Tout simplement fabuleux
Lion d'argent au festival de Venise en 1953, il est l'un des films ayant contribué à construire la réputation performante tant enviée du Japon en matière d'art -plus que d'industrie- cinématographique. Alors que des cinéastes comme Ozu se sont évertués et ce, même de manière brillantissime, à faire du cinéma hollywoodien au Japon - précisons-le plus par amour que par bessonismus vulgaris-, Les contes... représente le cinéma japonais tel que l'imaginerait encore aujourd'hui le reste du monde, et parions-le la nouvelle génération cinéphage japonaise !
Avec un titre aussi énigmatique (idem pour le titre international), le spectateur lambda s'attend à (ne pas) voir pendant deux heures, des gens en kimono admirer les nuages flottant au dessus d'un lac rempli de nénuphars, baragouinant des pseudo-vérités métaphysiques sur fond de malaise social. Et c'est un a priori tenace, une barrière en béton armé qui perdure : le film est en noir et blanc, il n'existerait pas de non-VOST, et il aurait tout aux premiers abords du jidaigeki aux antipodes d'un Kenji Misumi.
Pourtant, l'oeuvre s'éloigne totalement du kabuki, dont l'influence est un trademark indécrottable des productions même actuelles, et prend des couleurs (!) universelles puisqu'elle se tourne plus volontiers vers le shingeki. Paradoxalement, pour un film qui relève du jidaigeki fantastique, l'occidentalisation est très marquée. D'une part parce que le shingeki est plus proche de ce qui se faisait à l'époque à Hollywood (aujourd'hui c'est autre chose !) et parce que ce récit tire ses racines d'une nouvelle de Maupassant.
Le lambda susnommé se gonfle donc d'a priori injustifiés pour l'éviter et préférer un Astérix II plus pimpant (AAAaaaargh !). Et pourtant. Cette superproduction d'avant l'heure dispose de décors somptueux, d'une cinématographie fabuleuse et à travers les pérégrinations de pleutres anti-Toshiro Mifune, dresse une lecture éminemment savoureuse puisque les thèmes (voire les thèses) abordés sont infinis. Alors que d'autres s'extasient devant les bienfaits neuronaux d'un Matrix ou pire d'un 2001 (aussi creux qu'un bol chinois après la soupe pour ce dernier), voici une véritable fresque féminiphile et humaniste qui jongle avec le réel et le virtuel de manière plus inspirée que ne peut le faire les "fleurons" high-tech qui en comparaison ne fantasment que sur le record du monde du premier weekend et les suppléments DVD.
Impossible ici de décrire toutes les ramifications de ce récit tant il est solide et imparable, à l'inverse d'un salmigondis comme Le pacte des loups, sympathique, efficace et bourratif mais trop déconstruit pour être géant. Ainsi avec ce monument, Mizoguchi ratisse ce que les Spielberg, Oshii, K. Dick, Hark (entre autres) ont tous brillamment exposé chacun de leur côté dans des oeuvres diamétralement opposées. De là à affirmer que M. Lambda qui persiste à rester réfractaire continue de passer à côté du plus grand film du vingtième siècle...
02 février 2002
par
Chris
Le chef d'œuvre de Mizoguchi ?
Avec ces 2 contes rassemblés en un seul, Mizoguchi a réussi un véritable tour de force en exposant aux yeux du monde une œuvre visuellement époustouflante traitant de thèmes universels entre rêve et réalité. Esthétiquement tout d'abord, on est en présence d'une mise en scène fluide et dynamique s'intégrant parfaitement au récit ; les mouvements de caméras sont amples et toujours justifiés, à tel point qu'on entre véritablement dans le film pour n'en sortir qu'au panneau " fin ". La scène de la traversée du lac est un magnifique exemple pour illustrer mes propos, la caméra voguant au ras des eaux en pleine nuit, filmant sous un épais brouillard la frêle barque qui fuit la terreur et file vers l'aventure. Notons aussi que la luminosité utilisée ici donne un noir et blanc laiteux proprement fascinant qui est en partie à l'origine de la célébrité des Contes de la lune vague…
Les thèmes abordés sont nombreux et encore d'actualité de nos jours, bien que le film date de 1953 et que le récit se situe au XVIème siècle : comment ne pas voir dans le personnage du potier le symbole d'industriels modernes lancés dans une course effrénée au profit et à la rentabilité, parfois au mépris de ceux qui l'entourent ? Comment ne pas voir dans le personnage du paysan rêvant de devenir samouraï coûte que coûte bon nombre d'hommes et de femmes actuels voulant accéder à la gloire sans en avoir les moindres mérites ? L'ambition, le destin, la bonté, la raison (notamment celle de ne pas abandonner femme et enfant pour satisfaire égoïstement sa volonté de progression sociale), qui plus est transportés en temps de guerre, tous ces thèmes sont présents et revêtent une dimension précieuse sous l'œil du maître. Ce dernier ne se prive pas de dénoncer la cupidité des hommes qui, depuis des générations, a pour conséquence la souffrance des femmes (un de ses sujets favoris) ; plus ambiguë est la morale que l'on peut tirer de cette œuvre. L'audace et la remise en cause de sa situation sociale est-elle dénoncée ? Non, mais elles ne doivent pas se faire à n'importe quel prix, surtout au prix du sacrifice et du meurtre ; 2 péchés qui se sont violemment retournés contre leurs auteurs.
L'ensemble du film oscille entre rêve et réalité, au point d'en devenir troublant. La scène qui m'a le plus marquée est celle du palais fantôme d'une princesse déchue et de sa servante que croise sur sa route le potier : une réalité qui retombe en poussière dès que ce dernier ouvre les yeux, une expérience qui a une valeur hautement symbolique, et qui fut d'ailleurs repris avec talent par… Tsui Hark lui-même dans Green Snake, nouvelle preuve que cinémas japonais et hong-kongais sont intrinsèquement liés. Et rien que pour cette comparaison, ça vaut le déplacement.
Portée par la grâce et touchée par le démon.
Dans un registre qu'il maîtrise à la perfection, accentué par sa mise en scène théâtralisée à l'extrême, Mizoguchi livre une oeuvre terrifiante aux antipodes du film en costume classique plombé par des séquences de discussions interminables. Non, Contes de la lune... marche sur les plates bandes du film d'épouvante et social, à la limite du gothique (chemin qu'empruntera Mario Bava entre autre), qui cache au fond de lui un des plus beaux trésors que le cinéma japonais classique des années 50 nous ait offert. Ce trésor fait d'humanisme fort, en parfaite contradiction avec le contexte d'époque. 16ème siècle, ère Edo, villages constamment pillés par des brigands (voleurs et samouraïs, abuseurs à l'occas'), voilà ce que dépeint Mizoguchi. La richesse et le pouvoir, tels sont les deux maître mots qui servent de colonne vertébrale à la fluidité du récit, ponctué de notes dramatiques et fantastiques, proches du surréalisme pur et simple : Genjuro doit rejoindre la ville pour vendre ses poteries et ainsi sauver sa famille et son village de la pauvreté, ces derniers s'étant fait piller la veille par une bande de malades sortis d'on ne sait où. La campagne est dangereuse, ils prennent alors une barque et s'en vont par la rivière, brumeuse et morte, cauchemardesque. La rencontre avec un homme à demi-mort pose d'amblé l'ambiance, Contes de la lune... ne sera pas un film tout à fait comme les autres.
Le spectateur s'en rend compte dès lors que Genjuro fait la rencontre d'une dame noble et étrange, épaulée par sa vieille servante, toutes deux l'invitant à les rejoindre dans leur demeure située dans les montagnes, afin de réaliser une transaction des suites de l'achat de poteries. Mizoguchi démontre alors la cupidité d'un homme attiré par la richesse et l'amour traître, d'ailleurs Genjuro le regrettera amèrement en fin de métrage des suites d'un double twist final absolument renversant orchestré intensément par un cinéaste alors en pleine possession de ses moyens. Contes de la lune... fait alors preuve d'une philosophie à la fois pure et équilibrée, c'est à dire une version orientalisée et théâtralisée de la Pursuit of Happiness américaine à l'époque des pionniers, où l'on donnait de l'importance à une personne pour ce qu'elle était et non pour ce qu'elle possédait.
Un chef d' oeuvre ultime !
Avant de voir "Les contes de la lune vague" je ressentais une certaine appréhension, j' avais bien peur que ce soit un de ces sempiternels "geishas et nenuphars !"...Il n' en est rien.
Le film de Mizoguchi est un pur chef d' oeuvre ,une magnifique histoire a portée universelle.De plus les images (sublimées par un noir et blanc aux contrastes éblouissants)sont d' une beauté graphique et poétique rarement (jamais ?)atteinte.
La réalisation comprenant d' amples mouvements de caméras et d' une modernité étourdissante pour l' époque (1953),le rythme et lent mais absolument pas ennuyeux...je dirais plutôt envoutant.
Les éléments fantastiques ne cédants jamais a la surenchère confèrent au récit une force incroyable comme en témoigne cette scène durant laquelle le potier après une nuit passée avec sa femme apprend que cette dernière est morte depuis quelques jours...Rêve et réalité se confondent et boulversent les sens du spectateur.
Que dire, ce film est d' une beauté sans égale...il faut au moins l' avoir vu une fois dans sa vie.
Essentiel, incontournable.
Avec Rashomon, ce chef-d'oeuvre de Mizoguchi est l'autre grand film ayant largement contribué à la découverte du cinéma japonais au début des années 50.
Si l'on retrouve des collaborateurs de Kurosawa (Masayuki Mori, Kyo Machiko, Fumio Hayasaka...) dans les Contes de la lune vague après la pluie, le style de Mizoguchi est lui très différent de celui de Kurosawa.
Loin des personnages lumineux et généreux de ce dernier, le cinéaste nous montre ici des hommes lâches, fourbes, cupides, et qui n'en sont pas moins humains.
Ainsi, Mizoguchi rassemble 3 des 9 contes de Ueda Akinari ("Ugetsu monogatari"), pour aborder tout un tas de thèmes (encore très actuels cinquante ans après le film et deux cents ans après les contes !), à travers le parcours d'un potier, Ganjiro, qui veut s'enrichir, et de son beau-frère Tobei qui cherche la gloire en voulant devenir samouraï. Les deux hommes sacrifieront leurs femmes pour cela, et suivront chacun leur route, après avoir fui l'armée qui envahissait leur village.
Genjiro rencontrera alors son fantasme, une princesse mystérieuse qui admire son art de la poterie, et qu'il épousera par la suite. Mais il perdra ses deux femmes.
La première, dans une scène mémorable, où elle sera assassinée par des soldats. Tout le génie du cinéaste éclate lorsqu'on la voit tomber à terre, tandis qu'au fond du plan, les soldats se partagent les gateaux de riz qu'ils viennent de dérober à son enfant.
La seconde femme se révèlera être en fait une apparition, un désir, rêvé par Genjiro ; et ce fantôme/fantasme s'évanouira dans une scène fabuleuse, baignée d'une lumière magique, où à son réveil le potier trouvera le château de sa princesse en ruines, les ruines redessinant les prières peintes sur son corps pour écarter le fantôme de la princesse.
Tobei, de son côté, trouvera plus facilement la gloire (non méritée) d'être samouraï, mais retrouvera son épouse dans un bordel, alors même qu'il voulait rentrer chez lui pour l'éblouir avec son armure.
Les deux hommes finiront par rentrer chez eux, mais en abandonnant leurs rêves et leurs ambitions égoïstes, pour se consacrer à leurs familles. Si Mizoguchi montre ici que l'amour peut sauver les hommes, il n'en fait pas vraiment une morale, ce qui fait que cette histoire de lune et de pluie est plus proche du conte (un conte plutôt pour les adultes) que de la fable.
Deux autres scènes de ce film majeur sont tout particulièrement éblouissantes : celle où, fuyant sur le lac Biwa dans une barque, Genjiro, Tobei et leurs femmes croisent une autre barque dans laquelle un homme mourant a été attaqué par des pirates. La lumière et la brume, au ras de l'eau, confèrent à cette scène un côté grandiose, unique, qui fait de cette succession de quelques plans un instant de pur cinéma !
Une autre scène très marquante est celle qui montre Genjiro et la princesse, se baignant dans un onsen. La caméra suit alors l'eau qui déborde de leur bain, et coule le long de la roche, et un fondu fait aboutir ce mouvement panoramique sur un déjeûner sur l'herbe des deux amants, rassemblant ainsi les deux parties de l'ellipse en un seul plan apparent, symbole d'un élan amoureux.
Mizoguchi nous démontre ici encore qu'il est un cinéaste majeur, et ce film est l'une des meilleures représentations de son talent génial. L'un des plus grands films japonais, à la renommée très largement méritée.
Un chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre
Un film de classe mondiale. Tous les plans, les mouvements et les respirations des acteurs, et tous les détails ont une signification. Tout ça dans un style personnel... le film parfait ? Oui et Kyo Machiko est vraiment envoutante... Film à voir pour tous les amateurs de vrai cinéma.
Mythique
Que dire d'autre...sinon que c'est un des plus grands films de l'histoire du cinema.
Je tiens a ajouter a la critique de Tanpopo que si Mizoguchi denonce effectivement la condition de la femme dans beaucoup de ses films, il passait pour etre odieux avec les femmes dans la vie de tous les jours. Comme quoi...
D'une richesse rare
Les Contes de la Lune Vague après la Pluie aborde nombreux thèmes qui sont pour beaucoup, difficiles à traiter efficacement (surtout quand il y en a tant !) comme la cupidité, l'amour, la famille, l'ambition, l'égoisme, la prostitution, l'infidélité, l'honneur, le travail, la responsabilité, l'ascension sociale...etc...et film en aborde énormément en si peu de temps, sans pour autant en être trop moraliste, car traité avec subtilité et surtout sans lourdeur.
Sa force vient aussi du fait que l'on peut interpréter plusieurs actes de façons différentes...
Pour couronner le tout, Kenji Mizoguchi ajoute une petite pointe de surnaturel qui n'enleve rien au film, mais qui permet de changer son ambiance, son rythme...et en parlant d'ambiance, il a aussi su traiter les différentes scènes avec des ambiances totalement différentes (comme par exemple lorsque le village est pillé, le marché, mais surtout la scène magnifique sur le lac)
Le film a du certainement veillir, mais après plus de 50 ans, les reflexions que peut nous faire engendrer le film sont toujours aussi fortes et véridiques.
Sa grande force vient à la fois de sa richesse, et de sa simplicité.
Morte Vivante
Nouveau coup d'essai transformé de la part de Mizoguchi pour conquérir un marché international. Le scénario est un pur joyau, décors, costumes et image soignées à la perfection et la direction des acteurs - jusque dans les scènes de foule - parfaite.
Le cinéaste n'en renie pas pour autant la parfaite logique de son oeuvre personnelle : à travers les deux histoires montrées en parallèle, le éalisateur dénonce toujours la difficile condition de la femme par la bêtise et la cruauté des hommes : l'un, un simplet, oublie tout pour devenir un célèbre samouraï et de précipiter sa femme dans la déchéance; l'autre s'oublie dans les bras d'une autre pour littéralement "perdre" sa femme, qui ne lui en saura même pas gré, mais l'aimera au-delà de sa mort...
Un nouveau magnifique portrait, s'attachant cette fois d'avantage à celui des hommes, et l'un des plus grands classiques de l'Histoire du Cinéma tout court.
Un film a l'image du titre; stupéfiant, d'une qualité proprement diaphane, fantasme de cinéma.
Sens du cadre, du détail, de la lumière servent admirablement le propos du film, réflexion (ou reflet) sur le cinéma. Reflet fantasmé d'une réalité, où le geste, se révèle dans toute sa beauté et son symbolisme mais aussi fantasme tout court, pur formalisme dangereux visant la contemplation. De cette dualité, Mizoguchi en fait l'essence meme du film. De la dualité de la femme, dans la réalité du quotidien ou objet de désir, prostituée victime des hommesvoire pur fantasme, fantome vers lequel l'homme court a sa perte, débordant d'ardeur (cf. la scène admirable où la sensation de l'eau qui déborde du bain lors de l'amour hors champ se matérialise par un travelling pour enchainer vers la scène de pur hédonisme traduite par la perfection du plan); de la dualité de l'homme, scission produite par l'argent producteur de fantasme a l'image du cinéma (symbolique du 2e couple cf. Genjuro qui fantasme sa femme essayer un kimono), mais aussi artiste/artisan, dualité nécessaire et vitale chez l'homme (symbolique de Genjuro) sous peine de perte de sens, a l'image de cette scène où, Genjuro recouvert de calligraphies expressions de l'art se rerouve face aux ruines de son fantasme passé, dérisoire symbole de l'art pour l'art dessinant les memes symboles; enfin de la séparation homme/femme dans le foyer meme, mis en avant par les lignes que dessinent Mizoguchi dans le plan mais aussi dans les reves. Unité enfin retrouvée dans la mort, séparation cruelle mais logique qui aboutit a l'harmonie finale, l'épanouissement du surhomme nitzshéen, dans ce travelling vertical qui répondait à la gène opérée par le travelling horizontal du premier plan et qui démontre sans peine que le cinéma, face aux questions que nous nous posons où que nous ne savons pas encore formuler est l'art du 20e siècle.
Un si joli titre,un si beau film...
Cinéaste de la "condition féminine" avant que ce mot n'arrive dans le langage courant,Mizoguchi réalise ici le film le plus abouti de sa dernière période, vu que sa carrière débuta dans les années 20!Le plus célèbre aussi...
Enchantement visuel ,le noir et blanc magnifie le caractère épuré de la mise en scène et universalise un peu plus encore le propos doux-amer sur la condition des hommes.Conte philosophique certes ou nous est démontré que rien ne sert d'aller chercher ailleurs ce que l'on possède déjà;et que c'est l'amour des etres qui peut seul racheter les erreurs nées de reves de gloire et d'or.Mais Mizoguchi pointe le doigt sur l' élément essentiel de cette rédemption:la Femme .Bafouée,humiliée ou rejetée par l'homme ,c'est pourtant cette dernière qui représente le salut.Quite à ce que cela soit au-delà de la mort...
Les deux pauvres bougres sont pitoyables ,au contraire de leurs épouses toujours au fait des réalités et des priorités de la vie,de la recherche du bonheur simple de partager.On reconnait là la vision si subtile mais forte du maitre cinéaste,qui prouvait avec ses autres films des années 50 (ceux visibles par-ici) son attachement à cette thématique:"la dame de Musashino" ou "l'intendant Sanjo " en sont de bons exemples.
Ce film est définitivement beau,d'une Beauté sans age,un peu comme ce spectre si mystérieux du chateau -fantome,et les scènes du lac ou du bain dans la source chaude resteront gravés pour toujours dans l'imaginaire des amoureux du cinéma.
Mais son autre grande qualité est d'amener à une réflexion sur notre parcours sur cette Terre ,et de nous toucher par une émotion de tous les instants.Un classique,oui,mais qui demeure "visible" cinquante ans aprés sa réalisation et enterre bien des soit-disants chefs-d'oeuvre récents...
Logiques de l'aphorisme.
Peut-être faut-il, pour parler de Contes de la lune vague après la pluie, se contenter du titre. Pourquoi ? Parce que les images n'y ont rien à voir - elles ne sont pas affaire de langage, le titre du film oui. Contes de la lune vague après la pluie, donc. Fragments, fractions. Il n'est question dans ce film que de déchirure. Du rêve, du réel, de la vie, du coeur, des vêtements. Toutes les déchirures. Mais il n'en est pas question comme cela, brutalement. Non. La déchirure est ce qui fait question. La question s'y ouvre comme une déchirure. Le film est l'ouvert de la question de la déchirure. Heidegger, le plus grec des philosophes allemands, n'est pas loin. Mais Contes de la lune vague après la pluie n'est-il pas un film curieusement "expatrié" ? La déchirure de la nation, de l'esprit de la nation, de la nationalité, du Japon, n'est-ce pas même le lieu du film ? Quelle est cette lune ? Que raconte-t-elle ? Quelle est cette pluie ? Personne ne répond : l'énoncé du titre est le programme de sa propre cruauté : non, il n'y a pas de "Contes de la lune vague après la pluie". Bien sûr qu'il n'y en a pas. Le titre est une fausse piste. La nation ou la nationalité est une fausse piste ("Contes..." est un film japonais, donc ce n'est pas un film, donc il n'est pas japonais, etc.). Seul l'incision du titre sur quelque chose comme un film existe. Cette violence. Cette violence qui déchire les images. Cette violence du langage. Mais ne dites pas que les mots font violence au film parce qu'ils n'en rendraient pas quelque chose. Il n'y a rien à rendre de "Contes..." La violence est là. Êtes-vous déchirés ? Sentez-vous la déchirure ? Quand la lumière se rallumera, vous vous réveillerez, et vous commencerez à oublier.
contes du troisième type
Quand on pense que ce film vient de souffler ses 50 bougies, il y a de quoi faire une standing ovation. Véritable instant de grace, de fluidité, d'émotion intenses, la beauté formelle souligne la beauté du récit (envouté et envoutant) basé sur ces contes japonais...
Il était une fois un chef d'oeuvre...
Ascension, décadence et retour à la case départ
Visuellement superbe,
Contes de la Lune Vague après la Pluie n'a pourtant rien du type même de film dont on pourrait qualifier la mise en scène de « succession de tableaux ». Mizoguchi cherche avant tout à nous relater une histoire, à faire exister ses personnages, reléguant les figures esthétiques au second plan. Les mouvements d'appareil, la lumière, les décors et la musique rivalisent de finesse mais ne sont au fond là que pour servir un vigoureux portrait d'hommes aveuglés par le désir d'ascension sociale (qu'elle soit pécuniaire ou qu'elle concerne tout simplement la réputation, le paraître) négligeant leurs ménages respectifs afin de satisfaire les desseins qui les turlupinent. L'un se laissera séduire par une mystérieuse princesse dont le prestige a volé en éclats tandis que l'autre revêtira l'équipement et la renommée du samouraï dont il rêvait tant. Bien mal leur en prendra... Derrière cette trame solide, le réalisateur de
L'Intendant Sansho brosse une réflexion sur les incidences psychologiques de la guerre, celle-ci poussant les protagonistes à la cupidité et au désir d'une gloire qui se révélera bien vite artificielle. On pourrait ainsi reprocher à l'œuvre un certain caractère moraliste, mais c'est oublier que Mizoguchi souhaitait la conclure sous un angle très sombre, chose désapprouvée par la production qui imposa une fin plus légère. Reste un film éblouissant, à l'écriture remarquable, à la direction d'acteurs rigoureuse et à la photographie d'une rare pureté, auquel un Lion d'Argent fut légitimement décerné lors du Festival de Venise de 1953. Un classique parmi les classiques.