Une énorme furie formelle
C'est un des meilleurs films de Lynch que Lynch n'a pas réalisé. C'est aussi un film typiquement japonais dans le fond (influence des sectes, solitude urbaine, angoisse du vide...), à rapprocher de Kairo, Distance ou Suicide Club. C'est difficile à décrire, alors disons simplement que c'est énorme. L'actrice est somptueuse, c'est elle qu'aurait du prendre Oshii pour Avalon, car elle autant de sexualité torride que de froideur, elle a par ailleurs une carrière fournie, mais aucun film connu par chez nous. Grâce à elle, Sogo Ishii nous emmène où il veut. Et ça va très, très loin. La mise en scène est intuitive, sensorielle, puissamment inspirée, osant des figures de styles inouïes, avec cet exploit supplémentaire de les relier sans heurts. La bande sonore est une immense symphonie ponctuée de longs silences. Aucun cadre n'est anodin, sans qu'ils soient trop pompeux non plus. Le film ne s'alourdit jamais, il avance avec une furie formelle, l'histoire devient d'une fascinante complexité et se conclut sur deux simples plans nimbés de mystère, un raccord de regard à 180°, dans le silence. On pardonne de petites faiblesses (ridicules, ces ralentis sur le combat final) quand il y a autant de panache, d'envie de cinéma démiurgique qui irait puiser ses références aux quatres coins du monde, dans le cinéma muet aussi bien que chez Lynch, aux confins de l'expérimental jusqu'au top du blockbuster.
Une résurrection en forme de nouveau départ
Avec Angel Dust, Ishii Sogo revenait à la fiction après un silence d'une décennie et se retrouvait à la pointe du renouveau du cinéma d'auteur japonais, s'offrant une résurrection en forme de nouveau départ qui donna la suite que l'on sait. Tout d'abord, le scénario de ce film qui rerévéla Ishii Sogo hors du Japon est loin de briller par l'originalité de ses procédés. Car la faculté de l'héroine à essayer de rentrer dans la peau du criminel sur lequel elle enquête évoque un sommet du thriller des années 80, l'aussi beau qu'oublié Manhunter de Michael Mann. Néanmoins, la grande force du film est qu'Ishii Sogo réussit à imprimer sa marque de metteur en scène et en son à ce récit. Au chapitre des éléments réussis du film, se trouve une photographie superbe et très particulière faite de verts kakis légers et de bleus-gris qui donnent une image robotique et asesptisée au Tokyo du film. Ishii Sogo démontre ainsi qu'il a su retenir les aspects les plus intéréssants d'un certain cinéma d'auteur "mode" européen et américain des années 80: faire stylisé sans sombrer dans une photographie pubeuse ou de série télévisée. Ici, l'utilisation du noir et blanc se fait au travers de scènes d'écran de controle qui ont un grain d'image de moins bonne qualité que l'image argentique donc l'effet principalement ressenti est la tension entre ces deux types d'image, plus que l'écart noir et blanc/couleur dans un film aux chromas éteints, preuve supplémentaire qu'Ishii ne cherche pas à poser à tout prix en auteuriste années 80. Une mise en scène faite de cadrages rigoureux et contemplatifs contribue à cette vision d'un Tokyo anesthésié faisant écho aux morts aussi subites que discrètes des victimes dans un métro tokyoïte bondé -image annoncitrice des futurs attentats au gaz sarin-. A l'exception de quelques accélérations inopportunes, les effets sont rares mais très calculés: le visage des personnages se reflétant sur les photos de l'enquête, les travellings avant qui accélèrent le rythme de l'enquête, la projection rythmée de diapositives relatives à l'enquête.
Le travail du son est dans la soigneuse lignée de celui de la phtographie et de la réalisation: les bruits sourds du métro de Tokyo, ceux plus mécaniques du projecteur de diapositives, quelques bruits plus bizarres et robotiques créant un contraste sont pour beaucoup dans la puissance sensorielle hypnotique du film. De ce point de vue, le film peut être rapproché d'un Cure en ce sens qu'il s'agit dans les deux cas de substituer à une vision purement narrative du thriller dans son approche anglo-saxonne un thriller conçu comme une expérience sensorielle permanente: chez Kurosawa Kiyoshi, il s'agit de créer une sorte de somnambulisme; chez Ishii, on est plutôt dans une inertie glacée. Un peu comme l'héroine essaie de pénétrer à l'intérieur de l'esprit du tueur les mouvements de caméras et le travail sonore nous font pénétrer à l'intérieur du cerveau des personnages. La tension entre des effets sonores sourds et les sons mécaniques d'un rock industriel (Ishii n'a pas collaboré pour rien avec les Einsturzende Neubauten) qui alternent dans le film réussit à traduire de façon purement cinématographique leurs tourments psychologiques. Entre thriller intérieur progressant par le sensoriel et efficacité narrative à l'anglo-saxonne, Ishii a nettement choisi son camp ce qui évite un compromis bancal.
Au final, Angel Dust, outre d'avoir acquis un caractère visionnaire suite aux attentats du métro de Tokyo, se posait là en point de (nouveau) départ des recherches d'un auteur qui malaxera plus tard avec encore plus de vigueur le chambara et la science-fiction. En ce milieu des années 90, la force de tension retenue de son cinéma ne laissait pourtant pas présager l'énergie rock que son cinéma allait regagner.
Poussiéreux
Angel Dust est un thriller psychanalytique à base de meurtres inexpliqués, de lavage de cerveau et de sectes religieuses (assassinats dans le métro un an avant Aum: le début est assez visionnaire...) réalisé par l'auteur du sympathique et déjanté Electric Dragon 80000 V.
Les incohérences d'un scénario ne lésinant pas sur les retournements grossiers, les invraisemblances patentes et les répliques grandiloquentes (et souvent particulièrement prétentieuses) alliées à un jeu d'acteur bien médiocres (celui du docteur se limite à un rictus lippu) empêchent ce film de fonctionner, malgré quelques passages formellement virtuoses (jeu sur les couleurs, photographie particulièrement soignée).
Par ailleurs, si vous voyez ce film en VO et que d'aventure vous compreniez la langue, la médiocrité affligeante des dialogues et des acteurs (aux intonations invariablements fausses)se révèlera rédhibitoire.
Pour toutes ces raisons, il est malheureusement impossible de croire une seule seconde à ces personnages et à cette intrigue, et le bel objet plastique se révèle donc aussi poétique et évocateur qu'un cendrier promotionnel Ricard. Bien dommage, sujet et réalisation méritaient mieux que l'avalanche de baillements et de soupirs exaspérés que cette poussière de film arrache au spectateur...
A éviter si possible...
Motherfucker = Redeemer
L’apocalypse est en marche, mais le rédempteur est un salaud.
Tout est foutu ? Oui, alors autant aller au bout du désastre, pour voir où ça nous mène.
Si c’était à refaire, je ne le referais peut-être pas, mais je ne regrette pas de l’avoir fait en tout cas.
Un grand film de peur, sans issues.
Chiant à mourir.
Une détective redoutable mais perturbée par un passé douloureux, une série de crimes horribles, un suspect gourou qui se révèle être son ancien amant... que de bons ingrédients pour un polar années 80 digne de ce nom!
Attention, vous allez voir ce film en version japonaise: oubliez toute notion d'efficacité, d'enjeux humains premiers, d'amour non-platonique, ou de normalité; le film de Sogo Ishii a une lumière proche de celle qu'a l'habitude de créer Dante Spinotti dans les films de Mann, une lumière très 80's, et des acteurs excellents car confirmés, mais ATTENTION, c'est TOUT.
Ce film est d'une lenteur quasi-mortelle si l'on a oublié son paquet de chips rempli à ras-bord ou un bon paquet de papier pour faire machinalement une série de figurines traduisant son amertume irritée; ça pouvait être étrange, ça en devient complètement foireux; ça pouvait être flippant, ça nous fait flipper dans le mauvais sens; ça se veut styllisé à mort, ça en devient beaucoup trop loin de l'efficacité. Et si la réa ne nous épargne pas des fulgurences bienvenue et admirables, sa soi-disant "expérience psychologique" n'a de réelles limites que celles de son ennui bien propre...
A éviter de toute urgence sauf si l'on veut faire un mémoire sur la conception artistique visuelle de Sogo Ishii et sa place dans le cinéma japonais depuis le début des années 80... 80 c'est bien l'idée récurrente dans ce trip raté, et je n'ai rien contre, au contraire; si j'ai à choisir, je me tournerais plus vers un American Gigolo ou film d'Alan Parker pour en garder un bon souvenir...