L'amie des bêtes
"Caregiver" marque le quinzième anniversaire de la société de production / distribution STAR CINEMA sur le marché local philippin et – surtout – le retour sur le grand écran de Sharon Cuneta, l'autre grande vedette locale aux côtés de Cherrie Pie Picache, active depuis maintenant 30 ans et loin des écrans depuis 5 ans.
"Caregiver" bénéficie ainsi d'un soin tout particulier, à commencer par un budget assez confortable, un tournage de 3 semaines en Angleterre, un scénario signé par l'un des meilleurs scénaristes locaux, Chris Martinez et la réalisation confiée au vétéran Chito S. Rono. Rono, qui avait connu la gloire de ses premiers pamphlets politiques assez virulents durant la seconde moitié des années 1980 avant d'accumuler les projets plus commerciaux dans les genres les plus diversifiés et dont les récents titres de gloire (mais pas forcément de qualité) ont été des films d'horreur ("Feng Shui", "Sukob").
"Caregiver" représente ainsi un retour à un autre de ses genres de prédilection: le (mélo)drame. S'intéressant au sort réservé à ces millions de philippins à tenter leur "chance" à l'étranger, afin de gagner leur argent en tant que bonnes, aide-soignants ou ouvriers dans le bâtiment, le film suit ainsi dans les tracs d'illustres films comme "Merika", The Flor Contemplacion Story" ou – plus récemment – "Milan". Cette fois, l'histoire s'attache à dresser le portrait d'une prof en anglais, qui va se reconvertir en aide-soignante dans des maisons de retraite pour rejoindre son mari infirmier déjà parti en Angleterre et en espérant pouvoir améliorer leur statut social pour refaire leur vie à l'étranger et ainsi rapatrier leur jeune fils.
Dès le début du film, toute attention est portée au personnage (évidemment fort, comme dans 99% des films philippins depuis toujours) de Sarah, la montrant en train de suivre les cours du soirs pour devenir aide-soignante; ensuite est détaillé sa vie familiale avec une première bouleversante scène, durant laquelle elle observe longuement sa mère s'occuper de sa grand-mère atteinte d'Alzheimer et incapable de prendre soin d'elle-même; une scène, qui trouvera rapidement résonnance dans le travail à son arrivée en Angleterre où se confirme une nouvelel fois la règle, que la pratique prévaut largement sur la théorie, lorsque Sarah doit nettoyer une vieille femme incontinente et souffrant de diarrhée.
Ce n'est là que la première d'une longue série d'épreuves, entre l'humiliation subie au travail pour être constamment rabaissée à son statut d'émigrée, pour s'attirer les colères refoulées des vieux patients délaissés et sur le point de mourir, puis de devoir face à l'abandon de son mari, tombé dans l'alcoolisme. Rien n'est évidemment épargné à cette figure de matriarche, afin de tracer les larges sillons du chemin de sa rédemption et d'en faire une véritable sainte pour l'unique client, dont elle devra s'occuper en fin de compte. Un client particulièrement hargneux, mais qui ne va plus pouvoir s'en passer au grand désarroi de sa famille cupide de l'héritage.
Un mélo, un vrai, où les couches de drame sont tartinées en long et en large et les scènes toutes formatées à soutirer les larmes de son public mature abondent…En même temps, le jeu d'acteur de Sharon Cuneta est tellement impeccable, que l'on se laisse gagner par ses souffrances et l'émotion et que l'on souffre les quelques longueurs dues aux 130 minutes, que dure le film au total. Dommage seulement, qu'en face de la superstar, le jeu des britanniques semble à ce point figé, comme c'est souvent le cas des acteurs occidentaux de seconde zone dans les productions asiatiques…
"Caregiver" a été – à juste titre – l'un des gros gagnants de l'année cinématographique 2008 philippine assez maigre (et en fort recul au niveau des productions locales). Rono a depuis enchaîné avec quelques épisodes d'une série TV et des titres d'horreur, s'assurant de nouveaux succès commerciaux.