Xavier Chanoine | 2.5 | Rejet |
drélium | 3.25 | |
Ordell Robbie | 3.5 | Audaces stylistiques au kilomètre mais narration se dispersant parfois trop. |
Bande annonce
Que l’on adhère ou non à cette véritable révolution des codes esthétiques et moraux, Funeral Parade of Roses est un film important dans l’Histoire du cinéma. La caractéristique de pareille œuvre est de rejeter la normalité pour asseoir définitivement son identité subversive. Matsumoto Toshio, spécialiste de la vidéo, mène ce ballet funèbre avec une insolente maîtrise créative, exposant à travers une chronique sociale l’explosion du noyau familial : en résulte alors une véritable recherche d’identité de la part d’Eddie, un jeune travesti vivant sous une enveloppe qui n’est pas la sienne, sombrant avec ses amis également en quête d’identité : l’un se prénomme Guevara et ressemble à s’y méprendre au Che, l’autre est le sosie du John Lennon hippy, tous se retrouvent avec d’autres pour des réunions fumette et cinéma à une époque où le rejet des conventions était devenu presque une habitude (mouvement contestataire étudiant, Woodstock…). Pas étonnant que l’on retrouve donc ces fameuses traces d’une époque où la sous-culture empiétait sur les valeurs considérées comme plus nobles, entre les posters des Beatles et les trips sensoriels sous fumette (d’ailleurs, qu’aurait donné l’extraordinaire Tomorrow Never Knows des Beatles sans le LSD ?), on cite Jonas Mekas comme si Matsumoto Toshio voulait rendre hommage à un auteur qui aura fait bouger le cinéma au début des années 60, on essaie d’évoquer le futur, drôle de question pour une jeunesse qui ne dirait pas non face à des slogans du type "live fast & die young", la recherche du plaisir immédiat sans penser aux conséquences.
Cette absence de crainte face à la violence et le rejet de ce qui peut paraître moral avec en exemple ces scènes de sexe orgiaques, ces trips grâce à la découverte de la Marijuana, ne sont-ils pas les conséquences directes, justement, d’un véritable malaise ? Ici, Matsumoto Toshio se sert de l’explosion du noyau familial pour exploiter un nombre incalculable d’idées et d’audaces aussi bien narratives que purement formelles, donnant à ce Funeral Parade of Roses un goût d’étrangeté absolue, aussi fascinant que repoussant. Décousu, le film entretient un rapport à l’image et à l’art en constant renouvellement : images subliminales, flashs, morceaux de pellicule, peintures, bande dessinée (insultes exprimées sous forme de bulles), la variété de la mise en scène étonne par son refus de suivre un schéma cohérent (filmage frontal, distancié, caméra portée, gros plans ahurissants, accélérés…), tout comme sa narration qui ne ressemble à rien de connu. Synchrone avec son époque (géniale période créative de cinéastes japonais tels que Oshima Nagisa, Yoshida Kiju ou encore Terayama Shuji pour ne citer qu’eux), Funeral Parade of Roses semble avoir quelques similarités avec Orange Mécanique (la caméra filmant de face la marche des trois travestis côte-à-côte en pleine rue, les faux cils d’Eddie, la musique de type festive, cette même jeunesse instable) à défaut que l’intrigue semble se dérouler dans un Japon réaliste, loin du Londres d’anticipation du film de Kubrick. La volonté de questionner le spectateur sur son aptitude à réagir face à ce qu’il a en face des yeux est aussi évidente, lorsque notamment Matsumoto Toshio se lance dans l’outrance gore rappelant la violence physique et morale affichée dans les productions contestataires de Wakamatsu Koji, qui utilisait le prétexte de la violence pour remettre en question la société nippone : le final suicidaire, avec un Eddie à présent livré à lui-même face au monde extérieur, en est un écho. Funeral Parade of Roses apparait donc comme un sérieux pamphlet en plus d’être une expérience visuelle éreintante. Reste que sa narration particulière risque de décourager les plus endurcis par son côté "éparpillé".