Un des sommets du film de Kung-Fu : Chang Cheh magnifie Chen Kuan Tai et livre un final d'anthologie
Après avoir vu ce film, je peux qualifier A Toute Epreuve de John Woo de "Boxer from Shantung du polar". En effet, difficile pour moi de trouver un film de kung-fu avec plus de combats que celui-ci, plus de sang, plus de face à face 1 contre 10, 20 ou 30. La démesure des gun-fights de John Woo trouve ses racines dans les films de cette époque, et comment ne pas revoir les finals sanglants The Killer ou Le Syndicat du Crime 2 dans ce film où les combattants couverts de sang luttent jusqu'à la mort.
Au début, le film rappelle un peu Pour une Poignée de Dollars, avec le combattant (à la place du pistolero) qui débarque en ville et vient s'immiscer entre deux clans. Mais rapidement le film prend une autre tournure au fur et à mesure que Ma monte dans l'échelle sociale à grands coups de combats plus furieux les uns que les autres. La grande force du film est de ne pas présenter qu'une suite de combats (certes très impressionnants), mais également un scénario solide et intéressant. On n'échappe bien sûr pas à l'éternelle histoire de vengeance, mais elle ne constitue pas le noyau du film, ce qui est assez rare pour un kung-fu. Le film dépasse les deux heures, ce qui permet de développer l'histoire et de faire monter les combats en puissance au fur et à mesure.
Chen Kuan-Tai est assez impressionnant, dans un style de kung-fu bien classique (relativement différent de celui que Bruce
Lee imposait à la même époque), mais néanmoins très violent. Chen utilise peu ses jambes mais plutôt des frappes aux poings dans son style assez particulier. S'il n'atteint pas la puissance de Bruce Lee, son charisme et son énergie fonctionnent à merveille. Les combats sont très nombreux et souvent très déséquilibrés (quinze sbires avec des machettes et des couteaux face à Ma tout seul étant le minimum syndical). C'est ce qui rend les combats impressionnant à défaut d'etre spectaculaires. Mais le final est à ce titre hallucinant, avec Ma qui se bat une bonne partie du temps avec une machette plantée dans l'abdomen, contre environ 80 adversaires ! Cette scène fait à elle seule passer le film dans une autre dimension. Il s'agit probablement de la scène de combat la plus dramatique que j'ai vue jusqu'à présent. Comme c'est ce qui manque le plus au film d'arts martiaux, Boxer From Shantung entre immédiatemment dans les films cultes du genre pour moi.
L'interprétation de Chen est également convainquante pour les scènes sans combats. Il fait parfaitement passer son désir de joindre la même élite que le personnage interprété par David Chiang. Cet acteur a du charisme, et c'est nécessaire pour interpréter Ma Yung Chen. Car Ma va passer par plusieurs stades, du désir à sa réalisation, avant de se rendre compte d'où il va.
Chang Cheh sert une réalisation qui met en valeur les combats grâce
à des plans très longs. Il utilise également quelques ralentis pour les chutes, et joue très bien sur les expressions des visages. Je pense que c'est le premier Chang Cheh que je vois, et si son style est assez classique (comparé à celui d'un Tsui Hark ou un John Woo qui sont ses plus grands héritiers), il faut bien se rappeler que le film a presque 30 ans. Certaines scènes de
montée en tension sont magnifiques, et les combats sont très bien filmés, ce qui est absolument nécessaire dans un film qui en comporte autant.
Chen Kuan-Tai aurait probablement connu une autre carrière si Bruce Lee n'avait pas imposé un nouveau style de kung-fu qui allait conquérir le monde dans les années 70. Il a néanmoins tourné d'autres films avec Chang Cheh, mais n'aura jamais connu la reconnaissance internationale. Raison de plus pour savourer un film comme Boxer From Shantung, bien qu'il soit difficile de le trouver. J'ai eu la chance de tomber dessus en Angleterre, et j'étais encore plus étonné que ce soit
Canal+ Image qui le distribue avec Warner. Pourquoi le film n'est-il pas disponible
en France ? Grand mystère...
A noter également un titre français parfaitement ridicule et symptomatique des pratiques de l'époque.
Je comprends mieux
Pendant les 3/4 du film je me suis demandé pourquoi il avait une telle réputation. Comparativement Hero était quand même plus efficace et plus rythmé. Mais la réponse je l'ai eu dans les 20 dernières minutes: peut-être le final le plus grandiose que j'ai vu. Il avait des choses sur le coeur Chang Cheh pour lacher un truc pareil! Et Chen Kuan Tai m'a simplement bluffé par sa presence à l'écran, réellement impressionant. Voilà maintenant je comprends le pourquoi de la réputation du film, et je ne peux que dire: c'est justifié.
Grand chang cheh, final d’anthologie mais petit kung fu
Grand Chang cheh
Impossible de ne pas comparer boxer from shantung à son prédécesseur Vengeance. Même ambiance urbaine, même époque quasiment, même attirance vers une scène finale saignante, héroïque et dramatique, même violence, enjeux proches. La grande différence vient du coeur du film qui développe une histoire plus complète avec un personnage principal qui est un champion de kung fu et non un tueur ivre de vengeance. On y trouve de nombreux échos avec Scarface, la montée puis la chute d’un homme trop sûr de lui, mais avec un fond bien meilleur que Tony Montana. La contradiction bien/mal du personnage et ses aspirations matérielles mais aussi spirituelles font tout le sel de l'affaire. Le scénario reste tout de même dans le tout classique avec son lot d'attraction / répulsions bien solide, mais le casting assure le divertissement et la réalisation reste toujours nerveuse et maîtrisée aidé par un budget très confortable. Scénarisé par Chang Cheh mais réalisé en grande partie par Pao Hsieh Li, ce coeur de métrage est tout de même plus conventionnel que les Chang Cheh les plus libérés. Néanmoins, Pao Hsieh Li colle parfaitement au scénario voulu par l'ogre et garde la bonne touche nerveuse de ses films de genre.
Côté acteurs, Chen Kwan Tai tient son plus grand rôle, son plus important aussi, et il le prend manifestement à coeur. David Chiang bien que peu présent assure toujours son effet "branleur blanc bec". D’autres encore, méchants bien connus comme Ku Feng, apportent la touche détestable indispensable, et Ching Li est encore une fois excellente, forte, sensible, peut-être la plus convaincante des femmes présentes dans les films de Chang Cheh. Notons aussi une des premières apparitions furtives de Yen shi Kwan (qui affronte le catcheur russe), ainsi que Fung Hak On en conducteur de la cariole de David Chiang.
Final d’anthologie
Depuis le temps que j’entend parler de ce final et même après avoir dégusté celui de Vengeance !, il reste indéniablement le plus furibon, le plus dramatique et le plus sanglant de tous (quoique...). Un véritable morceau de bravoure. Même configuration que Vengeance là encore : une montée en tension sublime dans un salon de thé à deux étages (pour les sauts bien sûr) avec un grand escalier, accessoire d'une importance spatiale capitale, un héros avec une hache dans le bide (c’était un couteau dans Vengeance et dans Blood brothers aussi d'ailleurs) contre une cinquantaine d'énervés. Ajoutons un autre combat en masse à l’extérieur au même moment et tout aussi sanglant. Un grand final à mort définitivement légendaire.
Mais petit kung fu malgré tout
Ce qui n’était pas génant dans Vengeance le devient beaucoup plus dans Boxer. Vengeance tablait avant tout sur le combat sans règle ni technique à coups de tatanes et de couteaux. Or ici, Chen Kwan tai est un maître dans le style "conquête du tigre", un style assez bourrin, pas élégant pour deux sous, à base de gros coups de poings secs et sans amplitude. Liu Chia Liang, Tong Gaai, Lau Kar Wing et Chan Chuen sont aux chorégraphies, autant dire la crême de l'époque, et Chang Cheh est derrière la caméra assisté de Pao Hsie Li et du tout jeune John Woo. Les chorégraphies sont donc très bien mises en place et superbement violentes mais le niveau martial reste assez décevant surtout si on le compare au concurrent direct, Bruce Lee. Sans vouloir jeter la pierre à Chen Kwan Tai qui est un véritable champion de boxe chinoise et se déchire littéralement dans le final, le hung fist n'est pas ce qu'il y a de plus cinématographique et l'envie évidente de coller au style expéditif de Bruce Lee n'est pas des plus heureuse. Heureusement sont ajoutées des lames et des machettes bien tranchantes qui permettent aussi au final d'exploser. Hypothèse très personnelle, ce film montre peut-être que ces immenses chorégraphes étaient tout de même bien plus créatifs en kung fu martial qu'en hung fist expéditif, c'est à dire simples techniques de poings qui font rapidement valser l'adversaire et limitent forcément un peu le champ lexical martial. Le temps passé laisse pas mal voir son ouvrage. De plus, David Chiang n’a jamais semblé aussi mauvais. Bref, déception sur ce point alors qu'il constitue un atout important puisque c'est tout de même l'histoire d'un roi du kung fu.
un beau récit tragique et un final killer: du grand Chang Cheh
Au fond, peu importe que Boxer from Shantung ait été en grande partie réalisé par Pao Hsueh Li (Chang Cheh n'a tourné que le combat du début ainsi que la titanesque scène finale). La mise en scène est certes dans l'ensemble plus classique que lorsque Chang Cheh est totalement aux commandes mais Chang Cheh a scénarisé le film et le traitement de la violence porte sa marque. Une fois ceci dit, Boxer from Shantung a quand même sa place parmi les réussites majeures de Chang Cheh. Une des forces du film est de laisser se déployer son récit sur une durée de deux heures dix. Le scénario nous présente un Shanghaï en proie à la guerre des gangs et au profit à tout prix et il suffirait de remplacer les haches par des flingues pour obtenir un récit d'ascension/chute d'un voyou qui a été traité en abondance par le cinéma américain.
La première chose fascinante du film est le personnage de Ma: il incarne l'envie de s'élever au sommet en gardant la tête haute (il refuse de prendre une pièce jetée par Tan) mais est fasciné par l'arrivisme de Tan qui représente pour lui un double amélioré (il ira jusqu'à imiter sa façon de tenir une cigarette et à acheter un modèle de voiture identique une fois parvenu à son tour mais il restera toujours ridicule dans les oripeaux de Tan) et s'il dit ne combattre que par obligation chaque situation semble être un prétexte afin d'extérioriser sa rage et la déchaîner contre une dizaine, une vingtaine, une trentaine de combattants qui repartent tous en sang. Homme d'honneur et fureur cohabitent en lui. Et même s'il incarne un parrain humain (il laisse aux commerçants des délais pour payer leur tribut car il comprend leurs difficultés financières et donnera de l'argent à son frère pour qu'il fuit le pays et se crée une vie stable). Ma incarne un élément perturbateur de la guerre des gangs car il refuse de se laisser amadouer financièrement et de porter allégeance à un quelconque des deux gangs. Il se pose là en bloc de violence irrécupérable.
Si les chorégraphies martiales du film sont classiques, le traitement de la violence l'est moins: Boxer from Shantung ne lésine pas sur l'hémoglobine et sa violence n'a rien à envier à celle d'un Peckinpah de l'époque. Pour ce qui est de la mise en scène, elle marque par son attention aux détails: d'un coup, elle se décentre des combats martiaux afin d'annoncer un personnage (le gros plan sur une cigarette qui prépare l'entrée en scène de Tan) ou de montrer ce qui se manigance en sous-main (la collecte de l'argent et les bagarres organisées par les gangs au cours des combats contre le lutteur eropéen). Le gros plan sur la cigarette est repris plus tard au cours du film afin de souligner le mimétisme Ma/Tan. L'utilisation des zooms, tic formel de l'époque, les gros plans sur les visages, ainsi que les caméras passant rapidement d'un personnage à l'autre collent parfaitement aux émotions des personnages.
Et surtout Boxer from Shantung a un final et quel final! Un final où Ma semble courir vers son destin tragique afin de venger Tan. Un final qui porte indéniablement la marque des années 70, cette décennie des héros nihilistes et de la splendeur barbare des classiques stoogiens. Car ce final est rage pure et, à l'instar du héros de Le Sabre du mal sept ans avant ou de Tony Montana dix ans après, Ma est devenu prisonnier de son délire mégalomaniaque et se sent invincible. Et c'est ce délire qui lui donne encore la force de combattre, de dépecer toujours, toujours plus de combattants (et de ce point de vue le final amplifie la démesure de figurants, de chorégraphies martiales, de combats sanglants à l'arme blanche déjà présente dans le film) afin d'atteindre l'assassin de Tan. Il faut le voir monter et remonter à chaque fois l'escalier d'abord une hache plantée dans le ventre puis dégoulinant de sang car il ne veut pas quitter ce monde avant d'avoir accompli son destin et craché tout ce qu'il avait de haine dans un geste de jouissance ultime.
Et si jusque là le jeu de Chen Kuan Tai se caractérisait par sa retenue et la richesse de sa palette de regards, les mines outrancières et les grimaces qu'il prend dans le final contiennent en germe la direction d'acteurs des classiques wooiens. David Chiang joue Tan et montre qu'il n'a pas besoin de beaucoup de scènes pour imposer un personnage, son charisme, son aisance. Seule réserve au film: l'aspect limite raciste de la scène du combat contre le lutteur européen caractéristique de pas mal de films hongkongais de l'époque (La Fureur de Vaincre en est l'exemple le plus connu). Pour le reste, c'est du grand cinéma.
La fureur du tigre...
Le meilleur film de Chang Cheh dans le sens où la dramaturgie se tisse dans un flamboyant panaché des genres, on passe du film de gangster très Scarfacien au kung-fu pian ultra-violent (Bruce Lee), la scène finale n'a d'équivalent que le final dantesque de La horde sauvage, le sang qui a toujours été une finalité chez Chang Cheh arrose cette conclusion, la réussite eut elle été acceptée à se Barefoot Kid qu'à la condition qu'il en fasse son chemin de croix, un chemin trop long et épineux pour lui malgré sa force et son obsession.
On retrouve le théme de l'amitié paroxysmique chère à Cheh, preuve de son penchant mysogine plus qu'homo-sexuel.
Le cinéma d'un John Woo en devient un grand hommage remplit de référence à son maître, d'ailleurs il participa au tournage de Boxer...
Une référence incontournable sortie en vidéo en notre beau pays sur le titre infâmant de Justicier de Shangaï, dans le rayon Cas raté entre deux JCVD, preuve que le distributeur été encore un grand connaisseur. St-Christophe faîte de cette sortie dvd une véritable urgence !!!
la marque du maitre ( critique modifié le 21 juin2004 )
je vais augmenter la note car je viens de voir le dvd de celestial qui est pour ne pas changer sublime , c'est vrais que c'est pas le top niveau combats mais la prestation d'acteur de chen kuan tai et la puissance que dégage ce film est extraordinnaire . chang cheh a fait a mon avis ces meilleurs films au debut des années 70 "le justicier de shangai" aka "boxer from shantung" en est la preuve .ce film fait partie des 3 meilleurs films de cheh qui nous reserve ici un final de 20 minutes d'anthologie.
"a must for every shaw brothers movie fan"
?
Un des meilleurs Chang Che . L'histoire est intéressante, la mise en scène est dynamique, les combats sont courts, efficaces et toujours aussi sanglants. Les acteurs sont tous excellents du plus petit rôle au plus grand . A ne pas manquer .
sang-sationnelle
Un film d'une grande maîtrise. L'ascension et la chute sanglante d'un paysan venu faire fortune dans le Shanghai de la fin du XIX ème siècle.
Il se dégage une sensation d'extrême puissance que ce soit au niveau des décors grandioses, des acteurs charismatiques ou des combats sauvages.
David Chiang en guest star est d'une élégance et d'une insolence incroyables mais c'est Chen Kuan Tai qui tire son épingle du jeu, sa carrure et son charme imprègnent le personnage d'un orgueil et d'une volonté inébranlables.
Le style shaw brothers à son apogée avec les marques infaillibles (combats à 1 contre 50 armés de machettes).
Beaucoup qualifient le final de "dantesque", il est facile d'acquiscer à cette affirmation.
A noter au passage que la version francaise n'est pas censurée et bénéficie d'un très bon doublage.
Le parrain de Shantung
Excellent film de Chang Cheh, qui a particulièrement soignée sa mise en scène, les décors et son intrigue.
Enfin un grand film de combat, qui écrase - de loin - des films de genre s'étant faits par la suite.
L'oeuvre dégage une rare rage, évoquant déjà le futur cinéma de Bruce Lee.
Difficile pourtant de s'identifier au départ au personnage principal arrogant, qui fait tout pour devenir le parrain de Shanghai...mais la suite est tout à fait passionnante jusqu'au dernier combat final désespéré.
Magnifique !
Les salauds sont aussi des gens biens!
Dans le sillage des films de gangsters américains, peu de films Hk ont été fait avant le début des années 80. Il faut attendre la fin du cinéma de Kung Fu et la nouvelle vague que pour que le genre polar (hardboiled ou pas) s'impose dans le cinéma de l'ancienne colonie. The Club, L'enfer des armes, ce genre de films n'ont pas vraiment de grands prédécesseurs évidents dans le cinéma populaire local (si l'on excepte peut-être les films de Cho Yuen tel la Guerre des clans ou le Tigre de Jade)... Boxer from Shantung est à ce titre un peu particulier et unique, dans le sens où il est une tentative explicite de peinture du milieu du crime organisé chinois et qu'il date de 1971. On ne se lassera pas de souligner la parenté et la proximité thématique de ce film avec Scarface (même personnage de personne qui devient quelqu'un dans un fulgurante ascension qui n'a d'égal que la dureté de sa chute), mais on ne saurait non plus trop en souligner les éléments qui échappent à cette comparaison, et qui sont propres au cinéma de Chang Cheh.
La différence principale, c'est que le film de Stone/De Palma est une glorification jusqu'au-boutiste de son personnage. C'est aussi le cas içi mais pour des raisons différentes. Si Tony Montana est un héro dans l'amérique reaganienne, c'est qu'il est le symbole et l'icône de cette époque: si le libéralisme sauvage est le sommet de l'évolution sociale, alors oui, Tony Montana est un héro. Il en est même le plus grand héro, celui qui n'hésite pas à braver la mort pour affirmer sa soif de réussite et de reconnaissance (on pourrait même pousser jusqu'à l'extrème et dire qu'il y a dans Scarface une logique maximaliste de la dialectique de la maitrise et de la servitude hégélienne, sauf qu'elle se solde par la destruction et non par la réconciliation et le pardon). Certes, le personnage de Ma est comme Tony Montana assoiffé de réussite et de reconnaissance sociale, mais ce qui en fait sa grandeur est au final ce qui échappe à cette logique mercantile du marché de la grandeur matérielle. Le final enragé de Boxer from Shantung est avant tout la célébration de l'amitié et de l'affinité spirituelle que Ma se reconnait avec Tan. Loin d'être la valorisation de la perte du héro dans la spirale de la violence du capitalisme sauvage, il est le retour à une sorte de pureté originelle de ce qu'avec Hegel à nouveau, l'on peut appeller l'esprit de la famille, opposée à la société civile qui verse immanquablement dans l'injustice si elle n'est tempérée par la première.
C'est donc finalement par cette espèce de sacrifice final à l'autel de la sensibilité pure et de l'affect que le personnage de Ma échappe à la pure ambition (laquelle a toujours un coté positif dans ce qu'elle incarne une volonté de changement social, et négatif en ce qu'elle débouche quasi-certaienement sur l'inustice) incarnée dans le personnage de Yang. Celui-ci n'étant d'ailleurs que la reprise des grands personnages de puissants méprisants des faibles et des pauvres qui sont récurrents chez Chang Cheh (Ma aka Ti Lung dans Blood brothers, par exemple).
Dans le sens où ce film se frotte au cinéma de gangster hollywodien, Boxer from Shantung mérite une place particulière dans l'oeuvre de Chang Cheh. Par ses thématiques de fond, il est parfaitement en phase avec le reste de l'oeuvre de Chang Cheh, qui a toujours, malgré son vernis radicalement sauvage, pris la forme d'une peinture sociale. Les personnages de l'Ogre sont toujours des moins que rien (Wang Yu paysan dans le Bras de la vengeance, Chen Kuan Tai paysan dans le présent film) bannis, réprouvés, mis au banc d'une société injuste et brutale (le plus souvent représentée par la domination Qin, faut-il bien le reconnaitre), qui par leur désir d'élévation sociale, de reconnaissance vont briser la loi de leur condition et se mettre en jeu ce qu'il y a de plus pur dans leur condition, l'amitié, la solidarité, l'empathie jusqu'à le perdre: le cinéma de Chang Cheh sonne comme une révolte enragée et une mise en garde.
Le précurseur de Scarface !!
Et oui ! Vous n'avez donc pas vu toute l'analogie entre le film de Chang Cheh et le mythe de De Palma ? C'est pourtant toute l'architecture du film qui est semblable !
Un jeune homme, immigré, qui a soif de pouvoir et de réussite va se construire une réputation par le sang dans une ville où s'oppose de manière flagrante le luxe et la misère ouvrière.
Sauf qu'avec Chang Cheh les poings et les lames remplacent les armes à feu au sein de la pègre et le Shangai des années 30 fait office de Miami city...
Deux sociétés différentes mais une même morale que l'on retrouve dans le finish spectaculaire : Tony devient Ma et apprend que la vie de parrain est éphémère avant de s'écrouler dans un fou rire éclatant proche de la frénésie de Montana lors de sa chute... (Tony on trouvé ton prédécesseur !!)
Une vraie réussite !
Mon premier Chang Cheh, et sans doute pas le dernier
Ayant vu le remake ("hero" de corey yuen, 1997) avant l'original, j'avais peur d'être déçu, notamment par les combats, parce que 1972 quand même, ça date un peu, et puis les moyens ne sont pas les mêmes. La surprise n'en fut finalement que plus grande! contrairement à ce que je pensais, il n'y a finalement pas tant de combats que ça pour un film de 2h, et la plupart ne sont pas très longs.
Mais ils sont étonnament fluides pour un film de 1972, certains plus récents, comme "la dernière chevalerie" de John Woo accusent beaucoup plus leur age du point de vue des chorégraphies. Le travail des frères Liu et de Tang chia est impressionnant, comme l'a dit François, il est rare que Ma affronte moins de 10 adversaires à la fois, et il le fait plutôt bien.
En effet, si David chiang n'est définitivement pas un pratiquant (quel bon danseur en revanche, voir ce splendide mouvement de cloche pied lors de son combat contre Ma, avec le dos tout courbé, et la jambe d'appui pliée!) et n'arrive pas à donner un coup de poing correcte (ne parlons pas des coups de pieds... heureusement il sait à peu près se servir d'un couteau), Chen Kuan Tai sait indéniablement ce qu'il fait. En plus d'être très bon dans les combats, il est également bon acteur, et impose un ma yuen cheung bien plus charismatique que celui campé par takeshi kaneshiro. Ici, on est véritablement en face d'un jeune ambitieux, pas mauvais mais assoiffé de pouvoir, un pouvoir qui ne peut que le pousser dans les escaliers.
Il impose en tout cas un Ma digne et honorable, ce qui n'est pas le cas avec kaneshiro (acteur que j'apprècie beaucoup mais qui n'arrive pas à la cheville de chen pour ce rôle). David Chiang n'apparait que 2 scènes et demi et a peu de dialogues. Il se révèle tout de même assez charismatique. On peut regretter que son personnage ne soit pas plus utilisé, comme c'est le cas dans "hero", mais ici, c'est véritablement Ma le pilier du film, les autres personnages sont finalement plutôt secondaires. En effet c'est le destin d'un homme qu'on montre, et cette focalisation totale ne fait que nous attacher davantage à lui, jusqu'au final dantesque et totalement hallucinant pour l'époque. L'un des autres points forts du film est la montée en tension dans les combats.
Dans la première partie, Ma est sûr de lui, il sourit en se battant, n'a rien et est décidé à avoir. Mais dès qu'il rentre à Qun fu Lane, on sent l'atmosphère changer, il ne sourit plus, les adversaires sont de plus en plus nombreux et de plus en plus armés, les combats plus nerveux et vifs, qui exploseront dans le final sanglant. La réalisation du Chang y est pour beaucoup, la dramatisation de cette scène joue beaucoup sur les moments entre les affrontements, les bruits de respiration, les gros plans sur le visage en sueur, sur les ennemis qui le narguent. Il n'y a pas d'artifices de montage comme une musique dramatique etc (à part vers la fin), la tension n'en est que plus forte, la tragédie se noue sans que l'on ait besoin de rien dire. Au final, un film culte qui a très bien vieilli, et un Chen Kuan Tai fabuleux et injustement oublié.
Yojimbo à Shanghai
La parenté souvent soulignée avec Scarface est justifiée : Chen Kuan-Tai campe un personnage tragique, inconscient ou suicidaire, dont la chute (tout en grand-guignol) apparaît très vite inéluctable. Mais c'est surtout Yojimbo qui vient à l'esprit, et que Chang Cheh devait d'ailleurs connaître.
A titre personnel, j'ai d'abord trouvé ce film décevant... Personnages fadasses, décors bidons et, qui plus est, kung-fu approximatif. J'ai arrêté le DVD avant la fin.
A la deuxième vision, j'ai vraiment adoré le style de Chang Cheh : mélange de tragédie sanglante et de réalisme social, auquel s'ajoute un côté "film à clef".
Le thème de l'escalier, par exemple, revient plusieurs fois dans le film, et il traduit, me semble-t-il, la tentative de progression sociale de Ma Yungzhen. D'ailleurs
(attention spoiler) Ma tente au final de gravir sans y parvenir les dernières marches qui le séparent de Yang. Celui-ci ne veut pas concéder sa place dominante et le renvoie en bas à coups de latte. Finalement, notre héros détruit carrément l'escalier pour liquider son ennemi ! C'est un peu anarchiste tout ça...
fin du spoiler
Bon je sais, y'en a que ça énerve, les bavardages critiques de cet acabit...
Un très bon film de gangster dans le Shangaï des années 30
Un film qui annonce la structure de Scarface et qui est correctement réalisé. Avec un final qui fait office de catharsis on est face à un des chefs d'oeuvre de Chang Cheh. Paradoxalement, les combats sont très mauvais et le niveau martial des combattants est très très bas, et Liu Chia Liang ne parvient pas à le maquiller sous ses chorégraphies. Pour ma part, ce faible niveau des combats m'a empêcher de savourer pleinement le film. Ceci dit, l'ensemble reste très fréquentable.
Un autre classique de la Shaw Brothers
J'ai beaucoup pensé à Bruce Lee en regardant ce film. D'ailleurs il ne serait pas impossible que Bruce Lee se soit inspiré de certaines mimiques de Chen Kaen-Tai pour creer ses personnages notement dans "La fureur du dragon" ou "Big Boss".
Concernant "The Boxer from Shantung", je trouve qu'il met beaucoup de temps à démarrer(peut être par ce qu'il fait plus de 2 heures) mais après c'est que du bohneur. Et puis je préfère de loin la prestation de Chen Kaen-Tai dans le maqnifique "The Blood Brothers" de Chang Cheh. Il est moins raide.
l'art de Chang Cheh
En y réfléchissant, il faut admettre que les combats à mains nues de Boxer from Shantung, ne sont pas à la hauteur des prodigieuses chorégraphies orgiaques à l'arme blanche qu'a pu disséminées Chang Cheh dans son oeuvre. Mais au fond qu'importe; car Boxer from Shantung dévoile une formidable lucidité sur l'absurdité même de ces combats, leur grotesque dans ses ultimes secondes, climax paroxystique et délire de son héros qui s'achève dans le rire, celui du comique absurde, de l'homme enfermé dans la blague de sa propre vie, poisson dans un aquarium, agonisant, échappant aux illusions de la vie, trouvant enfin cela drole et son rire nous emmène dans les entrailles d'une blague, dans l'horrible du comique. Boxer from Shantung, c'est un renversement de la figure du héros, que Chang Cheh a d'ailleurs justement forgé à travers David Chiang; les oripeaux du héros traditionnel s'effritent sous la donnée d'un nouvel espace, la ville, pour ouvrir au final sur une dimension kafkaienne; le rire de Chuen Kuan Tai pulvérise définitivement le tragique du héros, il le détruit dans l'oeuf, privant ainsi ses spectateurs de la seule consolation qu'ils puissent encore espérer: celle qui se trouve dans la grandeur supposée de la tragédie.
A ma connaissance, Boxer from Shantung est aussi l'un des premiers films urbains dans la carrière de Chang Cheh et comme dit plus haut, l'élément urbain joue sans doute un role capital. La ville, c'est ce piège que Chang Cheh couvre d'un voile rouge dès l'ouverture, une forêt de symboles, de spectres qui nous empoisonnent et nous emprisonnent, auxquels nous réagissons quand nous pensons agir sur la réalité (voir l'obsession du héros quant au personnage de David Chiang). C'est sur ce point que Chang Cheh déploit tout son génie, sans doute parce que lui-même plus que tout autre transcendait ce système de la pensée symbolique, sublimant geysers de sang en saillies incontrolées, bras armé en excroissance castrée par la suite etc. Dès lors, le cadre et son decorum produisent un concentré de civilisation, champ humain de forces centripètes qui nous fait prendre toute la mesure de ce final démesuré. Face à ce dangereux accident, exception, orage assez fort pour mettre en branle les fondements de la société et sa multitude pour la tordre sous son joug, la civilisation n'a d'autre choix que de tout faire pour détruire l'agressivité de la force qui est fondamentalement et parfaitement désintéressée, immotivée, "volonté de volonté", pur irrationnel et dont le héros prend conscience dans ses dernières secondes; c'est alors au moment de la victoire totale de la raison que cet irrationnel s'empare de la scène du monde sans qu'aucun système ne puisse faire obstacle. Et que résonne une infinie solitude.
dans la moyenne
Intéressant mais un peu longuet.
A bien mal vieillit comme la plupart des Chang Cheh...
Un film qui a sûrement mal vieilli
Je me suis ennuyé devant ce film : combat fade, du faux sang qui pete aux yeux, un film long...
Le scénario est loin d'être une merveille mais il est plutôt sympa : un homme qui admire un mafieux pour son paraître, et qui fait tout son possible pour devenir comme lui, et une fois cela plus ou moins réussi, il va se rendre compte que derrière ce 'paraître', il y a le 'être'.
L'acteur principal, Chen Kuan-Tai est charismatique, et çà colle bien avec le personnage qui est assez agaçant ! (mais c'est je pense voulu !)
En conclusion, je n'ai pas apprécié ce film qui m'a plutôt endormi. Je ne conseille pas ce film, hormis aux amateurs de la old school pour qui c'est peut être un film majeur, car les combats sont nombreux, et la réalisation pas mauvaise pour l'époque.
film chiant et on voit bien les acteurs principaux n ont jamais fait d arts martiaux.
14 septembre 2002
par
yves