Jolies gazelles sur le gazon. Et joli gazon sur... non 
Un beau jour d’été indien, vous souhaitez aller où tu voudras quand tu voudras pour aimer encore même quand l’amour qu’il est mort. Allons en Inde. Là-bas, par un beau soir d’été français caniculaire, debout dans un bar rempli d’indiens figés devant une télé minuscule, vous voilà en train d’assister à la demi-finale de Coupe du Monde de Cricket. L’affiche en jette un max : Inde-Australie. Vous ne comprenez strictement rien aux règles, ce qui ne vous empêche pas, bête que vous êtes et galvanisé par le match et la bière locale, de lancer un malencontreux « chak de Australia ! » (allez l’Australie !) bien furieux. Le silence s’installe. Un moustique porteur de paludisme s'envole, les regards se braquent sur vous.
Petite ellipse.
Poursuivi par hordes indiens et autres moustiques agressifs, vous souhaitez vous cacher et ainsi éviter la mire des fusils belliqueux. Ne vous arrêtez pas au Cachemire, en l’occurrence un faux ami, et préférez lui plutôt un cinéma chaleureux un peu plus au sud. A Jaïpur par exemple, capitale du Rajhastan, le Raj Mandir vous accueillera à portes ouvertes, vous suggérant, pour quelques 50 roupies, d’aller prendre votre place dite « émeraude » et de profiter du spectacle du soir : le bien nommé Chak De India ! Vos poursuivants se sont calmés : la veille l’Inde a finalement réussi à obtenir son ticket d’cricket pour la finale. Ouf. L’espace d’un film, passons du cricket au hockey sur gazon, ok ?
Le pitch : un sportif de haut niveau (l’acteur super branlou Shahrukh Khan), salement déchu et affreusement déçu, se retrouve du jour au lendemain catapulté entraîneur de l’équipe nationale féminine. Il va tout faire pour éviter la redite du gazon maudit.
Il est 9.30pm heure locale, tout le monde s’installe dans la grande salle. A votre gauche, un femme porte son enfant de 2 ans dans les bras. Tout autour de vous les 1300 places sont remplies d’indiens. Le show commence. D’emblée, un tonnerre d’applaudissements suit l’apparition de la méga star Shahrukh Khan à l’écran. Un peu plus tard une actrice pointe le bout de son nez et c’est la rebellotte. Une autre actrice arrive, ça hurle de partout. La suivante débarque, on rebalance une salve. Les spectateurs font toute l’équipe comme ça. L’espace de deux heures (c’est un court métrage chez eux), ça n’arrête pas. Même si vous ne comprenez rien aux dialogues en indien non sous-titrés, vous vous mettez à applaudir n’importe quand, hurlez sans savoir trop pourquoi, riez aux éclats suite à une tirade mémorable à laquelle vous n’avez rien capté et, définitivement repenti, n’hésitez plus à crier « chak de India ! » à chaque coup de crosse dans la balle. Vous n’êtes plus au cinéma, vous voilà transporté dans les gradins d’un match décisif. Si vous arrivez à prendre un minimum de recul, vous trouverez le film cousu de fil blanc, sans aucune nuance, excessivement nationaliste et rempli ras la gueule de stéréotypes, oui, mais non dénué de qualités. Les personnages féminins sont bien décrits, la BO sacrément dynamique (« chak de indiaaaaaaaaa ») et les scènes sportives rendues impressionnantes via une mise en scène généreuses en ralentis, travellings et autres gros zooms sur des dribles fascinants où crosses, jambes, bras et balle s’emmêlent dans une valse éprouvante. Au film de se terminer sur un twist évident, et à la salle, conquise, de se lever. Puis de s’arrêter net dans sa marche vers la sortie: une scène vient de reprendre pendant le générique de fin. Le copain d’une des sportives la demande en mariage. Celui-là même qui lui avait demandé d’arrêter sa carrière pour lui ! Le saligaud ! La salle, impliquée, hurle quelque chose comme : « Noooon, ne fais pas ça ! ». L’actrice semble avoir entendu et, manifestement en colère, décline l’offre. « Non ! ». Hourra général au Raj Mandir ! La foule exulte, applaudit pour la énième fois, heureuse, épanouie ! Puis fonce se chercher un rickshaw pour rentrer à la maison parce que bon, il est tard.
Le lendemain soir, après un match impressionnant et beaucoup plus difficile que prévu contre le Pakistan - et là vous aurez pris soin d’apprendre les règles -, l’Inde devient championne du monde 2007 de Cricket, le nouveau et plus court "worldtwenty20", avec seulement 5 runs d'avance. A la chanson de ce film-ci de devenir le leitmotiv de la victoire là-bas, façon "I will survive" en France. Parce que nous, quand on gagne, on chante en anglais. CHAK DE INDIA !
Blabla dédié à mes camarades français présents dans la salle ce soir là : Namasté :-)
Fumer l'herbe
Combien j'aurais voulu être aux côtés de Shubby dans cette salle indienne pour partager l'élan de tendresse envers ce film (quoiqu'il n'ait finalement pas marché tant que ça en Inde) et partager son enthousiasme envers le film; ce qui pose une nouvelle fois l'appréhension d'une œuvre cinématographique et de ses critères d'appréciation du point de vue de la connaissance générale, de l'endroit et de l'état d'humeur dans laquelle on la voit.
Pour ma part, j'ai donc dû me contenter d'un petit grand écran – ou d'un grand petit écran, c'est selon. Je dispose de quelques notions rudimentaires du hockey sur gazon, de l'Inde et de son cinéma; j'ai donc apprécié re-trouver cette vieille trogne de Demi-Dieu des acteurs indiens Shah Rukh Khan dans le rôle improbable d'un ancien champion de hockey sur gazon. En revanche, j'ai également eu à me dépatouiller avec un scénario extrêmement simpliste de l'ancien joueur déchu, tiré de sa retraite pour entraîner une équipe composée de (quelques) bras cassés du sport pour finalement triompher de ses adversaires (dont le principal – on s'en doute – sera l'Angleterre pour prendre une autre revanche rêvée sur son ancien rival colonialiste). Tous les poncifs du genre sont au rendez-vous, un peu moins les séquences musicales attendues, mais bel et bien l'élan patriotique absolument nécessaire à ce genre de productions. Une pincée de mélo, un happy end et voilà une autre de ces innombrables productions sportives sans éclat, ni génie, qui feront passer un bon moment, mais sans plus.
