une romance se laissant regarder
Dans un genre -la romance- où le cinéma coréen a tendance à utiliser des gadgets narratifs (communication entre époques différentes, déconstruction narrative) pour tenter de dissimuler des enjeux thématiques et des personnages communs derrière un emballage "moderne", An Affair a le mérite de ne pas avancer masqué, de ne pas chercher à se compliquer la vie gratuitement pour raconter une simple histoire d'amour.
Ce qui fait un le petit intérêt du film est aussi ce qui fait sa limite: le fait que Yi J Yong soit un cinéaste trop conscient de ses effets et que de fait cela aboutit à une mise en scène aux effets souvent trop appuyés. Ce travers est bien moins grave que celui des calculs roublards à trois wons ou que l'exçès inverse du trop de roue libre mais reste qu'il empêche le film d'être plus grand. Le point positif de ce trop plein de maîtrise, c'est qu'il donne entre autres des choses très intéréssantes du point de vue du choix des décors (d'appartement surtout) qui parviennent à incarner l'ennui du vécu des protagonistes du film. La volonté revendiquée du cinéaste de faire un film qui puisse ne pas paraître daté aboutit entre autres à un style de photographie très léger et discret qui a le mérite de trancher avec le côté uniformément léché dont le travail de la plupart des chefs opérateurs coréens a tendance à ne pas se départir même lorsqu'il fait dans le subtil. Et l'on ressent également des intentions de rigueur classique dans le travail sur le cadre et le découpage des scènes (faire ressentir une certaine mélancolie par un montage lent n'est pas une idée cinématographiquement audacieuse, c'est même à la limite du cliché de cinéma asiatique festivalier mais elle fonctionne très bien ici).
Outre le fait qu'à l'intérieur de ce classicisme le cinéaste a du mal à imposer une touche personnelle, une des limites du film est qu'entre le film franchit trop souvent la frontière entre maîtrisé et appuyé: le fait de ne pas avoir vu la quarantaine arriver, d'avoir l'impression d'avoir vieilli trop vite était très bien exprimé par le jeu de Lee Mi Sook sans que cela ait besoin d'être dit dans un dialogue; tenter de débusquer dans le cadre un détail révélateur de l'état d'esprit des personnages est une intention louable mais la mise en scène a tendance à s'apesantir trop longtemps sur ceux-çi; quant à l'idée des fondus au noir pour souligner la solitude d'une femme mariée et le temps qu'elle n'a pas vu passer, sa répétition a tendance à virer au tic de mise en scène arty. L'autre limite, c'est que le film n'a aucun vrai ancrage local d'un point de vue narratif et thématique, que son scénario pourrait être repris tel quel dans n'importe quel pays, bref qu'à vouloir se faire intemporel il souffre d'un mal récurrent du cinéma coréen actuel, l'incapacité hors quelques auteurs à imposer une identité propre, une touche coréenne.
Mais laissons le temps à une industrie cinématographique et des cinéastes jeunes (Yi J Yong dit d'ailleurs en interview qu'il appartient à une génération de cinéastes qui ne se sentent pas marqués par le poids des problèmes sociaux et politiques de leur génération comme l'étaient les grands auteurs des années 80/90) de se trouver... Si l'on excepte ces points de réserve, les qualités du film se situent dans son casting (Lee Jeong Jae qui sans avoir un charisme titanesque ou un jeu extraordinaire s'en tire plutôt bien, évitant au film l'écueil de nombreuses "romances avec différence d'âge", à savoir le risque d'un personnage plus jeune qui paraisse fade et sans personnalité comparé au personnage "mûr", une Lee Mi Sook aux regards d'une grande subtilité qui porte le film à elle seule) qui fait bien ressentir le caractère surprenant et libérateur de la liaison pour les deux personnages principaux, le regard autre qu'elle leur apporte sur leur propre vécu de couple et enfin dans un score qui évite les gros clichés du genre romance (un score triste et sobre loin de l'usage facile de l'accordéon habituel dans le genre en Corée). D'où un film qui finit par être au final touchant malgré ses limites pas négligeables.
An Affair est une première oeuvre qui n'a pas suffisamment de personnalité et a trop de scories rayon mise en scène pour s'imposer comme une référence du genre. Mais se laisse regarder...
Un film fort et simple
Parmi la large production coréenne de drames/romances, An Affair tire fort bien son épingle du jeu et celà pour plusieurs raisons. De un, l'âge des deux protagonistes qui n'est pas fortuit: Lee Mi-Sook qui se retrouve face à la "crise de la quarantaine", un moment où on se demande si ons e demande si on a fait les bons choix dans la vie et en réponse, vient le personnage de Lee Jung-Jae qui lui est aussi à la croisée des chemins, à un moment où il devra choisir de s'engager ou pas avec la supposée "femme de sa vie". De là, on s'aperçoit qu'au-delà d'une attraction physique et émotive, ces deux personnages exploitent leur relation interdite pour répondre aux questionnements sur leurs propres existences. Un deuxième point, est l'utilisation intelligente du décor "Made in Ikéa" inhérent à ce type de films: cette quasi-perfection dans le mobilier et l'agencement des pièces est loin d'être fortuite car il n'est que le reflet de l'environnement confortable dans lequel Lee Mi-Sook s'est enfermée et qui s'avère plus proche d'un état d'emprisonnement que d'un épanouissment personnel. Comme le fait remarquer son mari via une métaphore involontaire au cours d'un dîner avec des amis au sujet de leur aquarium: "regardez ces poissons comme ils sont heureux dans leur environnement cloisonné, il suffit de leur donner à manger quand il faut et ça suffit à leur bonheur".
Evidemment, je ne crois pas qu'il y'ait besoin de faire remarquer que Lee Mi-Sook et Lee Jung-Jae sont en tous points excellents dans leurs rôles respectifs mais j'ajouterais à ça l'extême justesse de la réalisation qui donne au film des allures proches du film d'auteur de par son refus du sensationnalisme et son cadrage posé et réfléchi qui donne à chaque plan cette impression d'éternalité dans la mémoire tant leur évidence et leur simplicité immédiate est désarmante d'efficacité et je ne parle même pas de la bande-son très discrète mais dont la prséence d'un guitare acoustique imprime réellement le rhytme délibérément lent du film, comme le parfait accompagnement à un récit et une réalisation forts de
pudeur(et la fin, ouverte à bien des suggestions est très bien trouvée et conclut
magnifiquement le film). Ce n'est finalment pas étonnant que ce film ait eu les honneurs d'une diffusion sur Arte car il possède bon nombre de qualités qui fait qu'il est indispensable à toute bonne vidéothèque qui se respecte.
Un admirable pré- In the Mood for Love
Si l'on ne peut reprocher l'initiative de Arte, on regrette cependant que sa distribution télé en France compromette sérieusement une éventuelle diffusion en salles. Datant de 1998, « An Affair » mériterait largement une sortie cinéma à la vue de ses qualités esthétiques et narratives. Dès les premières images, le réalisateur débutant LEE Jae-Yong installe un style distingué et subtil. Le personnage central (LEE Mi-Sook, sublime) s’ennuie dans sa vie conjugale alors le metteur en scène trouve l’ingénieuse idée de retranscrire sa mélancolie par un montage lent et des fondus au noir. Lorsque le fiancé de sa sœur arrive à Seoul, une liaison interdite se créée entre eux. Malgré les difficultés morales et plus concrètes (se cacher, etc.), le bonheur apparaît dans le cœur de l’héroïne. LEE Jea-Yong retranscrit visuellement ce changement de situation par un montage cut et des éclairages plus lumineux. Ce contraste rythme le film, les sentiments de la belle sont alors perceptibles instinctivement. Le scénario se développe avec aisance, la romance s’élève par l’amour mais les évènements l’en empêchent constamment. Au fur et à mesure, LEE Jea-Yong étoffe considérablement ses personnages secondaires, en particulier celui du mari (pour mémoire, il était l’homme assassiné lors de la sidérante scène d’ouverture de « Sur la trace du Serpent »). Avant « In the Mood for Love », ce film d’ambition plus mineure nous offrait déjà une splendide histoire d’amour silencieuse et élégante, à laquelle on ne peut rester insensible. Alors que Wong Kar-Wai a achevé son film dans la mélancolie, le cinéaste coréen choisit d’opter pour l’interprétation de la part de son spectateur. Le leitmotiv de la lumière et du montage permet néanmoins de se faire une idée plus précise quant à l’issue de la liaison. On en ressort ému mais heureux.