La chair mise à nu
Le réalisateur Rizal Mantovani est à l'origine du renouveau du cinéma d'horreur indonésien du début des années 2000 avec le succès consécutifs de "Jelang-kung" et – surtout – de l'excellente franchise des "Kuntilanak". Il était donc d'autant plus attendu à l'annonce de la préparation de l'un des tous premiers "slashers" de ce renouveau, qu'il prédisait dans la lignée des "Souviens-toi…", "Scream" et même "Halloween"…rien que ça. Les premières images faisaient même vraiment envie avec le look de son shaman psychopathe assez travaillé et – surtout – des bellâtres en cascade, qui promettaient des meurtres à gogo…
Las, c'est oublier la relative modestie de moyens d'une cinématographie indonésienne pourtant en plein boom avec plus de 100 films produits par an actuellement, mais qui manque encore d'argent, de techniciens et de savoir-faire…sans parler de la forte motion de censure, qui règne dans ce plus grand pays musulman au monde…Un slasher ? Va falloir faire preuve des limites du genre, alors avec un manque cruel de maquilleurs et techniciens aux effets spéciaux, ce qui donne lieu à quelques effets assez amateurs détonnant avec le reste de la cinématographie parfaitement maîtrisée et puis surtout…le peu que le réalisateur peut se permettre de montrer pour ne pas se heurter à la motion de censure du pays…et des salles individuelles, qui préservent à leur tour leur public des œuvres qu'elles jugeraient trop "osées"…Côté gore, on repassera donc avec très peu de meurtres, aux exécutions sommaires souvent cachées, même si quelques plans furtifs d'un œil explosé ou de doigts tranchés figurent parmi les scènes les plus dures vues ces dernières années…Une chose est sûre, Rizal sera loin d'avoir tenu toutes les promesses et se fera largement voler la vedette par un "Macabre" d'un autre calibre et qui – lui – correspondra également bien davantage au goût d'un public mondial désormais nourri aux frasques du genre de torture porn et autre excès japonais…
En revanche, là, où Rizal va une nouvelle fois être à l'avènement d'un véritable sous-genre, c'est dans son pari totalement fou de repousser les limites de la chair nue montrée à l'écran…Et ce dès la première scène (après le générique d'intro) avec la mannequin Tamara Bleszynski, longuement filmée en toute petite tenue à son réveil au petit matin…et c'est loin de s'arrêter là avec une scène assez chaude à suivre avant de s'attarder des longues, beaucoup trop longues minutes sur les corps huilés de l'ensemble des protagonistes féminins, à se trémousser langoureusement en maillot de bain sur un bateau, puis à la plage…Une grande première dans le cinéma indonésien, comme celui d'un baiser échangé entre deux filles…A noter, que la quasi-totalité du budget du film est dit être passé dans le chèque remis à Bleszynski pour qu'elle consente finalement à tomber les vêtements et de consentir à montrer ses formes généreuses – même si elle fait clairement plus âgée que les autres filles au casting absolument pas en reste…Une revanche de Maxima Pictures, qui avait tenté plusieurs mois plus tôt à tenter de faire un film "commercial de grand public" avec la star du porno Maria Ozawa, projet qui avait capoté à la dernière minute devant le tollé provoqué par cette annonce dans le milieu plutôt intégriste du pays…
Curieusement, les censeurs laisseront passer l'ensemble de ces scènes – tr-s chastes aux yeux des occidentaux, mais ô combien SHOCKING dans l'industrie cinématographique indonésienne…Du coup, l'incroyable coup de pub fait autour de ce film, qui va connaître des rentrées d'argent faramineuses va motiver tout un tas de producteurs à exploiter un même filon et à créer ce qui deviendra un véritable sous-genre actuel du cinéma d'horreur: celui de la forte dose d'érotisme, qui semble teinter chaque nouvelle production. Au moins cela les aura fait abandonner le style de la "caméra à l'épaule" précédemment lancé par Rizal…en revanche, la qualité de la production horrifique n'en ressort pas grandie pour autant…Et malheureusement aucun réalisateur digne de ce nom n'aura pas non plus su tirer avantage de l'étroit lien, qui existe pourtant depuis la nuit du temps entre érotisme et horreur; depuis le parfait jeu de séduction d'un Dracula sur ses victimes jusqu'à la lourde métaphore du couteau "pénétrant" la chair d'une victime pour la faire saigner au contact…Non, pour l'instant il faudra se contenter de plans furtifs de chair nue, qui semblent faire le même effet aux spectateurs musulmans indonésiens, que jadis les robes, qui avaient le malheur de découvrir la cheville de quelque bonne catholique…So shocking !
Quoiqu'il en soit, Si Rizal est assurément des meilleurs réalisateurs en son genre à savoir mettre un minimum en scène, à créer une bande sonore juste et inquiétante et à réserver quelques effets de surprise, qui ne soient pas uniquement basés sur la notion du hors-champ ou de la soudaine intrusion d'un son tonitruant, force est également de constater, qu'il n'a quand même pas tout à fait acquis les bases les plus élémentaires du slasher. Les meurtres sont donc trop peu nombreux et assez mous et – surtout – le personnage du croquemitaine, parfaitement croqué dans son but de vengeance et avec son masque effrayent – manque quand même de charisme, vivacité et de présence pour réellement inquiéter. Manque également de pêche la "traque" des jeunes sur cette île aux faux airs de paradis…et pourtant, il y avait matière à tirer partie des éléments naturels, à imaginer des terribles parties de cache-cache entre le shaman et ses victimes…Ben non…De même que le personnage de Tiara, une battante, qui – elle aussi – aura bientôt une bonne raison de survivre et de se battre, mais qui reste incroyablement lisse dans son jeu…jusque dans cette totale absence d'utilisation de son traumatisme (quand même, un trauma du noir, alors qu'elle est poursuivie de nuit par un psychopathe, il y avait de quoi la rendre particulièrement chèvre). Non – une fois les scènes des filles en maillot de bain passées (ah si…la mise en scène retrouve de sa verve lors d'une mémorable scène de douche aussi), Rizal se met en mode automatique et délivre un produit calibré, mais bien en-deçà des attentes, possibilités et de ses réelles capacités.
