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3.77/5
La Vie d'Oharu femme galante
les avis de Cinemasie
5 critiques: 3.95/5
vos avis
13 critiques: 4.15/5
Ce qui ne te tue pas te rend plus faible
Les œuvres de Mizoguchi ont toujours une dimension sociale et humaniste stupéfiante, et celui-là ne déroge pas à la règle. En racontant la vie d’Oharu, jeune femme de bonne famille vivant à l’époque des Shogun, il brosse un portrait sans complaisance d’une société profondément machiste, violente et injuste, basée sur un système de caste et bardée de tabous et de codes d’honneur étouffants, une vision vraiment à l’opposé de celle renvoyée par Kurosawa au travers de ses films de samouraïs flamboyants ; en témoigne le petit rôle d’amant maudit incarné par un certain Mifune Toshiro au début du film, qui se fait décapiter pour avoir osé séduire une femme de rang plus élevé que le sien… L’histoire d’origine dont s’est inspiré Mizoguchi se centrait sur une femme de petite vertu qui était tombée dans la prostitution et à qui ça ne déplaisait pas. Ce dernier en a volontairement durci le trait et le destin afin de rendre le scénario bien plus tragique et sans espoir, un peu à la manière de la Justine de Sade, femme ballottée au gré des fantasmes masculins et de leur pouvoir qui rendit sa vie un véritable enfer.
La mise en scène est une nouvelle fois exemplaire, magnifiant les situations et les acteurs. La scène la plus belle est sans conteste celle où Oharu tente d’approcher le cortège au milieu duquel se trouve son fils d’une vingtaine d’années, le nouveau Shogun, qu’elle n’a jamais pu élever puisque ayant servie de mère porteuse à son insu. Il faut voir la joie mêlée de chagrin accompagnant les pas et le regard d’Oharu, et l’hésitation des gardes qui ont reçu pour consigne de la laisser à distance raisonnable de son fils étant donné sa vie de « débauchée ».
Le seul petit reproche à faire se situe au niveau du casting : au début du film, Oharu est censée avoir entre 15 et 18 ans, or Tanaka Kinuyo en avait 40 à l’époque du tournage… Et malgré le fait qu’il n’y ait pas de gros plans, ce n’est quand même pas très crédible. Mais cela n’enlève rien à la puissance d’une œuvre réellement majestueuse.
Femme à louer
"D'abord l'âge. Entre 15 et 18 ans. Le visage rond, les yeux largement ouverts et écartés. Les sourcils épais, le nez droit, la bouche bien dessinée, les dents blanches. Les oreilles longues et peu ourlées. Les cheveux bien plantés sur le front, le cou dégagé. Les doigts longs et fins, les ongles étroits. Les pieds seront petits et cambrés. Elle aura la taille longue et mince, les flancs aussi. Les fesses charnues, tout en étant élégante et bien proportionnée. Douce, réservée, sans aucun grain de beauté sur le corps."
C'est ainsi qu'est recrutée Oharu, femme galante et humiliée sur une vingtaine d'années, portrait terrifiant de la condition de la femme réalisé par Mizoguchi, qui n'oublie pas les qualités de son cinéma notamment lors d'un formidable jeu d'ombre où un chat arrache une partie des cheveux d'une courtisane. Il y a ceci dit un énorme paradoxe puisqu'à l'origine Oharu se nomme "O Haru" et le "O" signifie un profond respect ("kasan" veut dire maman, "Okasan" voudrait dire mère), hors "O Haru" ne sera pour ainsi dire jamais réellement respectée, sauf par quelques femmes au grand coeur. Le récit est touchant quoi que souvent délicat du fait des longueurs et des plans séquences typiques du cinéaste.
Cosette - puissance mille !!! La quintessence de l’œuvre de Mizoguchi
Quintessence de toute l’œuvre de Mizoguchi, "Oharu" réunit tous les thèmes exploités tout au long de la carrière du cinéaste en se fendant d'un regard vitriolé sur sa propre société.
Suite au succès du "Rashomon" de Kurosawa, Mizoguchi ressort un vieux projet jadis refusé par les studios. Adaptation re-actualisée d'un roman du célèbre Saikaku de 1687, le cinéaste demande (ordonne) à son fidèle scénariste et ami Yoshikata Yoda de moderniser le récit et d'accentuer la charge sociale de l'intrigue.
En sort un pur mélodrame, dont les malheurs s'abattant sur Oharu sont difficilement sur-passables dans son genre; mais Mizoguchi réussit la parfaite jonction avec un réalisme saisissant et le film reste toujours crédible.
Jamais auparavant, les hommes ont été montrés comme de tels monstres que dans ce film : père vendant sa fille comme simple reproductrice au profit d'un Seigneur pour perpétuer sa lignée, la femme est harcelée, abusée et rejetée tout au long de sa vie. Si el réalisateur avait déjà dénoncé l'incapacité des femmes à se sortir de leur difficile conditon de vie par le passé, il accuse même les hommes et le système d'enfoncer la femme. Dégringolant les échelles sociales, Oharu se retrouve finalement une simple prostituée malade et esseulée.
Condamnée dès le départ à errer tel un fantôme sur les terres ci-bas, Oharu semble plus morte que vivante. Grimée de poudre blanche lui donnant un air cadavérique, semblant flotter dans des vêtements trop amples lui permettant de se dérober à la vue d'autrui, Oharu n'a aucune raison de continuer à vivre, tant sa condition est misère...et pourtant, elle va toujours de l'avant, garde son élégance jusqu'au bout et fait front à la vie et aux hommes la spoliant.
Amoureux du théâtre, Mizoguchi glisse même un hommage au théâtre du jonturi (marionnettes) en metaphorisant sur le triste sort de sa protagoniste principale, manipulée telle un pantin par les fils invisibles des hommes et de la société.
Puissant, c'est assurément CE film, qui constitue le chef-d’œuvre ultime dans al riche filmographie de son réalisateur !
Gervaise était une tapette alias l'assommoir c'est la synécure!
Un film très beau, sensible, même si ce n'est pas mon trip, malgré tout. La maitrise transpire de toutes parts, les acteurs son fabuleux, mais cette mélodie du malheur ne m'a pas touché autant que je l'aurais cru. Mélodrame brillant, certes, mais cet effet d'accumulation a parfois un aspect de compilation frénétique et masochiste. La beauté du film et la contemporanéité des thêmes évoqués est indéniable et je m'incline devant cela, mais ce genre n'est pas quelque chose pour lequel je suis totalement près.
Mizoguchi, le Molière du cinéma japonais...
Mizoguchi filme avec brio la vie d'une femme (pas si galante que ça...), adaptée d'un roman de Ihara Saikaku. Le cinéaste nous montre de façon émouvante la lente dégradation de la vie de O-Haru. Partie d'une bonne situation dans un rang élevé, elle va progressivement tomber dans la déchéance totale, par la faute de tous les hommes qui, en prétendant vouloir la sauver, la perdront de plus en plus.
O-Haru va ainsi redescendre tous les échelons de la société avec des hommes de tous bords et de tous rangs, soupçonnée tour à tour des pires vices, alors qu'ils lui sont infligés par tous ceux qui l'accusent, et qu'elle subit le machisme de la société.
Des scènes absolument magistrales en ressortent, notamment celle où un riche client mettra à ses pieds tout le monde dans une maison de courtisanes, semant son argent comme on sème du grain pour nourrir les poules. Seule O-Haru ne s'abaissera pas à ramasser les pièces, ce qui aura pour effet d'attirer l'attention de l'homme riche sur elle ; lui aussi voudra l'emmener, comme beaucoup d'autres.
Dans une autre scène, O-Haru va rencontrer son propre destin, sous la forme d'une mendiante jouant de la musique, ce qu'elle deviendra elle-même par la suite, avant de devenir un "fantôme" aux yeux de ceux qui l'entourent.
Ce fantôme, c'est cette femme qui finalement aura perdu sa vie (et même son fils, dans la plus belle scène du film) pour avoir aimé quelqu'un qui n'était pas de son rang (Toshiro Mifune, faisant un courte apparition au début).
Mizoguchi est vraiment un génie, le peu de musique qu'il utilise dans ce film suffit à marquer très fortement les scènes qu'il dépeint avec beaucoup de justesse, et une mise en scène impeccable !