Le réalisateur de Distance revient avec ce conte fantastique qui aurait pu être une bonne surprise si le réalisateur ne s'était pas contenté du minimum syndical. Air Doll se résume à montrer la "prise de conscience" d'une poupée gonflable sans vraiment faire décoller l'histoire. C'est certes joliment filmé mais dans le style japonais le plus classique, aucune prise de risque dans la forme, Kore Eda ne se permet aucune folie. Pourtant la première demi-heure laissait espérer un peu de déviance : Un salary man prend son repas avec sa poupée gonflable avant de la culbuter en lui chuchotant des mots doux … S'ensuit malheureusement les errances d'une poupée découvrant la "poésie de la vie" saupoudrée d'une philosophie de comptoir. Ennuyeux et finalement peu inspiré, on pardonnera cette erreur de parcours d’un auteur qui a sans doute plus de chose à nous raconter …
Avec un réalisateur qui a déjà fait ses preuves on entre confiant dans la salle mais, ce film ne restera certainement dans les annales... Quelques traits d'humour brillants et une mise en scène toujours délicate qui évite habillement les rires gras que pourrait suciter cette histoire de poupée gonflable, constituent les points forts du film. En revanche, on s'ennuie véritablement dès la deuxième huere du film et, le dernier quart d'heure mérite purement et simplement d'être supprimé. Pour dénoncer le penchant de la société nippone à enfermer toujours les individus dans la solitude, le réalisateur choisit un angle d'attaque et des personnages qu'il peine à mener jusqu'au bout de son long-métrage. Il s'effondre avant la fin dans la guimauve pourtant bien absente du reste de sa narration. Un vraie déception.
Il y a quelque chose d’infiniment bouleversant dans Air Doll. Ce qui amène à dire qu’il n’est pas toujours évident pour un réalisateur et son dernier né d’atteindre cette espèce d’émotion qui découle, finalement, d’éléments très simples du quotidien. Une simplicité de style, une simplicité dans la mise en scène qui amènerait le spectateur à hauteur du plafond, élevé sur son petit nuage flottant gâce aux superbes tableaux et à la non moins superbe musique signée World's End Girlfriend. Un peu comme cette poupée gonflable qui, du jour au lendemain, se découvre un cœur tout chaud, brûlant même, tout en prenant soin d’aller ressentir la vie du monde extérieur en arborant son plus beau costume de maid, jusqu’à s’envoler délicatement dans les airs, portée soudainement par la vie. Koreeda Hirokazu insuffle alors à son Air Doll de l’oxygène, transformant une simple poupée gonflable discount en magnifique personnage aérien, petite princesse maladroite et naïve portée par une Bae Du-Na dont l’implication émotionnelle dépasse l’entendement : on croit au départ au leurre face à la « plastique » déroutante de l’actrice (a-ton en face de nous une poupée en plastique ou l’actrice ?), sidérante lorsqu’elle passe d’une attitude vidée de toute substance à une scène d’amour qui redéfinit l’acte en lui-même -les protagonistes font à présent l’amour en se faisant du bouche-à-bouche, acte qu’on n’avait sûrement jamais vu au cinéma et qui surprend par son absence de ridicule.
Air Doll aurait effectivement très bien pu tomber dans le piège du comique involontaire, les premiers pas de l’actrice faisant craindre le pire. Il n’en est pourtant rien, et passé ce cap, une évidence vient à l’esprit : Koreeda sait parfaitement filmer et diriger sa poupée. Définitivement. Il y a suffisamment de douceur et de volupté dans cette charmante chronique en sans-cesse mouvement pour facilement tomber sous le charme. A de très rares exceptions, la caméra ne s’arrête jamais de glisser délicatement, de près comme de loin, pour capter cette essence de vie, cette légèreté, ce côté « flottant » retranscrit à merveille par la photographie du grand Lee Ping-Bin dont on s’affole déjà à l’idée de découvrir son travail sur le prochain Tran Ahn Hung, La Ballade de l'impossible, adapté du roman éponyme de Murakami Haruki. Superbe sans jamais ennuyer, l’aspect contemplatif plutôt poussé (pas une surprise chez un cinéaste comme Koreeda) a néanmoins un sérieux inconvénient sur le papier, celui d’excuser un simple assemblement de scénettes qu’une Bae Doo-Na s’amuse à combler par une gestuelle tour à tour tendre et amusante. Le manque de complexité des personnages secondaires et la philosophie simpliste –finalement, même l’être humain paraît bien vide- empêchent Air Doll d’être inoubliable ou marquant malgré ses clins d'oeil cinématographiques amusants (Nozomi qui sifflote le thème de Battles Without Honor and Humanity, TERAJIMA Susumu qui cherche des films de gangsters...), ses idées délicieuses et sa trame qui emprunte grandement au mélodrame lorsque Koreeda aborde les sentiments avec la noirceur nécessaire, noirceur qui culmine lors d'un final rappelant étrangement celui de L'Empire des sens. Il reste en revanche un bel objet curieux, apaisant et parfois fulgurant dans ses scènes d’amour, où l’orgasme passe par une ouverture dont on comble le vide d’air. Ou comment insuffler de la vie à une poupée en plastique.