ma note
-/5
Merci de vous logguer pour voir votre note, l'ajouter ou la modifier!
moyenne
2.78/5
15
les avis de Cinemasie
2 critiques: 1/5
vos avis
8 critiques: 2.91/5
Audaces et clichés
15 fut le film le plus audacieux formellement et le plus controversé de la quarantaine de long métrages présentés au festival de Deauville 2004, pour la plupart ultra-consensuels. Et avec du recul, difficile de le condamner pour ça, car il a au moins le mérite d’oser, d‘essayer quelque chose de différent, de tenter de s’extirper du lot. A ce titre, le Prix Spécial du Jury vient récompenser judicieusement l’aspect effectivement « spécial » de l’œuvre.
Le jeune metteur en scène singapourien Royston Tan aborde ici la vie quotidienne d’adolescents paumés, cancres parmi les cancres. Tout le film est construit à partir de leur univers propre, fait de drogue, de baston, d’amitié et de clips MTV. Mais la grosse erreur de Tan est d’avoir voulu mélanger une réalité crue à une fiction pure, ce qui rend la vérité difficile à cerner : où est par exemple la part de réalité et de fiction dans la scène où un ado cherche un immeuble pour se suicider ? Est-ce un pur délire inventé d’un commun accord entre le réalisateur et ses acteurs, ou bien une référence à un douloureux mal de vivre ? On ne sait pas, et Tan ne va d’ailleurs pas jusqu’au bout de sa démonstration. Il oppose constamment des plans chocs (piercing, sexe masculin, extraction buccale de cachets de drogue, explication du devenir des acteurs avant le générique final) à des trouvailles visuelles aussi inventives que « toc » : dessin animé présentant plusieurs façons de se suicider, mise en scène très manga de bastons, slogans à la Gaspard Noé très nuls (« une douleur insupportable ! » ; « la première douleur dans la vie : l’amour ! La seconde : la rage ! »), si bien qu’on ne sait sur quel pied il danse, ni à quel degré il manipule son spectateur, ce qui est très gênant.
Les thèmes abordés sur l’adolescence font en outre très clichés : obsession du suicide, séchage des cours, taille de la quéquette,… Rien de bien nouveau donc, si ce n’est un aspect plus intéressant de leur vie, décrite sans aucun repère adulte (les parents sont absents, les profs inexistants), sans aucun repère féminin (la seule fille du film se prend une balle dans la tête sans raison au début), et sans autre idéal ou projet que leur apparence physique, mais aussi une présentation de la ville-état de Singapour assez peu connue en Occident, où l'on apprend par exemple que l'anglais est réservé à une élite le mandarin au reste de la population. Pour le reste, 15 souffre d’un manque de regard adulte sur le comportement de ces jeunes ; l’ensemble du propos et du support visuel est mis à leur niveau, si bien qu’on a l’impression de voir un film interdit au moins de 16 ans s’adressant directement à des moins de 16 ans ! Et ça, c’est quand même très fort…
No Future
15 a peut-être des choses à nous dire mais finalement pas grand chose à nous montrer. Grand moment d'hystérie visuel débordant d'intentions, le film de Tan se complaît trop souvent dans la surenchère peudo-chic et parfois très toc d'effets racoleurs bon marché. Avec ses cadres et ses couleurs saturées, 15 cherche sans cesse une esthétique qui colle à la peau. A celle de personnages oscillant du vrai au faux pour que nous soyons les dupes d'un petit jeu plus voué à la performance qu'au jeu. Bordélique, incroyablement anarchique, 15 voudrait que l'image s'assimile parfaitement aux chaos existentiels de sa bande d'adolescents paumés, mais l'épreuve est rude. Il est en effet impossible ou presque de s'attacher à eux tant leurs trajectoires croulent sous l'accumulation d'un montage privilégiant en permanence des chocs visuels finalement vain et très peu inventif. D'une scène à l'autre les personnages disparaissent, on les perd, juste le temps d'apprendre quelques informations sur eux, leur drame, leurs problèmes. Que du trop peu, du pas assez. On finit par être ivre d'images, le glamour se noie, et la complaisance des scènes trop volontairement réelles de piercing et autre avalage d'extas finit par rendre le film presque inadmissible. Entre le fantasme et le réel Tan ne choisi pas, c'est tant mieux, sauf que lorsque le faire vrai se donne à voir comme un gage d'authenticité 15 devient aussi laborieux qu'inutile. 15 voudrait privilégier le collage, mais son problème c'est qu'il ne colle rien, il accumule, entasse laborieusement comme l'épouvantable Bikini Bandits un semblant d'images qui raccordent trop souvent par miracle. On nous parle d'amour, de rage, d'amitié, de solitude, le film se veut aussi syncoper, poseur, sans but que ceux qu'il filme, mais son souci c'est que son matériau nous donne que quelques moments, bien trop rare, où il se passe enfin quelque chose à l'image. Tan a certes du désir, une proximité, il veut épouser le monde de ses kids avec une caméra complice, mais il est incapable de tourner autrement que comme un jeune con. En soi ceci fait de 15 un film cohérent, à l'image de ceux dont il est question, mais entre faire un l'habillage visuel qui coïnciderait partiellement avec son sujet et du cinéma, il y a un écart que Tan est incapable de franchir ou combler. Tan confond sans cesse l'excès avec une certaine monstration de celui-ci passant par des artifices techniques purement gratuits. Bricoler des images qui soit en référence avec une culture adolescente contemporaine et filmer l’adolescence sont deux choses différentes que Tan n’a pas compris. 15 finit à force de morcellement d’images par ne plus dire grand chose de ses beaux kids paumés qu’on aurait eu envie de connaître. De voir encore un peu plus poser juste pour le style, la forme, mais avec un peu plus d'élégance, même trash. A tout mélanger sans réel talent (néanmoins pas sans quelques audaces) on en sort un peu trop fatigué, sans avoir vécu ou senti l’électrochoc auquel nous étions conviés.
Jeunesse perdue sans collier
Histoires autrement contées (plus habilement) par un Larry Clarke américain, mâtinées d'une audace visuelle proche d'un Darren Arronofsky, "15" met en scène les destins entre-croisés de plusieurs adolescents particulièrement mal dans leur peau.
Bien que certaines images soient choquantes (insoutenable séquence de capotes remplies à craquer de drogues de divers genres) et qu'il est étonnant d'apprendre que le film n'ait pas été censuré par les autorités singapouriennes autrement plus virulents, l'on peut se demander à quoi sert un tel film. Montrer une minorité de jeunes se révoltant contre les institutions. Désigner du doigt un travers de notre société, sans doute dû à une mauvaise communication / éducation / l'absence réelle des parents.
Aucune explication n'est donné quant au mal-être de ces jeunes, sauf celle qu'ils ratent leurs études, parce qu'ils n'assistent pas aux cours ou quelque parent qui les ait mis à la porte. Soit. Terrifiant, que certains parent sne s'occupent pas de leur progénitures, ne les accompagnent pas dans leur âge difficile qu'est l'adolescence; mais il est facile de provoquer une certaine émotion en cerchant à montrer des images chocs, sans en donner les véritables explications, ni de proposer des solutions au problème...
Reste, que le réalisateur est un virtuose de l'image, alternant une première partie très hip et une seconde bien plus proche de son histoire et des adolescents. Et de créer quelques rares moments d'une beauté fulgurante, où il s'attarde sur le profond mal-être des enfants, les montrant en train de pleurer silencieusement ou de chercher quelque reconfort / tendresse au creux du bras de leur ami.