Il était un enfant
Cinquième long-métrage de Brillante Mendoza en moins de trois ans, qui confirme le réel talent à suivre de ce brillant cinéaste.
Il ne change rien à sa façon de procéder de ses précédents, mélangeant toujours habilement style documentaire à de la fiction. Cette fois, il immerge son audience au coeur même d'un bidonville de Manilla pour quasiment filmer en temps réel les dernières heures d'un enfant placé dans une famille d'accueil avant son adoption. Programme mis en place par le gouvernement pour endiguer le problème des "enfants de la rue" et supporter les familles pauvres de la capitale, il est donc de coutume de placer des enfants abandonnés dans une famille provisoire avant leur prochaine adoption par des occidentaux.
Le petit "Gerald" a donc passé près de trois ans au sein de la petite communauté et est quasiment devenu partie intégrante de la famille. Les adieux sont d'autant plus déchirants, que malgré l'habitude qu'en ont pris ses parents de substitution de devoir se séparer un jour ou l'autre de leurs enfants adoptifs, ils n'en demeurent pas moins des humains aux sentiments forts; et le petit Gerald tiendra une place particulière dans le cœur du père…et de la mère.
Sans aucun pathos, Brillante conte donc cette histoire ultra-linéaire: depuis la découverte de la petite famille et de leur environnement, à l'apparition de l'assistante sociale venue annoncer le départ le soir même de l'enfant jusqu'à la séparation. Comble du désespoir, la mère de famille est obligée d'accompagner l'enfant jusqu'à sa nouvelle famille d'adoption venue s'installer dans un grand hôtel luxueux de la capitale. Le palais tranche nettement avec les baraquements sommaires du bidonville et laisse un goût amer quant à la présence des soldats surveillant entrées et sorties de l'hôtel pour prévenir la moindre intrusion des gens "du peuple". La mère, dans sa bonté, va même déclencher une série de mini catastrophes dans sa volonté de bien faire et sa maladresse resserre d'autant le cœur des spectateurs.
Un très joli exercice de style, qui donne envie de suivre les prochains pas de ce talentueux réalisateur et de faire découvrir ses œuvres passées – pas moins dignes d'intérêt!
A noter l'extraordinaire performance de Cherry Pie Picache, qui réussit totalement à faire oublier son statut de véritable vedette du monde audiovisuel philippin; ce serait un peu, comme si Catherine Deneuve se glissait dans la peau d'une mère de famille sans domicile fixe dans un film français…
