Freddy 12
Tsukamoto fait partie de ces réalisateurs fidèles à leurs débuts. Alors que certains, au bout de 20 ans de carrière, se seraient assagis ou auraient évolué, lui persiste et signe dans sa thématique, son style unique de mise en scène choc et sa grosse bande-son tout droit sortie de l’usine sidérurgique du coin. Et si l’histoire n’est pas si éloignée de La Mort en ligne ou de la série des Freddy au début – faisant craindre le pire, c’est pour mieux se détacher de ce carcan vers la moitié du film afin de s’exprimer pleinement et de façon très personnelle. Car pour Tsukamoto, la mégalopole de béton oppresse et aliène l’être humain, le fait redevenir une bête primaire, suicidaire, hantée par la dépression et la mort. En s’infiltrant dans l’inconscient de ses congénères, le singulier détective-medium révèle cette vérité cachée qui sommeille en eux et qui les fait flirter avec l’au-delà.
Dans un rôle encore une fois extrême, quelque part entre le plus vicieux des Serial-killer et la Grande Faucheuse, Tsukamoto est à nouveau remarquable de perversion et de sincérité, à tel point qu’il éclipse complètement les acteurs qui l’entourent. Matsuda tout d’abord, qui campe le détective, est pris au piège d’un rôle à la fois fascinant (un détective blafard et halluciné naviguant entre réalité et rêve avec un gros mal de tête) et volontairement mis entre parenthèse pour ne pas faire « Super Héros à l’américaine ». Hitomi ensuite, inexpressive du début à la fin, qui fait regretter une folle du genre de Kuriyama Chiaki qui aurait donné encore plus de force à l’œuvre.
Sans retrouver le niveau des films qui ont fait sa réputation (Tetsuo, Tokyo Fist), Nightmare Detective fait cependant plaisir à voir : un film d’action tout entier plongé dans un univers d’auteur passionnant, ça n’arrive pas tous les jours.
Dissection des êtres
Passé les premières minutes et les quelques clins d’œil aux classiques de l’horreur japonaise,
Nightmare Detective s’affirme rapidement comme une œuvre originale particulièrement critique. L’auteur y dissèque des personnages oppressés par le béton et l’acier de la ville, perdus dans cette jungle urbaine qui écrase les êtres. Tsukamoto nous donne donc à observer ces créatures égarées et ici livrées à leurs pulsions morbides et autodestructrices. Le thème du suicide, maintes fois traité dans le cinéma japonais, n’est pas ici prétexte à des réflexions sans intérêt mais constitue plutôt une porte d’entrée vers un univers torturé qui se fait image d’une réalité perçue et partagée par l’auteur. Servi par une mise en scène efficace et un casting relativement convainquant,
Nightmare Detective vaut que l’on y jette un œil, ne serait-ce que pour découvrir le cinéma de Tsukamoto.
Un Tsukamoto gentiment barré, plombé par un casting médiocre.
Tsukamoto explore avec son Nightmare Detective l'univers du cinéma d'épouvante classique, à l'approche très moderne. Si l'image s'est adoucie, oubliant la caméra noir et blanc et l'aspect granuleux d'antan, le cinéaste de Tokyo Fist ne s'est pas pour autant assagi avec le temps. Le cinéaste retrouve d'ailleurs le punch qu'on lui connaissait, en moins expérimental, mais toujours aussi brutal dans son approche du polar Tokyoïte moderne. Nightmare Detective est moderne, tout simplement, et reflète par moment hélas trop bien l'état de santé du cinéma japonais actuel, à savoir trop bancal. A aucun moment le dernier Tsukamoto convainc totalement, il y a toujours ces petits éléments pénibles qui plombent la franchise estampillée Tsukamoto : l'interprétation au premier abord, décevante et atrocement paresseuse prouve que Hitomi n'est pas une actrice mais bel et bien une chanteuse pop tombée un peu par hasard dans cette enquête déstabilisante, manipulée par un trio d'acteurs sans grande saveur non plus, entre un Mastuda Ryuhei poseur (infiniment plus troublant chez Oshima avec Tabou), un Osugi Ren complètement à côté de la plaque (une vraie marque de fabrique!) et un Ando Masanobu plus bleu que jamais, il n'y a bien que la performance très correcte de Harada pour sauver l'ensemble du naufrage; comme d'habitude rehaussé par la participation de Tsukamoto himself dans un rôle lui allant comme un gant, celui du détraqué, évidemment.
Nightmare Detective n'échappe donc pas au copycat pur et simple des mises à mort façon Nightmare on Elm Street, le meilleur Craven, pourtant si le cinéaste choisit clairement la facilité pour faire déguster ses protagonistes, sa mise en scène étonne une nouvelle fois par sa complexité et son sens du cadrage pas commun. La première séquence en vue subjective est alors une réussite absolue, montée de manière très saccadée et tenant la dragée haute aux meilleures productions des nineties, le succès d'une superbe alchimie entre le Tsukamoto indépendant (monteur, réalisateur, interprête, scénariste...) et son compositeur attitré Ishikawa Chu qui nous livre un travail sur la bande-son absolument stupéfiant, peut-être son plus complexe. On trouvera toujours à redire sur l'enquête souvent poussive, l'inutilité des clins d'oeil de bonne guerre aux Ringu-Like en début de métrage et cette étrange sensation d'être en face un MPD Psycho (photo, dynamique, polar/fantastique), mais la férocité Tsukamotesque l'emporte sur tout. Le colis arrive à destination avec quelques cornes, mais on ne s'est clairement pas moqué de nous sur la marchandise.
Suicide Designer
Tsukamoto commercial – mais jamais aussi bon!
Tout son univers y est: en démarrant sur son fameux "Kaijyu Theater" au générique du début, en passant par le rapport ambigu de l'être à l'architecture urbaine enfermant, la fascination à la mort, la femme comme avenir de l'homme jusqu'à l'ultime plan du rapport entre la chair et le métal.
Mis en parallèle avec le récent "Paprika", c'est pourtant plutôt du côté de Freddy Krueger qu'il faudra chercher – sans l'humour potache, et en infiniment plus cérébral. Impossible que ce film plaise au grand public, Tsukamoto se jouant de toutes les perceptions et explications logiques. En même temps, ses fans les plus enhardis risquent de lui reprocher de surfer sur l'actuelle vague des J-horror, et notamment de al franchise des "One Missed Call". C'est estampiller trop rapidement une œuvre bien plus profonde et torturée, et Tsukamoto lui-même fait un énorme baroud d'honneur en deux plans clins d'œil en début du film par le biais d'une longue perruque noire et une main rampante de sous un lit. La suite n'aura plus grand-chose à voir avec le genre.
Traitant d'un vrai fléau actuel du Japon actuel, le suicide, Tsukamoto signe une vraie œuvre oppressante, poisseuse et pessimiste. Tous ses personnages sont socialement inadaptés, traumatisés d'enfance et souhaitant mettre fin à leurs jours.
Accrocheur par ses morts violentes en début du métrage, Tsukamoto entraîne inéluctablement le spectateur vers un délire plus complexe, proche de l'esprit lynchien, dans une spirale descendante cauchemardesque. Il évite la facilité narrative du "cauchemar dans le cauchemar" et se focalise bientôt sur le duel attendu entre le mystérieux "O" et le "Nightamre Detective"; ce dernier se dévoile d'ailleurs être le personnage le plus fascinant, entre vie et mort et détestant cordialement son particulier "don" de pouvoir lire dans l'esprit des autres.
Seul défaut: une fin un brin trop sucrée et annonçant des éventuelles séquelles à venir (le souhait des producteurs en cas de succès du premier).
Une mention spéciale à l'ensemble du casting. Tsukamoto se fait plaisir en s'attribuant le rôle du mystérieux "O" tourmenté, qu'il campe avec brio. Choisie sur demande expresse du réalisateur, la chanteuse hitomi s'en sort avec les honneurs pour ses débuts sur le grand écran, même si son jeu paraît limité par moments. Les vétérans Ren Ohsugi et Yoshio Harada ne font que passer; mais c'est véritablement Kyoichi Kagenuma qui prouve l'étendue de son talent. Le visage pâle et les traits tirés, il campe un "Nightmare Detective" suicidaire franchement convaincant et se forge petit à petit une réputation digne d'un Asano Tadanobu après ses mémorables rôles dans "Taboo", "Blue Spring", "Nine Souls" ou le récent "Big Bang Juvenile, A".
Sans aucun doute le film commercial le plus réussi de Tsukamoto. Tellement bon, que les frères Weinstein se sont d'ores et déjà assurés les droits internationaux (en langue anglaise) et que nombre de maison de production (dont celle de Brad Pitt) se disputent les droits d'un éventuel remake – ce qui n'est pas forcément la meilleure nouvelle…
Wow !
Il est assez troublant de contempler une "mise à nue" aussi frontale et puissante d'un cinéaste (enfin, ce n'est que mon interprétation).
Ne voulant pas aller plus loin pour ne pas spoiler, je dirais simplement que "Nightmare Détective" porte pleinement le(s) sceau(x) de son cinéaste : pulsions auto-destructrices, univers urbain déshumanisant, lien charnel avec le métal plutôt douloureux.
Malgré un casting pas assez à la hauteur, (surtout Hitomi et l'excellent Ryuhei Matsuda excepté) ainsi que des effets parfois un peu trop tapent à l'œil mais pas vraiment rédhibitoires, Shinya Tsukamoto parvient à installer une sacrée ambiance en dépit du manque de moyens.
08 octobre 2020
par
A-b-a
Déception !!!
Je m'attendais à quelque chose d'exceptionnelle, et finallement c'est un horreur tout à fait banal.
Comme d'habitude il faut que la plupart des agents de police soient complètement c#! (ils pensent connaître le mode opératoire du meutrier, envoient un de leur agent comme appât mais ne prennent aucunes précautions pour empêcher le meutrier de trucider celui-ci).
L'histoire quant à elle démarre très bien avec le meutre très sympa d'une call-girl, mais après c'est le calme plat durant l'enquête (il faut attendre quasi la fin pour avoir une autre scène sympa à se mettre sous la dent), et l'explication des motivations et du procédé du meurtrier qu'on attendait avec impatience se révèle être complètement baclée et inintéressante.
Côté acteur c'est pas la joie non plus, l'acteur principale est complètement inexpressif et fade (comme son teint) et n'attire aucune sympathie au personnage du Nightmare Detective, le meutrier n'est pas crédible du tout déjà que son personnage est très mal écrit en plus l'acteur le jouant (Tsukamoto him-self) n'aide pas à le rendre plus convainquant. Reste Hitomi qui s'en sort pas si mal (en grande partie parcce qu'elle est mignonne) mais rien de transcendant non plus.
Pour terminer le final, avec sa morale rose bonbon, est complètement en décalage avec le reste du film : le suicide c'est pô bien, la vie vaut la peine d'être vécue et il y a une part de bonté en tout être humain !
Malgré un scénario intéressant, je suis assez déçu, j’espérais un délire visuel plus poussé vu le sujet. Là je trouve ça un peu paresseux et un gros manque de rythme. Parfois même un peu longuet.