Un merveilleux film, dont la magnificence de certains paysages laisse pantois. King Hu livre un film de sabre avec toute la générosité et le respect qu'impose la Chine. Les combats peuvent paraître lents et certains effets très cheap, n'oublions pas que l'Hirondelle d'Or date des années 60. L'esthétique des combats, la générosité des interprètes, les chansons attachantes...tout est là pour créer une alchimie sublime entre les images proposées et le son.
Un classique de King Hu qui posa les lettres de noblesse au wu xia féminin, tout en montrant sans gêne qu'une demoiselle peut très bien elle aussi découper du brigand en tranches. Au niveau de l'enrobage la musique est sublime, l'esthétique une véritable pièce d'orfèvre, tout ceci amène à se dire que cette Hirondelle est un énième film de la Shaw à voir absolument qui plus est une pièce maîtresse dans la filmographique de King Hu. Xie xie.
Esthétique : 4.5/5 - Des paysages inoubliables associés à une mise en scène divine. Musique : 4/5 - Douces mélodies traditionnelles. Interprétation : 3/5 - Cheng pei pei est toute mignonne. Mais, évitons de trop la titiller. Scénario : 3.75/5 - Très classique dans le fond mais bien écrit et cohérent.
Come Drink with Me est souvent considéré par les spécialistes de la Shaw Brothers comme inférieur à sa suite Golden Swallow signée Chang Cheh. Il est vrai que ce dernier film a une narration bien plus ample et une multiplication des personnages qui lui donnent un souffle romanesque absent chez King Hu. Alors que ce beau wu xia pian vaut bien mieux que sa place dans l'ombre de Chang Cheh. Parce que si le scénario du film de Chang Cheh est bien plus ample ce dernier oublie un élément essentiel: la direction d'acteurs, pas toujours mauvaise mais néanmoins en deçà du potentiel du récit, surtout qu'un des roles principaux est donné à un Jimmy Wang Yu pas encore affranchi de la monoexpressivité. Pas de faute de ce genre chez King Hu dirigeant une Chang Pei Pei à son sommet offrant son petit quota de moues pré-lingchinghsiennes. Qui plus est, si la narration a moins de souffle, le film en devient plus compacté et réussit à atteindre le spectateur de façon quasi-physique, ce qui est perdu en ampleur se récupère en efficacité émotionnelle brute.
Surtout, le film est un véritable creuset thématique contenant toutes les idées développées par la suite par King Hu. Au coeur d'un wu xia pian aux combats efficaces, King Hu n'oublie pas la dimension mystique: un simple mendiant ancien élève d'un temple bouddhiste y est porteur de plus de foi religieuse qu'un moine ayant acquis son titre dans le sang et en cela le film annonce les thèmes du caractère trompeur des apparences et de la vanité du désir de pouvoir qu'on retrouvera dans Raining in the Mountain. On pourrait voir chez ce dernier personnage l'antithèse du bandit devenu moine de Raining in the Mountain: ce dernier connaissait une rédemption en devenant religieux alors qu'ici l'accession au poste correspond à un pourrissement moral. A l'instar d'autres héros de King Hu, Golden Swallow se retrouve ainsi mélée à une lutte dont les enjeux la dépassent. Pour preuve, un des ses ennemis lui dit alors qu'elle prie: "Pourquoi priez-vous pour un Dieu alors que je peux vous offrir le bonheur terrestre?". L'homme-Dieu chez King Hu est alors aussi un homme-diable. L'autre élément caractéristique de King Hu que l'on retrouve ici est sa fascination pour les lieux clos comme théatres de joutes aériennes, l'auberge du début du film puis le temple bouddhiste ensuite.
Et justement le traitement formel des combats du film est d'une grande varièté, passant d'un rythme très haché lors de certaines scènes annonçant les combats au sabre d'un Zu à une mise en scène plus contemplative de certains duels laissant au spectateur le temps de voir s'élaborer la stratégie des combattants. Au chapitre des éléments annonçant la Worshop's touch, on a aussi lors des premières scènes de l'auberge la présence de passages chantés ayant un role moteur dans la narration. Pour le reste, la mise en scène appartient à la (brillante) routine du cinéma de King Hu: les plans distants reflétant une certaine idée bouddhiste de la sérennité, les cadrages précis de plans aux couleurs d'une somptuosité picturale et l'utilisation de la dilatation de la durée reflet de la dimension contemplative du bouddhisme qui permet au film d'échapper à la peinture filmée. Et malgré une durée relativement courte, le film prend le temps de se mettre en place meme si c'est avec moins d'ampleur que dans les film suivants du cinéaste.
S'il n'est pas le meilleur King Hu, Come Drink with Me s'inscrit néanmoins dans le haut du panier du wu xia pian hongkongais. On y assiste à la construction de la thématique d'un grand cinéaste ainsi qu'à la mise en place d'idées qui irrigueront par la suite tout un pan du cinéma hongkongais. Et il peut également se voir comme un chant du cygne d'une certaine idée du wu xia pian construite au tour de personnages féminins forts, idée mise en suspens par la suite par Chang Cheh avant d'etre rescucitée plus tard par Tsui Hark.
nLe cinéma de King Hu est celui de l'observation, de l'attente, du calme avant la tempête. C'est une longue scène immobile et bavarde dans une auberge avant un combat fulgurant, c'est une lente recherche d'indices sur le quartier général des rebelles, c'est une temporisation de l'action au profit de la concentration, un peu à la manière de samouraïs dont le ratio " temps de sortie de sabre / temps de préparation préalable " tend vers zéro. Tout un style donc, un style presque opposé à un Chang Cheh plein de fureur par exemple, mais qui a aussi son intérêt : il permet de creuser un peu la personnalité des personnages, à l'image d'un " Chat Ivre " grand maître de kung-fu ayant choisi une vie de clochard ivrogne sans pour autant trahir ses valeurs, l'honneur et la justice. Il permet également de faire la part belle à la mise en scène, ample et lumineuse, ainsi qu'aux décors naturels au milieu duquel fut tourné le film.
Mais malgré l'intérêt indéniable d'une œuvre récemment remasterisée et rééditée en DVD Zone 2, ne serait-ce que pour son importance historique dans la courte vie du cinéma de Hong Kong, l'Hirondelle d'or n'emballe finalement pas tant que ça. Le style si particulier de King Hu pose de graves problèmes de rythme, et il n'est pas interdit de s'ennuyer ferme du début à la fin. Quant aux chorégraphies des combats et autres effets de mise en scène, ilss ont pris un sacré coup de vieux : un coup de poing dans le vide ou un vague coup de sabre envoie souvent 3 hommes au tapis en même temps, et le montage serein des scènes d'observation se fait bien plus brouillon lorsque ça s'agite, rendant l'action un tantinet confuse. On comprend alors toute l'importance d'un Tsui Hark qui sut insuffler un rythme incroyable à ses œuvres tout en restant crédible dans le détail.
Même si Come Drink With Me n'égale pas le meilleur King Hu, Choh Yuan ou Chang Cheh, replacé dans son contexte cela reste tout de même un sacré morceau. Evidemment, après 30 ans de films de sabres, les combats ne sont pas les meilleurs, la copie restaurée n'est pas parfaite, l'équilibre du récit non plus. Mais 1966. Beaucoup de films tournés 5 ans après ne montraient même pas d'évolution, voir même se montraient inférieur à ce classique. Bref, non content d'être le premier film d'une nouvelle ère, Come Drink with Me reste encore aujourd'hui un sacré film.
Pourtant tout n'est pas parfait. On remarque un peu plus les énormités de l'époque (du style je tombe à l'eau, on lance deux seaux d'eau de chaque côté pour simuler le plouf...) au milieu de la réalisation superbe de King Hu. Cela passait mieux dans un Chang Cheh à la réalisation plus légère. L'équilibre du récit a également de quoi surprendre: Golden Swallow est l'héroïne du début du film, puis le récit se rencentre lentement sur Drunken Cat. Ca a le mérite de dérouter et de surprendre, mais aussi de décevoir les pro-héroïnes qui rageront de voir que leur belle épéiste se fait damné le pion par un homme une fois de plus. On peut aussi regretter quelques longeurs passé le milieu du film.
Mais autrement difficile de ne pas être sous le charme. Les combats sont drôlement bien ficelés pour un film aussi anciens, et rivalisent sans problème avec tout ce qui sera vu pendant plusieurs années. Cheng Pei-Pei n'est pas aussi radieuse que dans Golden Swallow, mais capte déjà l'attention. Armée de ses deux dagues, elle se montre plutôt convainquante aussi bien au combat que lorsque se retrouve en difficulté dans la seconde moitié du film. Quant au reste du casting, les gueules sont toutes plus réussies les unes que les autres. Et éivdemment, c'est la réalisation de King Hu qui force le respect. De loin le plus "classe" de tous les réalisateurs Hong-Kongais de la grande époque du Wu Xia Pian, il délivre ici un film un peu lent mais qui épatera du monde par son sens du cadre et de l'image. Certains passages sont d'une beauté à couper le souffle, bien aidés par une musique dans le ton et des décors superbes.
Même si dans le genre je préfère l'épatant Golden Swallow de Chang Cheh (beaucoup moins classe mais plus original niveau réalisation), Come Drink with Me mérite bien sa réputation, ne serait-ce que grâce à un aspect visuel que bien des films des années 70 lui envient.
Bien avant Brigitte Lin, Michelle Yeoh, Cecilia Cheung, Michelle Reis ou autres beautés fatales venues d’Asie, il y avait leur mère à toutes, la reine des reines, Cheng Pei Pei, qui nous enivre ici au plus haut point, par son visage d’ange éclatant d’immaculé, et forte de son regard bouleversant de puissance. "Regardez-moi bien dans les yeux", semble-t-elle dire à chaque instant. Retenez-moi, je tombe..
Yue Hua supporte la belle dans ses moments de faiblesse. spoiler Sous son air de mendiant, joyeux chanteur, dos courbé et fétiche, se cache un autre homme, droit comme la justice, une force boudhique capable d'ouvrir une cascade d'eau par la pensée ! spoiler Tout en subtilité, il prend progressivement la place héroique que sa sagesse l'empêchait de montrer au grand jour et permet à Cheng Pei Pei de montrer l'étendu de son talent dans des scènes où elle devient plus vulnérable.
Pour son premier et unique grand film pour la Shaw Brothers, King Hu distille un spectacle révolutionnaire à l'époque comme l'espérait le studio, et annonce le dynamisme du cinéma martial HK à venir. Mais plus que cela, il fait fi des directives et étend déjà le genre à ce qui deviendra sa patte toute personnelle, une virée progressive vers un voyage spirituel où l'intellectuel triomphe sur la force. Prenant le risque d'étendre les possibilités visuelles qu'offrent Cheng Pei Pei, et choisissant un Yueh Hua débutant (avec lequel il ne sera pas en très bon terme), il montre ici combien il sait ficeler une histoire, une ambiance, un rythme, une galerie de personnages, avec une classe unique.
Son talent d'esthète nous offre des décors naturels ou en studio simplement superbes, une mise en scène qui respire la grande classe, une musique sublime qui ne cesse de s’emballer avec le climax qui approche, des acteurs surmotivés qui ne cessent d’enchaîner faciès et positions stylées (notamment un duo de méchants-très-méchants qui valent nombre de leurs successeurs), une ambiance électrique, et surtout des scènes de combats fulgurantes qui durent toujours beaucoup plus dans l’attente avant l’attaque que dans l’attaque elle-même, le plus souvent, quelques fractions de seconde tel un éclair, à la manière des chambaras. Pourtant, ces moments de combats ultra rapides transmettent à la perfection le côté létal, l'intensité et l’efficacité du coup à son origine même gonflées par l'aura des combattants. S’en suivent des giclées de sang et des corps qui défaillent à la pelle dans des cris de douleur. On ne peut pas parler de chorégraphies comparables à ce qu'on a l'habitude de voir aujourd'hui mais il y a quelque chose d'unique dans ces combats, un authentisme qui m'a personnellement terrassé de plaisir. Une véritable aube pour un nouvel âge. Une chose est certaine, on en fait plus des comme ça !
Le tout vaut vraiment le détour ne serait-ce que pour admirer la beauté ravageuse de Cheng Pei Pei et sa présence hors du commun à l’écran. Aaaaaaaargh !