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Always - Sunset on The Third Street

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Xavier Chanoine 3.25 Emotions sincères ou pas, une belle réussite
Ordell Robbie 3 Quand le BAY nippon nous pond un (bon) héritier stylisé des Tora-san.
MLF 3.75
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Emotions sincères ou pas, une belle réussite

Avec Always on The 3rd Street, le cinéaste Yamazaki Takashi opère un véritable changement de style, un contraste d’autant plus grand créant la rupture avec son précédent et très haïssable métrage The Returner qui annonçait en son temps l’apparition d’un énième cinéaste aux ambitions démesurées et irréalisables faute de budget satisfaisant et d’idées créatives laissées aux oubliettes. Pourtant si Always crée une véritable cassure avec The Returner, subsiste encore ça et là des fautes de goût évidentes tout comme un étalage de poncifs à faire pâlir Walt Disney. Une dizaine d’années après la fin de la seconde Guerre Mondiale, le Japon est en pleine (re)construction et le film prend lieu et place à Tokyo à l’aube de la fin des travaux de sa célèbre tour. Dans un petit quartier qui rappelle le lieu des aventures de Tora-san par sa joyeuseté et son côté atypique, les habitants vivent leur vie malgré les tracas : un réparateur automobile n’arrive pas à décoller et promet à sa nouvelle recrue (Mutsuko) en guise de grande entreprise qu’un simple local fauché, un écrivain qui tient une petite boutique se fait humilier par les gosses qui trainent autour et devient du jour au lendemain responsable d’un petit orphelin ou encore un médecin veuf depuis la guerre continue de travailler et boit pour retrouver un peu de bonheur. Contrairement à bon nombre de films où les histoires des habitants d’un quartier finissent par s’entrecroiser, le cinéaste privilégie ici les rapports de chacun d’entre eux bien de leur côté comme pour éviter une accumulation d’idées bancales prétexte à un scénario qui laisserait une place de choix au larmoyant et de se concentrer alors le plus possible sur chaque personnage même si cette approche, au final, aurait pu être davantage développée encore. Cet Always est en effet une vraie piste étoilée où chacun fait son numéro devant des visages souriants : l’entrain et les émotions dégoulinantes des protagonistes peuvent en revanche paraître artificielles, la faute à cette idée conçue de faire du quartier de Tokyo un endroit pas comme les autres où il se passe toujours quelque chose.

Ryunosuke, l’écrivain paumé qui ne sait plus où donner de la tête avec l’orphelin à sa charge, les mésaventures de Mutsuko chez la famille Suzuki occasionnant quelques séquences cocasses au possible (Suzuki-san pétant un câble après avoir été traité de menteur), le médecin du quartier qui rêve grâce à l’alcool et qui fait office de bourreau aux yeux du gosse des Suzuki, l’orphelin qui décide subitement de partir à la recherche de sa mère et la relation plus que tumultueuse entre Mutsuko et sa famille à la campagne rythment le film avec une énergie qu’on ne peut que saluer, sachant que tout se passe dans un périmètre particulièrement étroit. Le plus intéressant dans cette entreprise de reconstitution minutieuse et élégante du Tokyo d’autrefois c’est justement cette sensation d’être toujours dans un lieu différent, de parcourir les saisons et de redécouvrir sans cesse chaque nouvelle place qui nous est pourtant familière : le travail de direction artistique frôle la perfection tout comme la photographie privilégiant les teintes douces et parfois chaudes en parfaite adéquation avec cette idée de « coucher de soleil » baignant dans une nostalgie qui se ressent dès l’ouverture du film et son écran Tohoscope à l’ancienne. Tarantino avait fait de même avec Kill Bill et ses clins d’œil aux programmes télés d’époque et au célèbre jingle Shawscope. Always, film nostalgique? Pas tant que ça, mais le cinéaste n’hésite pas à montrer un Tokyo à l’aube d’une nouvelle ère économique, où la télévision nourrissait déjà bien des émotions encore sous le choc des bombardements : la peur de laisser l’être cher paumé dans la rue (la réaction des Suzuki apprenant la disparition de leur fils), la peur de la maladie, la peur que la banane ne soit plus supergluée sur la bouille des enfants de la nouvelle génération, car si Always n’est pas réellement un film sur l’enfance, il se rapproche parfois des thématiques chères à Shimizu Hiroshi, où l’enfant reste quoi qu’il arrive au centre des débats. Tout ici est une histoire de gosses ou de jeunes adultes pas encore à l’aise dans la vie active : le Père Noël n’est pas l’être merveilleux quasi imaginaire que pense le protégé de Ryunosuke, la monnaie laissée par la maman de Ippei, le petit des Suzuki, n’a pas non plus de grande valeur tout comme l’aiguille du docteur qui n’est pas l’instrument de mort redouté, on reste dans l’imagination ou alors le cauchemar de n’importe quel enfant.

La jeunesse dépeinte ici comme insouciante ou alors battante comme jamais évoque cette idée de reconstruction. Si Mutsuko manque de skills dans le domaine de l’automobile, on le lui reprochera dans la minute qui suit avant de l’encourager histoire de bâtir un véritable empire par la suite (ce n’est d’ailleurs sûrement pas pour rien que la famille s’appelle Suzuki). Always est un film où l’on se dit « allé, ce n’est pas grave » tout du long, où l’optimisme est de rigueur, comme un « gambatte » crié au loin entre deux êtres qui s’aiment : l’un des derniers plans du film où Mutsuko rentre chez elle rappelle combien le bonheur peut-être simple. Un bonheur hélas parfois trop appuyé par le réalisateur à coups d’envolées lyriques et de séquences lacrymales hallucinantes en fin de métrage rappelant combien les japonais sont forts dans ce domaine. Ce qui peut bien sûr fonctionner chez l’un paraîtra totalement dérisoire et surfait chez l’autre, la sensibilité et le recul de chacun sur le sujet jouera énormément, que l’on ait 22 ou 44 ans comme dirait l’autre. Avec Always Sunset on The 3rd Street, Yamazaki Takashi prouve qu’il peut avoir une vraie vision sur son sujet, tout en se l’appropriant pour créer un monde fantaisiste avec des éléments pourtant réels, et si le scénario rabâche des séquences vues et revues ailleurs (le père riche mais au mauvais fond revenant chercher son gosse, l’amour impossible…), on passe un sacré bon moment devant cette bobine enlevée grâce à ses interprètes formidables, son énergie communicative et cette sensation d’être dans un autre monde, une autre époque et de la vivre pleinement chaque seconde malgré ses petits défauts.  « Allé, ce n’est pas grave »…



03 janvier 2009
par Xavier Chanoine


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