L'enfer des tatoueurs
Des trois films de torture d'Ishii Teruo présentés à l'Etrange Festival 2004, c'est le seul qui ne soit pas un film à sketch. Au petit jeu de la narration classique, on gagne tout autant que l'on perd. En effet, si à travers cette histoire de rivalité entre deux tatoueurs qui entraîne dans leur déchéance tout un groupe de personnages on se plait à découvrir des figures plus écrites et des situations plus interessantes et profondes que dans
Femmes Criminelles par exemple, le récit demeure par trop chaotique et on peine à y chercher une quelconque ligne narrative claire. De l'aveu d'Ishii Teruo lui même le scénario a été écrit « à l'aveugle ». A vrai dire, le seul intérêt qu'un tel film peut avoir vis à vis de ses homologues de la série est sans doute la présence de quelques idées inédites de tortures (magnifique scène du « feu sur la mer ») ainsi que les splendides couleurs qui mettent valeur la beauté et la créativité des tatouages dont les corps des femmes du film sont peu à peu tous recouverts, comme s'il s'agissait d'une gangrène dont les dissensions entre les tatoueurs seraient le moteur de la contagion.
Vous avez dit exploitation ?
L’Enfer des Tortures est un film d’exploitation japonais relativement poétique (oui oui) et misogyne à souhait. Film d’exploitation car tous les excès de ce type de production sont présents. Il ne faut pas chercher midi à 14h, ici le concept de base c’est de montrer de la torture et des femmes nues, le fait que ce soit ISHII Teruo qui s’occupe de la mise en scène est un plus appréciable car il parvient à emballer ces impératifs de fort belle manière avec une histoire agréable à suivre et une belle mise en scène.
Il se dégage une certaine poésie grâce à toutes ces séquences de tatouages, jusqu’à cette scène surréaliste où 2 occidentales tatouées apparaissent dans la pénombre et nous font découvrir leur tatouage fluorescent. En ce qui concerne ces tatouages, lors de la projection du film à l’Etrange Festival une personne s’y connaissant demanda à Teruo Ishii pourquoi la majorité des tatouages ne sont pas de type japonais classique, ce dernier nous indiqua que les tatouages ayant une durée de vie de quelques heures il dut faire appel à une école située dans la ville du tournage et il donna comme consigne aux élèves participant à leur élaboration de laisser parler leur imagination quitte à s’éloigner des tatouages traditionnels. Le résultat est parfois surprenant, souvent très beau.
Enfin ce film est un grand film misogyne car la femme la plus forte présente ici est la dirigeante de la maison close, elle se fera cracher à la gueule et finira sa vie de manière assez brutale (magnifique plan final, pour un film qui s’ouvrait déjà de manière magistrale).
D’après ce qu’on m’a dit quelques différences existent entre la vf et la vo (que j’ai vu), mais rien de fondamental même si certains personnages ne possèdent pas les mêmes liens. L’Enfer des Tortures est un bon film d’exploitation, rythmé et parfois original qui garde l’attention du début à la fin.
18 septembre 2004
par
Junta
Toujours irresponsable mais avec un peu plus de cinéma
Bien sur, l'Enfer des Tortures a cahier des charges de la série Tokugawa oblige (série dont néanmoins tout amateur de cinéma japonais se doit d'avoir vu un représentant parce qu'il incarne un détournement violent et racolleur du jidaigeki et entre autres parce qu'il offre un aperçu des années Tokugawa bien différent du jidaigeki justement, qu'ils révèlent la grande licence rayon cruauté du cinéma japonais de l'époque, cruauté qu'on retrouvera comme élément narratif tout sauf racolleur pour poser la caractère glacé des héroines dans les meilleurs revenge movies japonais ou la dégradation morale d'une époque par contraste avec des figures croyant toujours un peu aux codes d'honneur dans le troisième Babycart) et son quota de scènes à la cruauté racolleuse sans discours élaboré autour (au début -le coup de lance dans le ventre et la tete sciée- et en fin de film -l'écartèlement-, comme si c'était placé aux moments les plus frappants: on frappe un grand coup au début pour que le public puisse avoir de quoi patienter jusqu'à la prochaine scène choc et on frappe l'autre grand coup à la fin histoire que le public sorte en ayant l'impression d'en avoir eu pour son argent), ses transgressions sans discours de la transgression (la profanation de tombes), ses gros calculs à trois francs (le fait de prendre des personnages de filles vierges à déniaiser et d'avoir recours à l'artifice de la ceinture de chasteté pour en appeler aux fantasmes de la frange du public du genre fantasmant sur les jeunes vierges), sa démago (la vente de geishas à des Occidentaux caricaturaux).
Sauf que là où Femmes Criminelles ne se caractérisait rayon cinéma que par un niveau technique supérieur aux productions occidentales du meme genre et semblait utiliser les passages hors tortures comme des bouche-trous ennuyeux avant la prochaine scène choc, c'est bien joué et il y a ici un début de tentative de cinéma de contrebande, de volonté de faire un vrai développement de personnages et de récit à peu près construit, de la tentative d'inventivité visuelle, bref quelque chose qui se rapprocherait de travail d'un bon artisan du roman porno. Ce qui ne donne pas au final un grand film mais déjà un film qui a plus d'intéret. Le scénario est déjà bien plus varié contenant une description de la vie dans un bordel, une partie romance, de la rivalité entre tatoueurs, de la vengeance (dans un combat final plutot mal monté) et aussi du ridicule -ces travelos qu'on croirait échappés de la Cage aux Folles-. On y voit décrit le travail des tatoueurs et leurs rivalités avec précision, on y apprend les effets secondaires du saké sur les tatouages. Les tentatives d'inventivité visuelle et/ou de cinéma intéréssant, ce n'est pas dans des zooms brouilons, dans des cadrages parfois mal faits qu'on les trouvera mais par exemple lorsqu'un personnage est filmé au travers d'une vitre multicolore, lors des cadrages rapprochés lors de certaines scènes de tortures, dans l'usage de chromas vifs de la photo pour soutenir la dramatisation de certaines scènes. Sauf que pas mal d'idées intéréssantes sont plombées par une excécution brouillonne et l'usage ridicule de la voix off tire aussi le film vers le bas.
Au final, c'est toujours médiocre cinématographiquement mais il y a dedans des choses qui donnent envie de voir ce que donne le travail d'Ishii Teruo appliqué à du yakuza eiga par exemple.
La vie d'une tatouée
Il va sans dire que
L'enfer des tortures est nettement au dessus de
Femmes criminelles, premier opus de la série Tokugawa.
Ne serait-ce parce que cette fois le film n'est plus un patchwork sans cohérence de plusieurs histoires rapidement liées, mais au contraire une grande fresque mêlant art, érotisme et violence dans un récit tragique. Certes celui-ci est parfois facile, le racolage n'en est pas absent loin de là, c'est misogyne comme pas deux et les scènes de tatouages sont autant d'excuses pour des plans nichons, mais on ne pourra pas dire que
L'enfer des tortures - qui accumule les scènes d'anthologie baroques, perverses et magistralement esthétisées - n'est pas beau.
10 janvier 2008
par
Epikt
Tokugawa-xploitation
Pour tout dire, je l'ai vu dans une version francaise parfaitement infâme, à peine digne d'un doublage de film de cul. Ca vous gâche un peu votre plaisir, surtout quand on sait ou l'on sent les acteurs plus doués que ce que le doublage ne le laisse entendre.
Je pense qu'on peut dire de ce genre de films un peu la même chose que pour les films italiens (et américains aussi il est vrai) de Nazi-xploitation. Ce sont tous deux des courants à l'étique douteuse, qui sous le prétexte commode de dénoncer une violence historique réelle donne de quoi satisfaire le sadisme et le voyeurisme des spectateurs. Parfois il s'agit de chef d'oeuvres comme les 120 journées de Pasolini qui prend totalement à rebours les clichés qui seront repris par arès, parfois de navets putrides comme Nazi Holocaust ou Women Camp de Mattei, mais le plus souvent d'une production moyenne et peu inspirée. Disons que ce film-ci ce situe dans cette dernière bonne (?) moyenne.
Emaillé de séquences valables, parfois très fortes, il comporte également des séquences d'un ennui nauséeux. La mise en image est satisfaisante et parfois inspirée, le montage un peu erratique est assez interressant mais ca ne décolle pas vraiment. Le film reste décidément trop prisonnier de ses exigences d'exploitation que pour vraiment éclater et proposer autre chose qu'un divertissement moyen, rehaussé par un gore parfois aproximatif. Dommage pourtant: le thême du fétichisme de la peau et du tatouage était interressant mais aurait mérité un traitement moins académique, moins convenu.
le meilleur de la serie! magnifiques tatouages virant vers le psychédelique. tres bonne ambiance étouffante et bonnes idées visuelles