Il ne faut pas vendre la peau de l'ours…
Un matériau de base de rêve et personne de moins que le fils d'Imamura himself à la réalisation de la suite officieuse de l'inoubliable "La ballade de Narayama"…pour un résultat inégal.
Au début des années 1980s, Imamura cartonne donc avec son remake particulièrement sombre de la comédie musicale "La ballade de Naryama" de 1958…Le mythique réalisateur de "L'anguille" était allé jusqu'à s'isoler complètement durant plusieurs mois dans une région particulièrement reculée du Japon avec ses acteurs et son équipe technique – et malgré sa diabète – pour accentuer le côté réaliste de la LEGENDE d'un peuple, qui aurait abandonné leurs anciens du moment qu'ils ne pourvoyaient plus à leurs besoins. Un film génial, que beaucoup de journalistes pensaient inspirés de faits réels.
Deux décennies plus tard, une jeune auteur "imagine" une suite tout aussi terrible: et si certains vieillards ne mouraient pas, une fois abandonnés à leur triste sort dans la montagne…Un peu à l'instar de ces centaines de milliers "d'anciens", parqués dans des maisons de retraite au pays du soleil levant et qui dépassent la centaine d'années, survivant parfois à ceux même, qui les ont mis en maison (évidemment tout le monde n'abandonne pas SCIEMMENT leurs parents, mais les exemples se multiplient ces dernières années avec l'explosion de la cellule familiale et – bien souvent – des enfants incapables de pourvoir pour les besoins de leurs parents). Il imagine donc une véritable "armée" de vieillards, qui voudraient se venger de leurs propres enfants…Une image terrifiante, dont la cruauté absolue trouvera son apogée dans la métaphore d'un prédateur animalier, un ours, projection de l'homme transformé en bête pour assouvir sa quête de vengeance. L'auteur s'en sert aussi pour d'autres interprétations, dont celle de l'éternel combat de l'homme contre la nature.
Qui de mieux, que le propre fils d'Imamura pour donner vie à cette folle aventure; un fils, qui en veut terriblement à son père pour tout un tas de raisons, et qui n'a jamais su sortir de l'ombre omniprésente de son réalisateur de père.
Premier constat: Tengan se donne corps et âme, faisant preuve d'une exigence artistique quasiment semblable à son père envers lui-même et – surtout – ses incroyables actrices soumises à bien des épreuves dans un climat que l'on devine rude et froid…en même temps, il manque quand même de la cruauté indiscutable de son père: brushing et maquillage sont toujours parfaits en fin de métrage, aucune actrice ne s'est cassée ses dents exprès pour les besoins du film, comme cela avait été le cas sur le mythique "La ballade…".
Malheureusement, le film se trimballe également la même erreur que tous ses précédents sous la forme d'une mise-en-scène terriblement académique. Les cadrages sont justes, les plans souvent beaux, mais l'intrigue est sagement adapté au détail près sans aucune prise de risque, aucun écart, aucune appropriation personnelle du réalisateur, là, où il aurait fallu une envie au moins aussi jusqu'au-boutiste que Fukasaku sur "Battle Royale". L'ours restera la dangereux prédateur, sans laisser aucune place à une autre interprétation (et ses apparitions sont d'ailleurs loin d'être aussi effroyables, que voulues, en raison d'un manque de budget et d'une réalisation défaillante dans l'action) et – un comble – la fin semble précipitée, au lieu d'être un malheureux décompte des principales protagonistes avant l'ultime course (et vengeance) finale.
Rageant, franchement rageant, car cette fin ratée laisse le spectateur sur un terrible goût d'inachevé, alors que ce qui précédait était de relative bonne tenue…mais sur ce coup en particulier, Tengan a définitivement raté l'occasion de faire au moins son chef-d'œuvre, si ce n'était pas un futur classique du cinéma tout court. Reste un beau film d'aventure.