Arno Ching-wan | 4 | Black is beautiful |
Ikari Gendo | 4 | Un film plus que jamais d'actualité ! |
Non diplômé mais bardé de principes en plus de talents divins, Black Jack sort de l’ombre ! Il y reste un tout p'tit peu quand même puisque serment d’Hippocrate et secrets inavouables sont liés à tout jamais à son statut de super-médecin marron.
Ce film de 1996 se scinde en deux parties. Véritablement passionnante, la première nous immerge dans un thriller étouffant où la réussite de super sportifs se juxtapose à la maladie étrange qui les achève dans la foulée. Après la leur, de foulée. Magistralement mis en image, ce segment est à ce point parfait qu’il met à mal le second, trop fouilli, qui se conclue pourtant par une touche de poésie aussi gonflée que réussie.
Bien que trop riche, le scénario est très rafraîchissant, à la fois par ses prises de risque et son ton, résolument différent du tout venant. L'histoire nous présente une méchante de service fascinante et originale en plus du personnage même de Black Jack. Toujours aussi insaisissable, celui-ci passe de "sauveur de la veuve et de l’orphelin" à "adolescent révolté par la folie des hommes" pour ensuite tenir les propos d’un "homme d’affaire avisé" et finalement devenir moins imperturbable, "amoureux transi" pour les beaux yeux d’une femme belle mais bien fatale. Le flegme britannico-allemand-japonais apparent de BJ est totalement (trop ?) énigmatique, tant et si bien qu’on frôle parfois le creux devant tant de non-dits néfastes à toute tentative d’approche-accroche au bonhomme. Une froideur qui plait ou non, c’est selon.
Ajoutons à cela la petite Pinoko, son assistante de six ans au statut plus qu’ambigu, une donnée supplémentaire qui accroît les doutes quant à cet homme étrange parce que contradictoire. Le trouble s’accroît encore lorsque l’on sait qu'Osamu Tezuka fit des études de médecine avant de dessiner son héros, ceci nous incitant à voir en Black Jack son alter ego imaginaire de l’époque. Dès lors, qui peut bien être Pinoko aux yeux de Tezuka ? Est-ce une créature créée par BJ, une sorte de monstre de Frankenstein? L'hypothèse est crédible compte tenu du visage du docteur, lui même tailladé. A-t'elle eu droit à une résurrection? Ne peut-elle pas grandir ? Devrions nous remplacer un "o" par un "u" ou devons-nous juste n'y voir là qu'une naïveté excessive, une perche tendue à un public enfantin qui n'a, à priori, aucune raison d'être intéressé par cet animé adulte ? (*)
Comptes à rebours James Bondien pour contexte médical shooté au film noir, Black Jack le film nous est raconté à l’ancienne via une narration plus proche du live que de l’animé. DEZAKI Osamu reste assez sobre en regard de son style habituel. L’animation est excellente mais les dessins tezukistes accusent leur âge, ce qui sera également le cas du Metropolis de TARÔ Rin cinq ans plus tard. Ca passe ou ça casse, encore que les traits de certains personnages, ceux des femmes en particulier, et tout comme dans les OAV, prennent ici plus de distance avec la Tezuka’s touch. Ce choix intéressant aurait peut être dû d’avantage être développé, ces nouvelles nuances dans le chara design font figure de petite rébellion dans un pays où le mangaka semble culturellement intouchable. En témoignent ces hommages appuyés à l’auteur du Le Roi Léo que sont ces deux puzzles que construit Pinoko, respectivement des dessins de Astro boy et de Princesse Saphir, des gros clins d’oeil n’aidant pas le film à s’affranchir de l’influence du maître. Ce dernier point n’est certainement pas l’intention du réalisateur, c’est néanmoins forcément décalé et rédhibitoire compte tenu de la place qu’occupe BJ dans le temps, une époque maintenant révolue au ton fantaisiste candide, paradoxalement de bon aloi à l’heure où tout tend à la réalité et au sacro saint cynisme. On peut actualiser le personnage de BJ et prolonger certaines idées de Tezuka, mais la citation perpétuelle n’est pas pour autant la bienvenue. Chose que nous pouvons relativiser ici en attendant de découvrir la série Black Jack et le film Black Jack: The two doctors of darkness du fiston TEZUKA Makoto, un lien familial qui aidera certainement plus la prolifération des mites qu'à la relecture du mythe.
De réalisme, il en est ici largement question dans la première partie. D’abord via ce thème de sportifs customisés par des drogues, soit dit en passant source galvaudée de rebondissement pseudo-scandaleux depuis que s’est installé un certain laisser-aller amorphe à ce sujet. Dû aux déboires du tour de France et à la durée de vie de cyclistes n’excédant pas les trente cinq ans. Les réactions sont maintenant plutôt du genre : « Après tout, ça a toujours été comme ça alors bon… » « Et puis ils font bien ce qu’ils veulent hein… » « Remets moi la même chose tiens… », une lassitude qui empêche de s'offusquer devant cette approche qui dénonce à la Oliver Stone, une anticipation tardive qu’il peut être plaisant de comparer à l’approche douce-amère finalement plus dans l’air du temps du plus récent Les triplettes de Belleville et son cycliste over-shooté aussi puissant qu'un cheval sachant pédaler (pas évident avec des sabots), mais disposant d'autant de neurones dans le ciboulot que de roues sur son vélo. Plus vicieux serait ce rapprochement avec les JO de Berlin de 1936 et la notion de surhomme prônée par les nazis, un amalgame qui s’impose à la vue des expériences, typiques, dans les laboratoires des "vilains". Enfin, cette fatalité liée aux maladies graves a de fortes chances de trouver un écho certain chez les nombreux spectateurs touchés de près ou de loin par ces réalités vachardes, de celles qui poussent à tenter tout et n’importe quoi pour résoudre les problèmes et entretenir l’espoir lorsque l’issue semble inéluctable. Dans ce cas, Black Jack n’est pas du tout facile d’accès et peut rebuter ceux-là qui préfèreront s’évader via un autre DA plutôt que de trouver ici des résonances à leur dure réalité.
Terminons par une petite réflexion sur ce mélange fiction/réalité où l’on voit des drogues pour surhommes rencontrer un super héros de BD, une opposition injuste qu’il aurait été intéressant de voir développer, BJ s’interrogeant sur ses propres dons par rapport à tous ces gens normaux contraints de se shooter pour être différents des autres. Et au spectateur de se faire une ligne d’irréel pour changer du reste en regardant ce film tout en se targuant d’y repérer des liens avec son quotidien. Créatinine contre créativité, l’imagination permet de s’élever et d’atteindre ce que l’on n’a pas. A la vue des effets secondaires mortels qu'encaissent ces super-sportifs, on peut se sentir en droit de préférer les quelques désagréments occasionnés par l’abus de rêve-parties, choix d'ailleurs prôné par les excès fantastiques du dernier tiers du métrage, mais aussi par la vie elle-même de Tezuka, en grande partie consacrée aux rêves. Les siens, les nôtres.
(*) Issu de notre petit dossier consacré à Black Jack: A l'origine, Pinoko (ピノコ) était une "tumeur" vivant à l'intérieur de sa soeur jumelle de 18 ans. L'âge réel de Pinoko reste ambigu. Black jack opéra la séparation, puis construisit un corps pour Pinoko, un exo-quelette en plastique. Elle fut ensuite rejetée par sa soeur puis adoptée par Black jack. Depuis, elle se voit comme une femme, amoureuse du docteur. Lui, de son côté, la traite comme sa propre fille. Le nom "Pinoko" fait référence à Pinocchio.
Avant même que les affaires de dopage n'aient successivement frappé le monde du cyclisme, du football et du sport en général, le célèbre docteur Black Jack avait déjà été confronté à ce fléau...
Les OAV du célèbre docteur sans diplôme nous avait habitué au meilleur mais aussi au très moyen (voire moins...). Inutile de prendre trop de détours : c'est le meilleur que nous réserve ce film !
Le meilleur, avec un scénario passionant. Bien sûr on pourrait lui reprocher certaines invraisemblances (la "troupe" des médecins qui prennent les armes pour la bonne cause, la maladie qui se développe bien plus rapidement chez notre héros que pour le commun des mortels, ou encore la guérison miraculeuse de ce dernier alors que ces organes ont du logiquement être irrémédiblement endomagés...), mais le scénario n'en traite pas moins d'un sujet captivant, abordé avec maestria, le tout ménageant avec brio le suspens jusqu'à la dernière seconde et sachant créer avec abileté une atmosphère particulière... On est très loin des téléfilms de France 2, à ma connaissance les seuls à avoir abordé le thème auparavant. Les personnages sont complexes et passionant, que ce soit les docteurs (avec des motivations et background fouillés, des personnalités fortes et des comportements qui sonnent juste), industriels ou sportifs (obnubillés par l'exploit, la volonté de vivre les sensations d'être des sur-hommes, quitte à en mourrir). Une histoire riche et subtile marquée par la classe de Black Jack, sa virtuosité au scalpel et les opérations, si forte visuellement et émotionnelement, que l'on retrouve toujours dans l'univers du grand docteur. Une histoire fouillée qui vous tiendra alletant pendant 1h30... Bien plus que pointer du doigt certaines personnes ou pratiques en clamant "tricheur" ou "proffiteur", une histoire profondément humaine...
Le meilleur de la réalisation ensuite, avec un Dezaki au sommet de son talent. Bien sûr, comme toujours chez Dezaki, on aura droit aux arrêts sur images et aux crayonnés, mais cette fois les moyens offerts au maître pour exprimer son talent sont plus conséquents... Et les effets visuels et choix judicieux des plans s'enchaînent ! En fait seuls les images de synthèses sont mal intégrées et ne sont pas au diapson d'une réalisation de qualité. On pourrait d'ailleurs ajouter que seul l'image d'un plan d'eau est totalement ratée, les autres utilisation de l'ordinateur étant plus ou moins justifiées car passant dans le cadre d'une fête forraine. Bref, inutile de bouder notre plaisir : si l'animation et les dessins sont bon, sans non plus toucher à l'exceptionnel, la réalisation est merveilleuse et contribue grandement à installer une atmosphère brullante tout au long du film...
Un film édifiant, passionant, plein de suspens, entre intrigue policière et fable médical. A voir, et à diffuser impérativement auprès de tous les athlètes participant aux JO ou au tour de France (certaines scènes devraient les refroidir ;-).