Courtisane sous cortisone
"Courtesan" est l'ambitieux premier projet de Nia Dinata. S'étant faite ses dents dans le monde de la télévision, la jeune femme tombe littéralement sous le charme d'un roman-fleuve indonésien très célèbre, qui relate l'histoire mouvementée d'une courtisane sur plusieurs décennies au cours du XXe siècle, permettant ainsi à l'auteur de relater quelques étapes importantes de l'Histoire nationale en général, dont l'afflux massif des immigrés chinois, la difficile période d'occupation japonaise durant la Seconde Guerre Mondiale et la tentative de reconquête des hollandais.
Devant la ténacité et le courage de la jeune réalisatrice en devenir, quelques producteurs consentent finalement de lui allouer un budget loin de pouvoir rendre pleine justice à la vision de la réalisatrice. Dinanta fera quand même bonne mine pour mauvais jeu et réussira à tirer meilleur parti des décors, accessoires et lieux, somptueusement reconstruits dans leurs moindres détails – et notamment toutes les zones clés de l'ancienne capitale "Batavia" – aujourd'hui tombés en désuétude dans l'actuelle renommée Jakarta.
En revanche, c'est côté histoire que pêche ce premier long-métrage. Déjà "charcuté" par le seul montage encore disponible aujourd'hui d'un peu plus de deux heures (ramené depuis une première version de 4 heures…), l'intrigue a également le tort de délaisser totalement le personnage de la courtisane durant près de la moitié du film pour davantage s'intéresser à celle de l'un de ses maris…Or Dinata n'est jamais aussi bonne qu'à filmer des histoires de femmes, d'ailleurs aussi ici parmi les plus réussies, alors que toutes celles impliquant des hommes (soit plus de la moitié du film) tombent à plat. Survol trop rapide avec trop de choses se passant sans délivrer de réelle explication, des épisodes sans intérêt, alors que d'autres sont insuffisamment traités, le film laisse un désagréable goût d'inachevé.
Reste la curiosité de voir les premiers pas d'une future grande dame du cinéma indonésien contemporain, la reconstitution somptueuse et l'audace salutaire d'une jeune première à tenter une épopée flamboyante au début du renouveau du cinéma indonésien, lorsque tout semblait encore possible…