C’est l’année Batman, on n’y échappera pas que ce soit ici ou ailleurs. Salles de cinéma pleines à craquer, campagne promo à tous les coins de rue, posters de Heath Ledger « Why so serious ? » dans toutes les vitrines des boutiques geeks. Le retour de l’homme chauve-souris n’aura jamais été aussi populaire dans le monde. Même nos amis japonais ont donné leur propre vision du justicier de la nuit avec ce Gotham Knight(s) pas inintéressant et plutôt très joli même. Six segments d’une dizaine de minutes montrant le héros sous toutes ses coutures même les plus improbables, entre la bestiole ou le super robot sorti de l’esprit très imaginatif d’une bande de jeunes zonards qu’on aurait pu voir chez Gus Van Sant au personnage pathétique vivant dans les égouts, on y trouve à boire et à manger même lorsque la légende a passé un temps en Inde pour améliorer son Tai Chi. Déconcertant, rappelant un peu l’apprentissage du Ha-Do-Ken de Ryu dans l’excellente série Street Fighter 2V (ah ce générique d’intro !), voilà une appropriation du sujet originale mais inégale du fait d’un format trop court pour s’attacher aux différentes apparences du héros. L’ambiance réussit parfois à emporter la donne comme dans le second opus où l’on trouve une ville à l’état de siège façon New-York 1997. Le premier opus parvient à décrocher la mâchoire grâce à une identité visuelle à la fois osée et décalée (sublime look du Batman Shadow), tandis que d’autres sont soit très jolis et creux au possible ou tout à fait l’inverse. Field Test oscille entre les deux, l’épisode est bien exécuté sur le plan scénaristique (belle utilisation de l’ogive protégeant Batman) mais montre un Bruce Wayne inexpressif et aussi doux qu’un Christian Bale pour la version Live. Son opposé In Darkness Dwells montre un héros qui en chie pas mal tandis que le suivant revient sur son initiation, mais cette dernière n’en fera pas pour autant le grand héros espéré, finissant littéralement au fond du trou. Gotham Knight se terminera sur une vision archi classique du super héros luttant contre un badass sniper professionnel, mais le tour de force visuel répond présent. Ca joue des gros bras mais la pilule passe plutôt bien, une alternance correcte entre le segment psychologique, limite dépressif et celui dans le plus pur style arty. Au final Gotham Knight reste davantage une curiosité qu’un vrai projet attachant, que ceux qui se sont endormis devant Animatrix reviennent tenter l’expérience, peut-être trouveront-ils plus de punch ici.
Satoshi Kon, Masaaki Yuasa et Yoshiaki Kawajiri sont dans un Bat-bateau. Oh dis donc ouais ! Un bat-eau, un bat-o ou un bateau-mobile, c’est comme vous le souhaitez. Bref, ils sont dans un bateau. Satoshi Kon, Masaaki Yuasa et Yoshiaki Kawajiri tombent (sautent ?) à l’eau, qui qui reste ? La galère part en voile libre, le vent se lève et adieu les beaux espoirs, pfioouuuuu. On a beau ne pas forcément être un adepte du concept de l’omnibus et de tous ces courts métrages usuellement beaucoup trop courts, ici il y a péril en la demeure et le gâchis demeure.
Commençons avec Have I got a story for you (13’) des Studios 4°C, réalisé par Shôjirô Nishimi, très présent sur Amer béton. A la vue de la chose, des gamins qui causent de Batman jusqu’à ce que devinez quoi, on se trouve en effet projeté en plein dans le film de Michael Arias avec un Cape Crusader se tapant l’incruste au milieu de cet univers coloré. C’est graphiquement très soigné, assez stylisé pour qu’on le montre du doigt en disant, une fois les autres vus, que c’est ce segment là qui visuellement prend le plus de risques. C’est dire le niveau. Le concept Studio 4°C meets Batman est bel et bien là mais il manque comme un truc. Qui a dit "comme dans Amer béton ?"
En haut à gauche : Have I got a story for you ; à sa droite : In Darkness Dwells ; en bas à gauche : Working Through Pain et en bas à droite : Deadshot. Crossfire (12’)nous vient du studios d’animationProduction IG. Réalisé par Futoshi Higashide, ce morceau relève de l’anecdotique avec un Batman qui sauve les gentils des vilains, point barre. Field test(12’) d’Hiroshi Morioka continue sur la lancée et In Darkness Dwells (10’) de chez Madhouse, réalisé par Yasuhiro Aoki et scénarisé par David Goyer, relève un peu le niveau avec un affrontement dynamique entre l’homme chauve-souris, un crocodile mutant et un Scarecrow au character design assez original.
Il se passe quelque chose avec Working Through Pain (14’) des Studios 4°C, réalisé par Toshiyuki Kuboka et scénarisé par Brian Azzarello, à qui l’on doit le très bon comics 100 bullets. Batman se paye une grosse déprime, seul, dans les égouts, émaillée d’un flash-back d’une échappée indienne qu’il eut quelques années auparavant. Une narration fluidifiée par une musique adéquate, de bons dessins de Naoyuki Onda (Gantz, Parasite Dolls) et une animation correcte servent cette description pertinente d’un héros pathétique.
Deadshot (12’) de chez Madhouse, l’ultime segment, devait être réalisé par Yoshiaki Kawajiri. Embrouille il y a eu, n’est plus crédité qu’un coréen à la réalisation : Tong-Sik Nam. Gardons le réalisateur de Ninja Scroll dans nos crédits, il y a participé, ça se voit à quelques scènes et aux traits de son character design habituel : Yutaka Minowa. Si cet épisode est efficace dans l’action avec son affrontement entre Batman et un assassin professionnel, cette conclusion reste convenue dans sa réalisation kawajiresque et manque clairement d’imagination dans les enchaînements, allant jusqu’à pomper la scène du shoot de sniper de Golgo 13, soit dit en passant superbement recyclée dans le Wanted de Timur Bekmambetov.
Les deux segments des Studios 4°C mènent la danse mais ça n'est pas un exploit. Avec un cahier des charges évident (pas trop d’humour svp !) et une restriction imaginative qui l’est tout autant, on a là une tribu de yes-man qui se sont globalement exécutés, traités à ce point comme des sous-fifres nord-coréens ou indiens habituels qu'ils furent complètement mis de côté pendant les phases promo du produit. Adressés exclusivement aux adolescents boutonneux fanas de Batman, ces animés remplissent leur office correctement grâce à certaines qualités graphiques indéniables, mais la superficialité de l'ensemble l'est à ce point qu'elle rehausse notre intérêt envers d'autres jonctions animées entre deux films lives, les Animatrix, plus riches, ou même Les Chroniques de Riddick : Dark Fury de l'ami Peter Chung, plus généreux en action bien faite. A voir les contrats passés récemment entre Madhouse et les ricains – une série Stitch ! pour Disney et du super héros en masse pour Marvel -, peut-être ne devrions nous pas baver d’impatience quant à la prochaine fournée, purement alimentaire pour nos studios d'animation favoris. Le super-héros est aussi, peut-être, trop américain pour être correctement illustré chez nos amis japonais... Preuve en est : en matière de Batmanimé, voir et revoir le formidable Batman contre le fantôme masqué d'Eric Radomski et Bruce Timm, jusqu'ici inégalé. Et la série.
Difficile de noter "gotham knight" comme un ensemble cohérent tant les récits diffèrent graphique et scénaristiquement. Globalement, il s'agit d'un divertissement honorable plus que d'un ajout indispensable à l'univers dépeint par Nolan dans ses films.
"Have I got a Story for you": Intéressant car à la manière de la BD "decalogue" que Bendis avait écrite dans le cadre de son run sur Daredevil, cet épisode permet de montrer la perception qu'a la population (ici des adolescents) du héros. A travers les affabulations des uns et des autres, on ressent pleinement le côté légende urbaine qui entoure le personnage, un aspect très présent dans le comics. Le graphisme, excellent du point de vue des décors, peut déranger au niveau des personnages.
"Crossfire": Ecrit par Greg Rucka, auteur des excellents "Gotham Central", il s'agit clairement d'une sorte de nouvel épisode de cette série, puisqu'on y reprend les personnages de Crispus Allen et de Renee Montoya (renommée ici Ramirez pour coller à "The Dark Knight," même si les deux personnages n'ont en fait en commun que leur ethnie et leur sexe) assistant aux conséquences du final de "Batman Begins" et argumentant sur la présence, bénéfique pou l'un, néfaste pour l'autre, de Batman à Gotham. On y voit également l'importance de sa relation avec Gordon. Les dessins, nettement plus fins, sont très réussis et Rucka connaît ses personnages. On reste cependant dans la perception de la population.
"Fields test": l'épisode le plus faible. Très laide, Bruce Wayne semble avoir 16 ans, ce qui ne correspond pas du tout à la voix très grave de Kevin Conroy (qui doublait le personnage dans le dessin animé de Bruce Timm), Batman ressemble à une serpillère et l'histoire est très pénible à suivre. Seul intérêt, installer les relations entre Maroni et les russes (ce qui avait déjà été fait dans l'épisode précédent). Vraiment un mauvais épisode.
"In darkness dwells": David Goyer, co-responsable de l'histoire de "Batman Begins" nous concocte une histoire réintroduisant de façon farfelue l'épouvantail. Bizarrement, alors que Nolan a fait le choix du réalisme, Goyer introduit Killer Croc un personnage fantasque, dans une scène sans intérêt. En revanche cet épisode paraît une bonne suite à "Crossfire", insistant un peu plus sur les liens batman/gordon et les autres flics. Il y a également un peu plus d'action que dans les autres et des dessins très sombres qui correspondent bien à l'atmosphère.
"working through pain": 2ème mauvais épisode. Encore une histoire d'apprentissage sans intérêt, pendant laquelle on s'apesantit sur le destin d'un personnage secondaire qui n'a aucun intérêt. Des graphismes moyens, mais une scène d'action sympathique pour sauver l'ensemble. On regrettera la batmobile reprise des films de Burton.
"deadshot": Ici c'est Alan Burnett, scénariste de certains des meilleurs épisodes du dessin animé (dont celui dans lequel Harvey Dent devient Double face) qui scénarise. Classique chasse à l'homme d'un serial killer qui n'est pas sans rappeler le Bullseye nemesis de Daredevil, en moins féroce. Sympathique mais sans nouveauté. Reste qu'il s'agit, et de très loin de l'épisode le plus beau. Tout est réussi de ce côté.
"Gotham Knight" a pour principale qualité d'avoir permis aux fans impatients d'attendre un peu moins douloureusement l'attente du film et reste un ajout intéressant mais dispensable. Contrairement à ce qui était annoncé, l'ensemble n'est pas réellement intégrable à l'univers de Nolan. On regrettera qu'aucun dessinateur n'ait fait l'effort d'intégrer le costume du film. La plupart ont repris le classique costume gris et noir avec le gros logo noir sur la poitrine, qu'on voit le plus souvent dans le comics, à part l'équipe du troisième épisode qui a pondu une serpillère rappelant vaguement le costume du Hibou dans "Watchmen". Inégal, mais sympathique pour passer une petite soirée.