visiteur | note |
Sauzer | 4.25 |
le singe | 4 |
Manolo | 4 |
Cuneyt Arkin | 4 |
k-chan | 3.5 |
Fred30 | 3 |
Phildu62 | 3 |
L'histoire
Suite à l'enlèvement de sa soeur et au massacre du reste de sa famille perpétrés par trois bandits, un jeune paysan s'en va parcourir le pays à la recherche des coupables. Quelques années plus tard, formé aux arts martiaux par un vieux maître et aidé d'une jeune femme rencontrée en chemin, il retrouvera la trace des brigands et infiltrera leur clan pour assouvir sa vengeance.
Le film
A la croisée du wuxia-pian et du western italien, "The Bells of Death" est un film d'une étonnante maîtrise limite avant-gardiste pour son époque à HK. Partant d'un scénario basique que la courte durée du métrage oblige à quelques raccourcis dans sa première partie (la phase d'apprentissage est zappée), il bénéficie en revanche d'une réalisation qui force l'admiration. Celle-ci, due au versatile Griffin Yue Feng, est ainsi d'avantage orientée vers la suggestion par l'emploi d'un langage purement cinématographique que vers la simple représentation démonstrative. Une relative modernité (pour le genre wuxia-pian HK) qui lui permet de distiller une ambiance sombre et persistante à l'image de la ténacité de son héros et de sa quête, rythmée par le son omniprésent des clochettes du titre comme l'était trois ans plus tôt le "Pour quelques dollards de plus" de Sergio Leone par la mélodie de sa boite à musique ou comme le sera encore l'année suivante par le son de l'harmonica le "Il était une fois dans l'ouest" du même maitre italien (et je passe le son de guitare saturée chère à Ennio Morricone dans la bande musicale également très inspirée de Wang Fu Ling). Mais en digne wuxia-pian, à l'instar de certaines productions nippones, "Bells of Death" se distinguera malgré tout de ses contemporains italiens par une part culturelle beaucoup plus marquée dans son mode d'adaptation du genre western. A commencer par la présence des indispensables et nombreux combats typiquement wuxia, d'une durée bien supérieure à celle d'un simple duel aux pistolets et de ce fait potentiellement cause de rupture de ton. Et c'est finalement sur ce plan que le film se montrera le plus original et le plus abouti dans son travail d'ambiance, jouant sur une instauration préalable puis sur un mode de prise de vue adapté à chaque scène, tout en conservant une cohérence d'ensemble par le suivi ininterrompue de sa trame dramatique. Tantôt filmé de l'intérieur même de l'affrontement (scène de l'auberge), tantôt d'un extérieur éloigné (scène finale) ou selon une vision ex-centrée pour s'adonner à un jeu purement suggestif (scène du combat dans le temple avec les bougies qui volent), c'est ainsi l'enjeu de chaque combat qui devient moteur d'ambiance et non plus seulement l'affrontement qui fait office de centre momentané de l'action. Pour autant, la qualité technique des combats proposés n'a pas été mise de coté et laisse déjà voir de belles chorégraphies rageuses amplifiées par le dynamisme d'une réalisation soutenue par Pao Hsieh-Li en tant que chef opérateur ainsi que par la performance impliquée des acteurs. Il tient d'ailleurs de signaler que le film doit beaucoup à la présence particulière son interprète principal : le taciturne et martial Chang Yi qui confirme ici ses talents d'acteur de nouvelle génération, ou plutôt "d'entre deux générations" (entre l'emphase théatrale de l'ancienne et le coté frime de star de celle qui s'annonce déjà). Car au delà de ses capacités d'habile breteur offrant à la production la possibilité d'insuffler une dynamique des plus efficaces aux scènes d'action du film, la sobriété un peu maladroite de son jeu "à la Charles Bronson" confère un ton humain particulièrement naturel à son personnage au comportement parfois ambigu. Entre le mélodramatique "The Thundering Sword" et l'historico-romanesque "King Cat" sortis l'année précédente, son interprétation dépasse ici encore la simple représentation héroïque d'un récit d'aventure pour lui offrir une incarnation humainement touchante à laquelle il devient du coup plus facile de s'identifier. Il est malheureusement à regreter que cette conception de l'interprétation n'ai rapidement plus eut sa place dans un système accordant de plus en plus d'importance à ses stars (acteurs ou réalisateurs) par rapport aux héros de ses aventures, causant probablement pour partie le départ d'une portion restée modeste de l'écurie Shaw Brothers vers la future Golden Harvest de Raymond Chow (extrapolation personnelle mais néanmoins plausible, la GH me semblant avoir bien souvent fait oeuvrer ses stars même les plus emblématiques - à commencer par Bruce Lee - selon leur sensibilité au service de leur personnage plus que de leur seule image propre). Quoi qu'il en soit, on peut toujours louer cette époque de transition pour le renouvellement opéré sur le genre wuxia-pian, son coté expérimentation et son ouverture sur le reste du monde en se revisionnant quelques jolies pièces qu'elle nous a laissée telles que ce "Bells of Death", le "Come drink with me" de maître King Hu ou quelques autres comme le remarquable "The Fastest Sword" de Poon Lui, autre wuxia-pian d'inspiration western sorti cette même excellente année du singe de 1968.
Bonus
Petite cerise sur ce joli gateau : dans la bande de bad guys du village, entre la 17ème et la 18ème minute, vous aurez l'occasion d'appercevoir notre bon ami Samo Hung pour un passage bref mais déjà très caractéristique de ses prestations à venir, celui-ci faisant à l'époque de la figuration et du réglage de combats à la Shaw Brothers avant d'aller s'épanouir à la Golden Harvest.
Verdict
Véritable petit bijou sombre à l'ambiance de western italien particulièrement travaillée et prenante, "The Bells of Death" mérite une place de choix parmi les productions les plus accomplies sorties dans cette époque de transition pour le genre wuxia-pian. A découvrir sans aucune réserve.