure beauté, jouant adroitement avec les très nombreux travellings horizontaux, mais ça ne suffit pas à le rendre inoubliable.
Esthétique : 4.25/5 - Pur récital avec quelques longs plans-séquences et travellings nerveux. Musique : 3/5 - Pas follichone, il y a ceci dit le charme d'antan. Interprétation : 4/5 - Yakuza, geisha, ouvriers, policiers, tous sont crédibles. Scénario : 3/5 - Si le mélange des genres évoque une certaine classe, l'ensemble manque de folie.