Regards croisés
City of Crane n'est pas à proprement parlé un documentaire. C'est une fiction tournée à la manière d'un documentaire. Néanmoins, les deux acteurs principaux interprètent leur propre rôle. A savoir, Yu Yejin, une ancienne hôtesse de l'air qui veut devenir actrice, effectue un documentaire sur des grues dans un zoo à Incheon, ville côtière - surtout connue pour l'aéroport international - juxtaposant Séoul. Pendant le reportage, elle voit un homme faire la danse de la grue en même temps que l'animal, et veut l'interviewer. Mais il part en courant, en laissant toutefois savoir qu'il est Mongol et qu'il aime les animaux. Elle décide donc d'orienter le documentaire vers la recherche de Bataar, le Mongol qui parle aux grues. Pour cela, elle fait appel à Mahbub Alam, un Bengali connu en Corée pour son travail au niveau du droit des étrangers. Très vite, l'on sent que les grues passent au second plan, et ne servent que de métaphore pour parler des travailleurs immigrés, loin de leur pays, et donc en général assez mélancoliques. Contrairement aux derniers films traitant des immigrés, celui ci ne se tourne pas vers la voie du racisme (comme c'est le cas pour Bandhobi et Where is Ronny, dans lesquels joue d'ailleurs Mahbub Alam), mais sur ce coté sentimental de gens loin de leur famille, qui se retrouvent entre eux et partagent leur vie. L'intérêt de ce film est de voir la confrontation entre Yejin et Mahbub ; d'un coté, Mahbub est un homme très direct, qui s'intéresse surtout aux conditions de vie des immigrés, les comprend bien, mais manque de tact, et Yejin, qui a une vision plus mélo-dramatique de la façon de faire le documentaire, et cherche surtout à raconter une histoire, transcendant le simple but de retrouver le Mongol. Elle montre beaucoup d'empathie, mais se heurte souvent à Mahbub à cause de leurs méthodes respectives d'interview. Au final, un bon film très recommandable, qui dépasse la seule critique du racisme (même s'il en parle un peu) pour vraiment aller au coeur de la communauté d'immigrés.