A coups de souffle
"Exhausted" est le premier travail en solo de l'un des deux frères jumeaux Kim après une flopée de courts-métrages, surtout remarqués pour leur engagement politique, tendance marxiste.
Ici point de revendications, mais plutôt une œuvre expérimentale quasi muette d'un peu plus de deux heures, shootée en SUPER 8 pour donner un aspect volontairement craspec et mettre d'emblée le spectateur mal à l'aise…Et ce qu'il lui en faut, de la patience, au spectateur, pour vouloir s'immerger plus de deux heures durant dans ce vaste champ d'expérimentation, à l'image du tas de boue de la séquence d'ouverture du film, où des personnages grossièrement dépeints se débattent, tels des moucherons pris dans du miel ayant coulé sur la table .des personnages auxquels il est absolument impossible de s'identifier et qui servent donc simplement à procurer des sentiments…Un cinéma très semblable à celui des débuts de Nacho Cerda, réal du long "Abandonnée", mais qui s'est surtout fait connaître pour ses courts chocs, "Aftermath" ou "Genesis".
Un film, qui ferait passer ceux de Kim Ki-duk pour des comptines pour enfants, notamment dan ssa dernière demi-heure à la violence insoutenable, apogée de tout ce qui avait pu précéder: un téton coupé en gros plan au ciseau, ciseaux qui s'en vont également joyeusement trifouiller les parties les plus intimes d'une femme et réussir à extirper le fœtus d'un enfant pas encore né – expérience très difficile à accuser en tant que jeune père que je suis.
Un cinéma, qui fait forcément réagir – dans le bon ou le mauvais sens, que l'on acceptera ou que l'on récusera…mais un cinéma, qui n'est finalement que la prolongation logique de celui, plus commercial, de ces dernières années, donnant toujours plus dans la surenchère grand-guignolesque. Un cinéma du geste, de la chair meurtri, un cinéma de toute une nouvelle génération de réalisateurs, qui promet, au moins aussi enragé que celle de la précédente vague du renouveau de 1997…à la différence près, que le cinéma avait été le symbole du cri d'une libération…libération d'un joug politique ayant duré depuis des décennies…or, la nouvelle génération, qui prend le pouvoir crie sans vraiment savoir contre quoi…contre le changement trop rapide, contra la mainmise étouffante d'une économie capitaliste galopante, un cri de révolte…
Au moins, en Corée, il y a encore des voix pour se faire entendre…en France, on se paye du produit formaté à la chaîne, fait pour "divertir" les masses et endormir les cerveaux…J'aime autant me faire prendre plein la gueule pour me faire réagir, plutôt que me bouffer du rire en boîte.