Scotché
Dans son troisième film, Lee Yoon-Ki nous narre la nuit que passe une fille à se faire passer pour une autre devant une père mourrant, qui voulait voir sa fille avant de trépasser. Plutôt simple, le scénario n'en est pas moins puissant. Ainsi une grande partie du film consiste à montrer une partie de la famille ruer sur les brancards en apprenant que l'autre partie souhaite en gros arnaquer un père mourrant en lui montrant une fille qui ressemble à la sienne, sous prétexte qu'il est tellement drogué de morphine qu'il ne fera pas la différence. On suit donc un discours éthique sur le fait de tromper un mourrant pour ne pas vouloir le décevoir, mais on se rend compte que ce discours vient vite au second plan, et que l'important de l'histoire se concentre sur la fille en fuite, et sur la façon dont la nouvelle prend sa place au sein de cette famille pour la nuit.
On assiste alors à un changement dans l'attitude de la nouvelle ; alors qu'elle est très réservée et distante au début, elle finit par décider de jouer le rôle ; tellement sincèrement qu'elle apporte le doute, tant au spectateur, qu'aux personnages présents dans la maison. Par ce jeu, elle entre mieux en interaction avec certains membres de la famille, et cela nous permet de plus en savoir sur la fille disparue, les raisons de sa fuite, mais aussi sur la vie qu'elle pourrait être en train de mener.
Pour mettre en scène cette histoire, Lee Yoon-Ki utilise judicieusement la caméra à l'épaule à chaque fois qu'il veut être proche de ses acteurs, et en particuliers sur Han Hyo-Ju, mais se sert de plans larges et fixes pour avoir une vue globale sur toute la famille, comme une vue extérieure, et n'entre ainsi jamais dans le cercle familiale. Pour un film tourné en 10 jours avec un budjet ridicule, Lee Yoon-Ki s'en sort plutôt bien et montre une direction soignée enrobant bien son histoire.
Han Hyo-Ju est particulièrement douée, et on sent bien le doute et la crédibilité de son personnage dans le jeu. Pour ses débuts au cinéma, elle est entourée d'excellents acteurs déjà relativement connus comme Kim Yeong-Min et Kim Jung-Ki. Adapté d'une nouvelle japonaise, Ad-Lib Night arrive avec succès à s'adapter au contexte culturel coréen grâce à la réalisation soignée de Lee Yoon-Ki et des acteurs attachants. On reste ainsi collé à son siège jusqu'aux derniers instants, pour connaître le fin mot de l'histoire.
Joli et emmené par une actrice convaincante, mais un peu vain.
Troisième film en date de Li Yun-Ki, Ad lib night nous narre les mésaventures d'une pauvre jeune femme accostée dans la rue par deux personnes qu'elle ne connaît pas et qui lui font part d'une drôle de proposition : se faire passer pour la fille d'un mourrant et aller voir ce dernier en guise de dernier recueillement. Si l'idée de départ est intéressante, le film de Li Yun-Ki fini par tomber assez rapidement dans ce cinéma autoproclamé d'auteur sous prétexte qu'il filme une journée entière de personnes déstabilisées, lieu de discussions dont on se fiche pas mal (doit-on remplacer la "vraie" fille du mourrant, doit-on pas?) et qui n'apportent finalement rien au récit si ce n'est de le rallonger davantage. On ne remettra pas en cause la bonne interprétation de la jeune Han Hyo-Joo convaincante et impliquée, bien aidée par sa beauté touchante, ainsi que la mise en scène globalement maîtrisée.
Faut-il émettre un reproche sur le surjeu dramatique -volontaire ou non- des comédiens lors du recueillement devant le père malade? La dynamique du film non exempt de longueurs? Peut être. Si l'on fait abstraction de cette tendance à discuter et discuter sans pleinement impliquer le spectateur, peut-être que l'on accrochera. Dans le cas contraire on risque, comme dans mon cas, de ne jamais se sentir complètement touché par ce qui est dit ou montré. Cela a beau être bien filmé et écrit, l'ajout quelque peu grossier d'éléments dramatiques typiques du cinéma coréen (tendance à la larmichette facile) agace plus qu'il ne séduit. Une découverte amusante mais guère inoubliable dont j'attendais forcément beaucoup plus.
Vanité intimiste
Spoilers inside
J’ai eu beaucoup de mal à m’enthousiasmer pour ce film sensible et délicat, mais bien trop vain pour convaincre. Au-delà du parcours initiatique d’une jeune femme un peu paumée, coupée de ses parents et se livrant à la prostitution, qui accepte sans trop savoir pourquoi de jouer le rôle de la fille d’un mourant pour des inconnus moyennant finances, je n’ai pas saisi ce que voulait montrer ou démontrer le réalisateur Yi Yoon-Ki. Un portrait de la famille coréenne ? Il est faiblard, à des années lumière du choc des images et des dialogues de Festen ou de la précision millimétrique d’un Ozu. Une ode au rapprochement des générations ? Oui, mais en filigrane seulement. Ou bien seulement un zoom sur une période courte mais symbolique, marquant un tournant, de la vie d’une jeune citadine sans repères ? probablement, mais la portée du message reste très limitée à mon sens et on ressort de la projection plutôt frustré. Reste un talent certain du metteur en scène à mettre en boite une intrigue qui tient la route avec si peu de temps et de moyens.
Sensible
Ai acheté ce film après avoir lu plusieurs critiques élogieuses à son sujet, et j'en suis pas déçu.
C'est exactement le genre de film à quoi je m'attendais et que je recherchais.
Après m'être abreuvé de comédies grasses ou de drama mélodramatiques coréens, ça fait du bien tant de sensibilités et de finesse, que ce soit dans la réalisation que dans le récit et surtout dans l'interprétation de l'actrice principale.
Bien que l'histoire soit très simple (où peut-être "grâce à"), on est tout de suite impliqué et l'ambiguïté de la fille (est-elle finalement vraiment la fille du mourant ou pas..) subsite jusqu'à la toute fin.
Il ne se passe pas grands choses durant tout le film, mais on ne voit pas le temps passer !
A recommander !
Remarquable!
Yi Joon ki toujours aussi remarquable qui, après le succés critique bien mérité de "This charming girl" a su faire preuve de beaucoup de talent et d'intelligence en diversifiant son propos et son champ de vision, le tout sans perdre son identité.
Ad-Lib Night est un film nettement plus coréen, mais plus obscur aussi, que ce soit à l'image (comme l'indique le titre) ou à travers ses sujets : le deuil, l'absence, la famille, la prostitution, et c'est surtout là un regard unique dans le cinéma coréen d'aujourd'hui, toujours aussi dominé par le mythe d'autant plus quand il s'agit de la femme.
PS : Cher Epikt, bien que j'apprécie beaucoup Yi Joon Ki et parfois effectivement une fois sur trois Kim Ki Duk, je rajouterais quand même au grand damne de leurs détracteurs Hur Jin Ho et surtout Hong Sang Soo.
Tout à une/la fin
Retour en forme du réalisateur Lee Yoon-ki après son excursion, en demi-teinte, américaine.
Adapté d'une courte nouvelle de la romancière japonaise Azuko Taira, Lee a tourné le film en vidéo digitale en moins d'une semaine avec les fonds d'une station de télévision. Comme si la nécessité de devoir tourner vite lui avait donné de l'inspiration, il réussit à aller à l'encore de tous les défauts de son précédent long-métrage (acteurs mal dirigés, dialogues nuls et histoire peu engageante) pour faire ressortir le meilleur de sa mise en scène minimaliste.
Si le fait qu'une femme monte dans la voiture de deux parfaits inconnus (ou pas…) un peu louches peut sembler curieux, tout se résout finalement à la toute fin de film.
Très joli portrait intimiste d'une cellule familiale fragilisée, où les sentiments sont à fleur de peau et l'un des plus talentueux réalisateurs coréens indépendants et contemporains avec Shin Dong-il.
This Charming Daughter
N'y allons pas par quatre chemins : en à peine deux films (trois maintenant) Lee Yoon-Ki c'est imposé comme un des seuls, que dis-je ? le seul réalisateur coréen digne de ce nom depuis au moins 5 ans (avec Kim Ki-Duk une fois sur trois), le seul à ne pas se vautrer dans l'esbroufe de la plus basse espèce, à ne pas se plier au diktat du mélange des genres ou du décalage (qui sous couvert d'originalité et de variété est en train d'uniformiser le cinéma coréen à vitesse grand V), le seul a livrer un cinéma sincère et à fleur de peau,... bref, Lee Yoon-Ki est le seul et unique cinéaste coréen de ces dernières années dont les films m'aient touché, et dans lesquels j'ai pu me sentir impliqué.
Et comme le talent est toujours reconnu à sa juste valeur (et que, on le comprend bien, les producteurs ne gagnent pas assez d’argent avec leur blockbusters débiles pour financer des petits films), on ne lui a accordé pour tourner Ad-Lib Nigth qu'un budget ridicule et dix petits jours de tournage, pour ne le diffuser que dans une poignée (et je compte large) de salles et une programmation télé comme un vulgaire feuilleton sentimental sur la chaîne KBS, défiguré par un logo de fin d'année en forme de sapin de Noël clignotant.
Et ça c'est écoeurant.
Quand au film, faisant fi du peu d'estime qu'on lui porte, il est tout simplement magnifique.
Alors certes, le film manque d'argent comme de temps, et cela se ressent. Il y a une grande inégalité dans les scènes, et on sent parfois que Lee Yoon-Ki a du se résoudre à parer au plus pressé et à tourner dans une certaine urgence. Ainsi, les scènes au rez-de-chaussée de la maison (comprendront ceux qui ont vu le film) sont souvent trop platement filmées. Dommage. Car certaines autres – le premier dialogue, la discussion dans la chambre – brillent par leur grande beauté et leur efficacité imparable, en toute sobriété.
Mais un tel film – de par sa sobriété justement – s'accommode fort bien de la pauvreté.
Comme c’était déjà le cas avec This Charming Girl (et dans une moindre mesure dans Love Talk), Ad-Lib Nigth n’a besoin que d’une caméra, d’une excellente actrice et de leur alchimie pour exister. L’actrice principale, parlons-en justement, Han Hyo-Joo, simplement superbe. Dans un registre comparable à Kim Ji-Su dans This Charming Girl elle parle peu, ne s’exhibe pas. Toute en retenue, elle prête sa figure ahurie et ses grands yeux aux non-dits d’un film qui s’emploie à faire exister les absents (Myung-Eun, personnage principal sans apparaître la moindre seconde), à dévoiler l’invisible, à gratter les surfaces et à révéler les âmes.
Ceux qui ont vu ses premiers films le savent, chez Lee Yoon-Ki les sentiments, la douleur, le sens,... et pour finir le "vrai" film, se dessinent en creux ; l’explicite est définitivement banni. Et ce n’est jamais aussi vrai que dans Ad-Lib Night, son plus beau film (pour l’instant), le plus épuré, le plus pur, le plus poignant, le plus douloureux, le plus authentique, le plus triste, et finalement le plus vivant.
03 février 2007
par
Epikt