On peut en faire des choses avec peu de moyens
Et une fois de plus, l'ouverture vient du cinéma indépendant. Alors que la production nationale est dans le pire des états depuis des années, les nouveaux réalisateurs s'imposent dans la place avec des films ayant des coeur et du ventre. Réalisé avec un budget dérisoire pour un film d'action (environ 500k$, merci Kim Ki-Duk), on dirait vraiment une grosse production. Les images sont impeccables, aucun problème de raccord, ni de couleur ou d'éclairage. Du beau travail sur toute la ligne. Ici, on reprend plusieurs genres souvent traités en Corée ; d'un coté le film d'action brutal, réaliste, et de l'autre le film de mafia. Il faut reconnaître que cette année, on n'a pas été vraiment gâtés, et Jang Hun nous propose un spectacle où on prend au moins autant son pied que devant Le Bon, la brute et le cinglé (à moindre frais) et où on n'est pas arnaqué par une fin inutile comme dans The Chaser (qui sont les meilleures productions à gros budget de l'année).
On suit ainsi une star de cinéma d'action en tournage. Après un accident où le deuxième acteur est grièvement blessé, le tournage est arrêté. Il va donc demander l'aide d'un mafieu qu'il avait tenté d'humilier quelques jours plus tôt dans un bar. Celui-ci accepte le rôle mais son comportement rend le tornage difficile. Tantôt il est volontaire et amusé par le tournage, tantôt il retourne dans son personnage de mafieu et rend la vie dure aux autres membres. Le scénarios, à grande majorité comique (merci le réalisateur du film dans le film et ses répliques cocasses), ne s'arrête toutefois pas devant les scènes dures. C'est d'ailleurs probablement ce qui fait sa force ; il ne cherche absolument pas à être docile envers le spectateur, mais plutôt lui coupe brutalement son rire par une scène cruelle mais jamais gratuite.
Les deux acteurs sont juste impeccables. Ils sont aussi à l'aise dans les scènes d'action que dans le jeu dramatique, soutenus par des seconds rôles qui ne sont vraiment pas en reste (Hong Su-Hyeon et Jang Hee-Jin). Après vision de ce film, même si certains choix scénaristiques pouvaient perturber, il n'en reste que des bons souvenirs ; et le mélange comédie-drame-action fonctionne à la perfection. Du grand cinéma, et encore un réalisateur à suivre.
Thème intéressant pour un film "percutant" sans surprise
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notre dossier pour un avis complet.
Face off
"Rough Cut" est du pur cinéma de divertissement – mais du divertissement de qualité; le nom de Kim Ki-duk ("chaperon" du réalisateur Jang Hoon et également coscénariste, même si l'on pourra sans doute davantage parler "Sur une idée de…") n'étant peut-être pas forcément pas étranger.
L'idée de génie est d'avoir su mêler réalité à la fiction. Il s'agit donc quasiment d'un "film dans le film" au cours duquel un personnage réel (un gangster) devient acteur le temps d'un film, mais est sommé de se comporter de manière aussi réaliste que possible.
Nul doute, qu'un vrai auteur aurait su beaucoup plus transcender cette simple notion – et bon nombre d'autres réalisateurs se sont déjà frottés à cette notion par le passé ("Scream 3" quelqu'un ?). Jang Hoon ne se cache jamais de n'en faire qu'un simple film de divertissement, mais il ne fait pas les choses à moitié.
Tout d'abord dans le choix de son casting. So Ji-sub, acteur de la série culte "Sorry, I love you" est parfait dans son rôle de la frappe Gang-pae (jeu de mot sur le mot "Gangster", tandis que celui de "Su-ta" en est un avec le mot "star"), tandis que Kang Ji-wan (star du petit écran et déjà aperçu dans l'indépendant "Host & Guest") est la parfaite tête à claquer. Leur alchimie fait ainsi toute la force du film.
Un film au postulat relativement mince et simplement sauvé par les nombreuses touches humoristiques (impossible de ne pas penser à Bong Joon-ho à regarder le réalisateur totalement dépassé BONG dans le présent film) et qui a le bon goût – et c'est plutôt rare – de ne pas dépasser les deux heures !! Le point faible est indéniablement le goût de mou de la dernière partie et les quelques rares fois, où Jang tente d'insuffler un semblant d'humanité dans ses deux personnages, dans des scènes introspectives un peu ratées.
L'autre mérite est également avoir réussi à produire un film extrêmement soigné avec des relatifs inconnus avec peu de moyens. Une partie de l'actuelle crise cinématographique coréenne réside effectivement dans l'inflation galopante des coûts de productions des films des gros studios, films très rarement bénéficiaires. Jang Hoon n'avait qu'un budget restreint, qu'il a su dépenser avec beaucoup d'intelligence et parcimonie: à aucun moment ne remarque-t-on, qu'il ne s'agit que d'un budget "moyen" et cinématographiquement parlant, il est à niveau des plus grosses "machines d'action" à avoir été produites au cours des dernières années. Un exemple, qui sert d'ores et déjà de cas d'école aux gros producteurs, surtout après le succès (là aussi, tout relatif, mais bien au-delà des plus folles espérances de la part de ses producteurs avec près de deux millions de spectateurs en fin de carrière)…mais qui s'est terminé sur une note légèrement amère: Kim Ki-duk a depuis intenté un procès à ses producteurs, affirmant n'avoir perçu qu'une infime partie des réelles recettes, qui lui reviendraient de droit, tandis que le producteur exécutif, lui, semble s'être volatilisé dans la nature avec le gros des recettes…
Ou quand la réalité dépasse finalement la fiction…
fitness, useless, fake movie
Un film mettant en scène le tournage d'un film où on ne fait pas semblant et où les coups sont vraiment portés, on se fait une bonne idée de ce que ça peut donner... sauf sans doute si le film en question est "coréen".
Drole d'impression donc à la vision de
Rough Cut, impression qui ne sera appréciée à sa juste valeur que par les amateurs de faisan et de paradoxes filmiques. Paradoxe (forcément splendide) que de voir ce film dont les personnages sont constamment à la recherche de l'action authentique et qui semble à ce point en toc (ce qui n'est jamais aussi évident que pendant les bastons, dignes représentantes du tout venant de la baston post-Park Chan-Wook / Ryu Seung-Wan / Kim Ji-Woon). Un paradoxe qui n'est rien de moins que celui du cinéma "d'action" coréen, cultivant autant la crudité et le réalisme que l'asseptisation : la mise en abyme est splendide !
Ainsi, même si le genre est très (trop) fécond,
Rough Cut est LE film d'acteurs de drama qui jouent les caïds accompagnés de potiches pour pub de téléphone portable dans des rôles de bouches-trous filmé par un réal qui se contente de s'assoir sur sa chaise et de laisser le film se faire - confiant sans doute la tronche que son bébé doit avoir au directeur de la photo, en oubliant qu'en Corée ces derniers sont non seulement tapageurs mais tous les mêmes...
PS : je lis la critique de Gilles et apprends qu'il s'agit d'un film à "petit" budget, et cela m'attère encore davantage.
Alors oui, effectivement, "on dirait vraiment une grosse production", mais alors on se demande l'intérêt (si ce n'est de montrer que l'enveloppe alouée aux blockbusters pourrait être allégée), hein ? La raison pour laquelle le cinéma coréen contemporain est aussi merdique c'est justement parce que le cinéma "indépendant" (je m'étrangle) est non seulement incapable de tracer une alternative au cinéma commercial, mais en plus il en épouse la forme.
Monde de merde.