C'est donc ça la mort ?
Ancien documentariste, le jeune japonais KOREEDA Hirokazu (38 ans) signe pour son troisième long-métrage de fiction
une œuvre fort originale, et même assez troublante. J'avais déjà vu son film précédent, le très contemplatif
et très soporifique Maborosi, mais j'avoue que je ne m'attendais pas à ce style de mise en scène de sa part
dans After Life. Ce sont apparemment ses instincts primaires de documentariste qui ont refait surface :
il filme en 16 mm ou en 8mm, image sale et caméra à l'épaule, et propose une suite d'interviews de ses 22
morts-vivants en sursis au lieu d'un récit bien structuré, ce qui fait tendre l'œuvre vers le reportage,
et ce qui le rend d'autant plus touchant.
Outre l'aspect formel, c'est bien l'aspect thématique qui retiendra et captivera les gens devant leur écran.
Cette histoire de purgatoire où un petit nombre de personnes récemment décédées est rassemblé pour tenter
de se remémorer la vie passée afin de choisir un souvenir (un seul et unique) qu'ils seront autorisés à emporter
dans l'au-delà invite en effet chacun à se poser la même question sur son passé et à remettre en cause le sens
propre de sa vie (ne doit-on la considérer que comme une machine à créer des souvenirs en sachant qu'un seul
finira par la représenter, ce qui est quand même vachement frustrant ?).
On appréciera également le regard amer et moqueur de Kore-Eda sur ce purgatoire (on ne peut trouver que
pathétique voire ridicule toute cette mascarade avec reconstitution de souvenirs dans des studios minables
installés dans un établissement désaffecté et décrépi, ou encore le défilé derrière un orchestre lors de la
cérémonie d'adieu…) ainsi que le parallèle qui est fait avec l'industrie du 7ème Art, qui reconstitue la vie tant
bien que mal alors que cela ne remplacera jamais la réalité.
Pour le reste, je suis plutôt d'accord avec Sonatine même si je ne suis pas aussi enthousiaste. After Life est
un excellent film, très abordable par un large public, mais il est un peu trop long à mon goût et pas assez émouvant.
Second essai bien plus convaincant
Avec After Life, Koreeda a le mérite d'essayer d'échapper aux classifications abusives (cinéaste contemplatif héritier de toute une tradition du cinéma japonais...) qui ont suivi son explosion mondiale au niveau cinéphile. Les caméras portées y soulignent les légères montées de tension du film : elles y contrastent de façon bienvenue avec un film certes plutôt contemplatif dans sa réalisation, mais un peu mieux réglé rythmiquement que le précédent. La caméra s'est rapprochée des acteurs et le cinéaste a abandonné ses choix de photographie binaires (sur ou sous-exposition) ce qui fait qu'on se sent un peu plus concerné émotionnellement par le récit. Pour ce qui est du scénario, il présente le même risque que celui de Maborosi, à savoir que la répétition des entretiens et le dispositif risquent de faire basculer le film dans un côté mécanique.
Cet aspect présent ici est heureusement contrecarré par d'excellentes performances d'acteurs, notamment un Terajima Susumu en grande forme, des ruptures rythimiques crées par des passages brusques d'un plan à un autre qui dynamisent les entretiens ainsi que quelques petits coups de théâtre. Les entretiens permettent un commentaire sur toute l'histoire du Japon (américanisation, souffrances de la seconde guerre mondiale) comme sur l'intimité des personnages (mariages arrangés, usure du couple, insouciance des jeunes années). Mais leur accumulation nuit au rythme global de l'oeuvre et occasionne également quelques longueurs. Quant à la seconde partie du film, elle file d'une façon trop évidente la métaphore du cinématographe impuissant à restituer la réalité (les reconstitutions de souvenirs dans un studio miteux).
S'il est bien mieux découpé que Maborosi (et fait plutôt partie du haut du panier du cinéma d'auteur mondial), After Life n'est néanmoins pas sufisamment réglé de ce point de vue (trop de scènes étirées inutilement) pour emporter totalement le morceau malgré ses défauts. Car s'il est plutôt touchant, il reste quand même en retrait par rapport au potentiel émotionnel de son sujet et son réglage rythmique y est pour beaucoup. After Life voit malgré tout Koreeda creuser sa thématique sur la difficulté d'être en paix avec les morts et témoigne de la grande ambition de la jeune garde du cinéma d'auteur japonais.
Une Expérience Unique
En 1995, Kore Eda signait un film fascinant Maborosi qui révéla, aux yeux de le critique internationale, un nouvel auteur du cinéma contemporain japonais . Quelques années plus tard (en 1999), il revient en force avec un film surprenant qui ne peut laisser personne indifférent. Ce film se nomme After Life, et raconte sur la durée d’une semaine, la vie quotidienne dans une résidence qui accueille les morts ou il préparent leur « dernier voyage ». Orientés par des guides, les personnes décédés devront alors choisir dans leur passé, un seul souvenir, le plus marquant de leurs vie. Le film s’attardera donc sur ces guides spéciaux (au nombre de cinq) et sur leurs rencontre avec les quelques morts dont ils ont la charge.
Découpé en sept jours, le récit d’ After Life est délibérément linéaire pour mieux capter l’atmosphère et pour mieux cerner ses personnages. Chaque jour est lui même divisé en plusieurs actes qui correspondent aux divers entretiens situés dans cette énigmatique demeure. Le lieu est un espace clôt, qui pourtant ne donne jamais l’impression d’être enfermé et par conséquent oppressant. C’est même tout le contraire qui se produit, cet « havre de paix » permet tous les rêves possible et constitue d’ailleurs la thématique centrale de l’histoire. Chaque mort doit en effet choisir un rêve, le plus marquant de son existence, qui sera ensuite, au terme du séjour, recrée le plus fidèlement possible par ces « anges ».
La première partie du film va donc se focaliser sur le choix de chaque décédé, sur ce rêve qu’il veulent emmener avec eux pour l’éternité. Et les entretiens qui vont suivre sont tous d’une originalité sans précédent. Tout d’abord Mochizuki (interprété par le jeune acteur Arata, qui fait ici ses débuts) et un vieil homme qui ne parvient pas à choisir un seul de ses souvenir, la touchante histoire de cet homme fait directement référence au grand père du réalisateur, qui à l’époque souffrait de la maladie d’Alzaimer. Selon Kore Eda, c’est son propre souvenir de son grand père qui est à l’origine de ce film, soulignant d’avantage l’importance que peut susciter ce film. Autre entretien marquant de ce film, celui de Susumu Terajima (acteur que l’on connaît pour ses rôles dans les films de "Beat") et d’un jeune garçon qui refuse, par principe, de choisir un de ses souvenirs.
Kore Eda explore différent thème dans ce film. Premièrement, il dresse un portrait extraordinaire des Japonais qui ont vécus la seconde guerre mondial et donc les souvenirs amères qu’elle a provoquée. C’est aussi un film sur la maturité, en effet chaque guide ont aussi été amenés à choisir un souvenir, mais sans succès. L’histoire voudra que certains guides puissent refaire ce choix. Et surtout After Life est un formidable hymne à la vie et à l’amitié, la relation de Mochizuki et de Shiori (une jeune fille de 18 ans) est très révélateur, et on se souviendra longtemps de ce magnifique plan ou Mochizuki voit pour la derrière fois tout ses collègues de travail.
Techniquement parlant, la mis en scène de Kore Eda est exemplaire de sobriété et n'a recours à aucun artifice quel qu’il soit, du début à la fin, tout se déroule dans une fluidité et dans une harmonie qui renforce l’ambiance apaisante du récit, et la rend palpable à chaque instant du film. Pour un troisième film (après Without Memories et Maborosi), le metteur en scène fait preuve d’une étonnante maturité qu’on ne peut que saluer. Quant à la photographie, Kore Eda a fait appel à deux photographes de renom, Sukita Masayoshi (qui a déjà collaboré avec Jim Jarmush pour son film Mystery Train) et Yamazaki Yutaka (connu pour avoir réalisés plus d’une centaine de documentaires). Tout deux, ont mis au point les scènes de souvenirs et la partie du film consacrée à la reconstitution des rêves.
Lorsqu’un film comme After Life réunit autant de qualités, on obtient un chef d’œuvre. Si je devais être amené à choisir (comme ces morts) un de mes souvenirs de cinéphile, l’émotion que m’a fait ressentir After Life ferait sans doute partie de mes choix. Ce film était tout simplement nécessaire.
Le souvenir d'un souvenir
Le principal moteur de cette histoire contemplative est assurément son merveilleux postulat: des personnes, pris dans l'entre-deux mort, doivent choisir un souvenir qu'ils emporteront dans l'au-delà. Leur témoignage sera refait à l'image de leur seule évocation dans des studios défraîchis.
Cette idée de génie est venu à Kore-eda en se souvenant de son grand-père atteint de la maladie d'Alzheimer, qui ne se souvenait plus des instants passés (le fait d'avoir tout juste mangé), puis des épisodes entiers de sa propre vie (le fait de reconnaître ses propres enfants).
Il a alors dans l'idée d'interroger 500 personnes quant à un souvenir, qu'ils aimeraient re-vivre. Il est surpris de découvrir le nombre d'évocations déplaisantes, dont les personnes aiment à se souvenir – mais il est également fasciné de leur vision des faits ALTERES par rapport à ce qui s'est réellement passé.
Un constat, qui avait déjà fait la quintessence du fabuleux "Eternal Sunshine of the spotless mind". Le scénariste Charlie Kaufman s'y était intéressé sur al représentation que nous nous faisions d'un souvenir passé – et notre tendance à "fictionnaliser" un épisode qui s'était en réalité déroulé différemment. De nos histoires d'amour passées, on se rappelle – par exemple – que les meilleurs côtés, en en oubliant les aléas. Un souvenir agréable sera d'autant plus embelli par des faits plus généraux, qui nous rappellent un autre état du bonheur (le fait de l'embellir par une journée de soleil, alors qu'il n'avait pas fait très beau; avoir ressenti un état de bonheur immense, alors que nous étions préoccupés par le stress du quotidien, etc).
Dans son investigation de quelque souvenir personnel, Kore-eda recourt à un style quasi documentaire, recueillant les témoignages en des simples plans fixes et les rendant incroyablement sincères et véridiques.
La reconstitution miséricordieuse, faite à partir de deux bouts de ficelle, est effectivement une merveilleuse métaphore sur la pouvoir peu concluant du cinéma à pouvoir recréer une réalité à grande échelle – notamment en omettant de pouvoir reproduire senteurs, brise, effet de chaleur ou de froid, etc.
Une merveilleuse expérience cinématographique envoûtante.
Sublime. Lent et froid, mais sublime.
C'est vrai, "After Life" se développe lentement mais il possède le synopsis le plus beau qu'il ait été donné de lire. A savoir : dans une maison isolée, une équipe d’anges (qui n’en ont pas l’apparence) accueille les morts, ils ont une semaine pour choisir le plus beau moment de leur vie puis, ensemble, le filmer avec les moyens du bord et ainsi le garder en mémoire pour l’éternité comme seul vestige de leur vie passée. Dire que, par la suite, le scénario ne se développe pas vraiment est juste, mais c'est précisément ici que Kore-Eda trouve son idée la plus judicieuse. Il s'est mis en tête de raconter une histoire fabuleuse et métaphysique de la façon la plus minimaliste qui soit. Il tourne en 16 mm et n'use d'aucun effet visuel. De plus les sujets les plus denses s'expliquent de manière simple et lacunaire. Dieu semble s'apparenter au jardinier, notre vie serait répertoriée par année sous forme de cassettes vidéos, etc. Au-delà de ce parti-pris audacieux, le film recèle d'anecdotes magnifiques lorsque les morts évoquent leur plus beau souvenir (celle du bus est inoubliable). Kore-Eda se rapproche de son compatriote de talent, Kiyoshi Kurosawa, pour ce principe de raconter une histoire lentement et sous une apparence vide pour, au final, avoir exploré une multitude d'idées passionnantes.
04 février 2003
par
hendy
Intéressant
Idée originale mais film un peu lent, manquant légèrement d'émotion. Le film reste intéressant. A voir pour l'expérience.
Eh oui bonne question, alors que se passe-t-il une fois que l'on meurt ?
C'est simple, on vous demande de raconter un souvenir, on le reproduit, on le filme, on vous le montre et vous partirez dans l'autre monde avec comme seul souvenir ce que l'on vous a montré et oublierez tout le reste.
A partir de là, on va voir une galerie de personnages qui chacunes raconteront le souvenir qu'ils voudront garder et quelques unes qui ne voudront ou ne pourront pas choisir de souvenir. Toutes les histoires sont très touchantes et on prend un grand plaisir à suivre chaque personnages avec leurs histoires.
En marge de cela, le film montre aussi l'amour qu'une jeune fille a pour un autre garçon. Ces 2 faisant partie du groupe de 5 personnes qui s'occupe de recueillir les souvenirs des gens qui viennent de mourir. Leur histoire est toute mimi et surtout se finit d'une manière originale et auquelle on ne s'y attend pas.
Au final, ce film est très original et humain et vaut la peine d'être vu.
Cornélien.
Après la mort, quel choix nous-reste t'il? Devenir immortel; ou mourir une seconde fois, mais en beauté: celle de la projection cinématographique. Pour tous les cinéphiles, tragique dilemme.
After Life se situe dans l'entre-deux. C'est un film pour tous les cinéphiles qui se veulent immortels.
Amor.
Un peu trop long et trop lent avec une fin trop ouverte !
En fait, vu le titre je m'attendais à un film d'horreur !!
?
J'ai trouvé cet "After life" assez intéressant du fait de l'originalité de l'histoire et de la manière dont le réalisateur à traiter son sujet . Mise à part la lenteur qui se dégage de ce dernier et quelques longueurs, le film est vraiment bien ; il y a par moment des situations comiques qui permettent de dédramatiser certaines scènes, la mort n'etant pas un sujet facile . Les acteurs sont bons, bien que leur jeu soit froid et sans émotion . De plus les décors sont austères ce qui fait qu'il se dégage de ce film une ambiance particulière .
La vie, la mort vues de l'antichambre
L'idée de départ est vraiment originale. Vous venez de mourir et pour passer définitivement dans l'au-dela il vous faut choisir une scène de votre vie que vous aller "revivre" grace à des anges! Et c'est pas toujours facile de faire le choix.
Le traitement est tout aussi étonnant, les "anges" vous accompagnent dans votre choix: qui etes vous, qu'avez vous fait de votre vie, quels en sont les moments importants.
Puis vient la mise en scène de la séquence choisie (les repérages, la préparation, l'action).
Tout ça fonctionne à merveille, sans effets spéciaux, servi par des très bons acteurs (le tablier devrait etre à la mode depuis ce film)
vivement recommendé