Le film débute, le son d'un aspirateur en marche se fait entendre, le cadre visuel est un temple. La caméra descend et alors on se rend compte avec stupeur et honte que ce bruit est produit par le souffle de 3 karatékas effectuant un kata. Cette introduction sera à l'image du film, celle d'une dualité constante entre le sérieux 1er degrés d'experts en art martiaux et la présence d'un 2nd degrés souvent involontaire. À la qualité physique et technique d'un des acteurs principaux répond son faciès de sous-Jackie Chan (YAGI Akihito). À une réalisation sobre et distante des combats répond des tics visuels (notamment lors du final) ratés. À un acteur dans le ton et campant parfaitement son rôle (NAKA Tatsuya) répond des acteurs cabotins et/ou fades.
Certains points font penser que Black Belt aurait pu être un grand, tout du moins un bon film, d'autres qu'il aurait pû être un imbuvable nanar. En l'état il se laisse suivre sans déplaisir avec des acteurs martiaux de qualité, ce qui est déjà ça de pris.
Paradoxe à lui tout seul, Black Belt du peu prolifique mais régulier cinéaste Nagasaki Shunichi est un film sur les arts martiaux. La discipline évoquée ici est le karaté, à l'heure où le cinéma d'action asiatique privilégie le kungfu, le karaté apporte une petite touche de fraîcheur, moteur d'une histoire de destins décroisés de trois élèves de l'école de Shibara. L'un devient paysan, l'autre sert la mauvaise cause (l'armée, ou comment régler la violence par la violence) et le troisième est à cheval entre les deux. Si sur le papier Black Belt a de quoi séduire avec son contexte du Japon des années 30, sa parabole sur la force, l'importance donnée ici aux écoles de karaté, le sens des valeurs inculquées par le sensei, le résultat final s'avère être d'une banalité affligeante : la mise en scène figée du cinéaste, l'absence de direction d'acteurs, le jonglage maladroit d'humour et de sérieux, le cliché des mauvais (yakuza et officiers à grande gueule) et tout un tas de poncifs vus depuis des années annihilent tout effort pour créer une dimension dramatique. Si le film est particulièrement linéaire et donc prévisible, le style du cinéaste ne l'est pas forcément.
La représentation des combats étonne parce qu'elle n'est pas hachée par un montage clippesque, mais elle n'en est pas pour autant fascinante, combien de cinéastes nippons ou chinois ont déjà filmé des combats de manière bien plus passionnante sans non plus utiliser un montage haché? De plus, Black Belt ne semble pas convaincre dans sa narration, classique, et la symbolique de la kuro-obi (la ceinture noire de l'école de Shibara destinée au meilleur karatéka) n'est pas cohérente : cette ceinture est destinée à un homme bon, qui n'utilise pas la violence pour son propre parti, pourtant Giryu, le karatéka le plus juste, rendra hommage en toute fin de métrage à Taikan, le plus mauvais, en posant la ceinture sur son buste. Maladroite, cette symbolique plombe tout ce qui a été construit jusque là et le cinéaste tombe même dans l'inutilement clinquant lors du combat de fin, tout en plan séquence, qui vire aux couleurs criardes après un passage en noir et blanc. Absence de surprises, absence de virtuosité formelle annihilant une bonne partie de l'impact des combats, chorégraphiés de manière sèche et autoritaire à l'image de cet art martial : le geste rapide, sec, sans fioriture. Inégal sans être mauvais, cette chronique sur le pouvoir et la force demeure trop vite oubliable.