Interview Animeland

Tout d’abord quelques précisions sur ton parcours et les conditions de la naissance d’AnimeLand...

Hors-Série n°1

AnimeLand est au départ un fanzine dont je suis à l’origine. En fait le premier numéro devait au début constituer un dossier de soutien dans un fanzine édité par Les Pieds dans le Paf en 1991 et qui s’appelait Téléfiction. Ce devait être un dossier consacré à la particularité de l’animation japonaise, mais il s’est trouvé que la personne responsable de ce fanzine a « pété les plombs » en nous insultant, considérant alors que notre équipe était trop nombreuse par rapport à sa petite équipe (ils étaient deux). C’est vrai que j’avais réuni une dizaine de personnes spécialisées dans différents sujets liés à l’animation japonaise et me basant, pour préparer ce dossier, sur un projet de fanzine (jamais sorti faute de temps) élaboré pendant mes années de lycée. Enfin bref, on a très mal réagit et sur le coup de la colère on a décidé de sortir notre propre fanzine et deux semaines plus tard naissait le premier AnimeLand.

Donc on avait trouvé le titre, fait rapidement la mise en page avec l’aide de Vincent OSÉE VU qui a participé pour une large part à la naissance de ce premier numéro. Moi je me suis bien évidemment occupé de réunir tous les articles déjà prêts, d’assurer la distribution du fanzine, de mettre des pubs de boutiques (essentiellement bd et imports comics) qui me connaissaient un peu et me faisaient confiance. On a commencé comme ça avec 500 numéros et puis, progressivement, on s’est finalement désolidarisé des Pieds dans le Paf, créant notre propre association, Animarte, passant rapidement de 500 exemplaires à 2000 exemplaires. On a tout appris sur le tas. Il y a eu des désistements, de nouvelles personnes sont arrivées dans l’équipe... De nombreuses personnes travaillant aujourd’hui autour dans l’animation japonaise sont passées par AnimeLand, intégrant l’équipe de base à partir du numéro 3. Je pense notamment à Cedric LITTARDI qui est le patron de Kaze et qui fût notre Président d’association pendant cinq années. Et puis on a continué à se développer jusqu’à notre arrivée en kiosque un beau jour de 96.

En fait un an auparavant beaucoup de personnes de notre équipe, dont moi, s’étaient retrouvées sans emploi. Alors nous avons décidé de tenter l’aventure du passage au magazine professionnel, d’autant plus qu’à l’époque il existait des facilités pour monter des entreprises et créer des projets par le biais de l’ANPE et autres organismes. J’ai saisi l’opportunité, bossé tout ça dans mon coin...

En autonome en fait, sans l'apport d'une boîte extérieure ou de professionnels du milieu... ?

Absolument. C'était avant tout du bagout, tenter de convaincre...

Le rêve de tout « fanzineux » en quelque sorte...

Je ne sais pas si c’est le rêve de tout « fanzineux » car je ne crois pas qu’ils désirent tous passer professionnel... En tous les cas pour nous il y avait la nécessité de grandir encore, de quitter la chrysalide. On ne pouvait plus se limiter aux 5000 lecteurs qu’on touchait à ce moment...

...5000 lecteurs, c’est quand même important pour un fanzine...

Pour un fanzine c’est effectivement très important.

...il n’y avait pas d’autres fanzines à l’époque ?

Il y avait Animefan qui faisait de très belles choses mais à un rythme de parution un peu trop sporadique. Ça a notamment permis à Bertrand Rougier de se faire connaître puisqu’il écrit maintenant régulièrement dans Mad Movies et réalise des dossiers de presse à droite et à gauche...
Il y a eu aussi L’effet Ripobe, du regretté François Jacques, qui pendant un moment voulait « se la jouer » concurrent mais je crois qu’ils n’ont finalement sorti que 3 numéros en plusieurs années. D’autres fanzines ont essayé de faire un peu comme nous, avec de gros tirages, pensant toucher autant de personnes dès le premier numéro. Sans résultats. Tout ça était assez mal géré visiblement.

Est-ce que la professionnalisation d’AnimeLand, le passage de fanzine à magazine, s’est avérée difficile à négocier ?

Très difficile dans le sens ou il fallait gérer des personnes qui jusqu’à présent travaillaient par passion — nous étions bénévoles à Animarte —et puis tout d’un coup, qu’on le veuille ou non, il y a eu des personnes qui se sont posées des questions au niveau du paiement. De toutes façons dès qu’il y a des histoires de fric il y toujours des problèmes...

À l’époque cela générait des interrogations, surtout externes, sur notre indépendance. Pour certains on allait devenir les esclaves des annonceurs, d’un groupe quelconque ou autres mais, surtout avec mon gros caractère que d'aucuns connaissent, on a toujours gardé notre indépendance par rapport à tous le monde. Y compris Kaze avec qui nous partagions à l’époque les mêmes locaux puisque nous bénéficions de pas mal d’aide de la part de Cedric Littardi qui nous permettait d’avoir un local. On a donc toujours gardé nos distances et essayé d’être objectif avec une indépendance éditoriale totale.

Les difficultés internes étaient en fait avant tout d’en convaincre certains, dans l’équipe, de la nécessité de quitter le statut de fanzine, de grandir. D’autres avaient des inquiétudes sur le passage professionnel et se demandaient un peu où on mettait les pieds car c’était vraiment une aventure totale pour nous. D’autant plus que nous n’avons pas eu une approche très « sérieuse » dans le sens ou il n’y a pas eu d’études de marché préalable au lancement du magazine dans les kiosques, on l’a fait comme ça, au « feeling » en quelques sortes... Ce qui me semblait évident surtout c’est qu’on pouvait toucher, par rapport au public des librairies spécialisées, encore plus de monde en passant professionnel. Le fait est que la suite m’a donné raison puisque même avec le numéro 22, selon moi le plus mauvais AnimeLand jamais sorti, on a tout de même atteint nos objectifs et, ce qui était le moins évident, à tenir le rythme d’un mensuel alors qu’avant nous étions supposés être bimestriel (en réalité ça se rapprochait plutôt d’un trimestriel qu’autre chose). Les débuts étaient d’autant plus compliqués que contrairement à aujourd’hui, ou nous sommes une dizaine de personnes (y compris avec l’équipe d’AnimeLand.com), la rédaction ne comptait que deux personnes, à plein temps.

Sur votre site Internet à propos, il me semble qu’il est plutôt bien fréquenté...,

...Je ne sais pas je ne m’en occupe pas.

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... avec une bonne moyenne de visites. Le contenu du site, régulièrement mis à jours avec des articles et des dossiers, est-il élaboré en amont en relation avec l’actualité du magazine papier ou comptez-vous sur une « synergie » naturelle, la plupart des rédacteurs du site collaborant aux deux supports ?
En fait on a parlé de complémentarité lorsque le site a été lancé mais ça n’a pas été fait avec ma participation. Stéphane Ferrand, le rédacteur en chef du site, en parlera beaucoup mieux. Le fait est qu’il fait comme il veut par rapport au contenu du site et je ne m’en occupe pas. J’avoue ne pas trop suivre ça car j’ai déjà bien assez de travail avec le magazine et donc pas le temps de regarder. En plus je suis un peu « réactionnaire » avec tout ça, je ne suis pas Internet du tout. Moi et Internet ça fait franchement trois.
Pour en revenir à AnimeLand et vos liens avec les professionnels du milieu de l’animation et de l’édition, vos rapports avec ces derniers ont-il évolué à mesure que le magazine gagnait en notoriété ? Est-ce plus facile d’avoir l’information maintenant... ?
Qu’ils le veuillent ou non nous sommes de toutes façon tenus au courant de ce qu’il se fait par des personnes proches. En réalité je dirais qu’on est plus craint que respecté et il y a des éditeurs qui ne nous apprécient guère parce qu’on a le tort de dire ce qu’on pense. Bizarrement ils ne nous apprécient pas non plus lorsqu’on dit du bien de leurs produits. Ce n’est pas très intelligent puisqu’on ne s’amuse pas à « taper » sur eux par plaisir (alors que beaucoup de nos lecteurs considèrent que nous sommes encore trop « gentils »).
Le problème en fait c’est que mêmes les éditeurs sont arrivés sur le marché après nous et donc même alors, par rapport à un secteur balbutiant, on était des « dinosaures ». On était là avant et ainsi nous restons en rapport d’une manière ou d’une autre, parce qu’untel travaille dedans ou que machin était chez nous avant. Ainsi en plus de Cedric Littardi d’autres personnes travaillant aujourd’hui chez Kaze sont passés par chez nous, chez Dynamic on a beaucoup d’amis aussi et on les a pas mal aidé au début... Vu que la majorité de ces sociétés sont lancés par des passionnés à la base et bien on a tôt fait de développer des liens et de se faire des amis et là ça devient parfois plus difficile à gérer puisqu’il faut faire la part entre le rapport d’amitié et professionnel. Mais on y arrive... Donc il y a aussi deux ou trois sociétés avec qui les rapports sont plus conflictuels parce qu’elles travaillent avant tout dans le secteur pour des raisons de profits (ce qui reste louable pour une société).
Vous ne partagez pas le même « tronc commun » avec ces dernières...

Ah non pas du tout ! Même si certaines sociétés ont finis par sortir d’excellents produits, nos motivations premières et les leurs différent énormément. Nous n’avons pas non plus la même notion de « qualité ». Et cela je crois que leurs clients le leur font savoir, sans quoi il n’y aurait pas eut une telle évolution…

Pour ce qui est de votre lectorat, as-tu une idée de la façon dont il se positionne aujourd’hui ? La part de public masculin et féminin, la moyenne d’âge.... ?

C’est sensiblement la même chose depuis plusieurs années. A savoir qu’on touche autant de garçons que de filles. Il y a des variations (40/60, 50/50...) selon les années mais ça reste équilibré dans l’ensemble.

En fonction du contenu du magazine ?

En fonction des réponses à l’Anime Grand Prix chaque année surtout ! Le tout est de savoir si c’est représentatif ou non. Sur les milliers de personnes qui nous répondent est ce que ça correspond à la réalité de notre public ou non ? On est bien obligé de conclure que oui. Par contre pour l’âge ça a plutôt tendance à rajeunir alors qu’on pensait observer le phénomène contraire, le lectorat vieillissant avec nous. Aujourd’hui la moyenne d’âge se situe aux alentours des 20 ans et donc il y a renouvellement avec l’évolution vers le haut des ventes : on ne perd pas nos vieux lecteurs et de nouveaux viennent grossir les rangs.

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Et vous ne gagnez pas de nouveaux « vieux » ?
Non, les nouveaux « vieux » on ne les connaît pas. On essaye de les atteindre avec des choses un peu plus généralistes mais on a surtout gagné et gardé un lectorat qui va vieillir avec nous très sympathiquement et qui correspond aux personnes qui ont bien vécu les différentes périodes d’animation japonaise en France. Comme il y a beaucoup plus de personnes qui ont été bercé par du Dragon Ball Z que par du Saint Seiya ou, plus vieux, du Goldorak, les dernières générations bénéficient naturellement de l’expérience des précédentes. Ce sont ces dernières qui lisent sans problème des mangas dans le métro, possèdent chez eux des collections entières et se « foutent » de l’avis des autres –et ils ont bien raison- alors qu’il y a encore 12 ou 15 ans ce n’était pas possible. Ceux qui lisaient du Akira dans le métro en 91 n’étaient pas très nombreux, mais depuis ça a bien changé...
Le développement d’Internet y est aussi peut-être pour quelque...
Ah pour Internet je ne sais pas du tout ce qu’il en est ! Stéphane m’en parlait encore il y a peu en me disant qu’on touchait vraiment un public différent et j’aurai tendance à le croire. Je pense que les attentes sur un magazine papier et Internet ne sont pas du tout les mêmes, ne serait-ce que par la nature du média...
Sûrement, on ne lit pas de la même façon sur le net. On aurait plutôt tendance à parcourir, à la recherche de l’info précise.

... J’en viens à me demander quelle est la proportion d’internautes qui lit, mais vraiment, sur Internet.

Oui mais c’est vrai qu’un magazine papier crée un rapport différent à la lecture. Il y a l’objet, le plaisir de lire... C’est finalement assez fétichiste comme démarche, surtout pour un fan d’anime et mangas, on collectionne, on range ses petits magazines...

Pour terminer sur le chapitre du magazine en tant que tel, comment travaillez-vous avec le Japon ? Est-ce une collaboration permanente avec des gens sur place ou alors du coup par coup ?

Les deux. On a des gens sur place, on a toujours eu des contacts au Japon d’une manière ou d’une autre. Maintenant on a des gens qui y sont en permanence et bien placés pour rendre compte de ce qui s’y passe. Et puis au fil des années on a construit des liens avec de nombreuses personnalités aussi, comme Ilan N’Guyen qui a fait profiter au magazine de ses nombreux contacts dans le domaine de l’animation au Japon.. Je pense notamment au numéro spécial Ghibli, le hors-série numéro 3, dont le développement a permis à ce dernier ; au fil de ses rencontres avec M. Takahata par exemple, de nouer des rapports d’amitiés avec des personnes travaillant au sein du studio. Et ça va bien au-delà du simple passionné, là nous avons vraiment au sein de notre équipe des personnes qui sont des spécialistes du sujet et qui sont amenés –ou le sont déjà- à devenir des « figures incontournables » d’une légitimation de l’animation japonaise et du manga non seulement en France mais aussi au Japon.
Je trouve ça formidable dans le sens où nous ne sommes pas là, encore une fois, pour générer de l’argent ou faire du commerce...

En sachant qu’il vous faut quand même atteindre un équilibre financier.

Bien évidemment mais quoi qu’il arrive c’est la passion qui nous domine. Là où nous sommes le plus mauvais d’ailleurs c’est au niveau marketing, la mise en avant de soi. On fait tout de même très peu de pub pour AnimeLand dans d’autres supports alors qu’on devrait. Certains nous reprochent parfois des couvertures « aguicheuses », faîtes pour vendre avec des filles pas forcément très vêtues... Mais la réalité c’est qu’on met des illustrations qui sont là pour annoncer un gros dossier ou un sujet. S’il y a encore une évolution à donner à AnimeLand, à la rigueur, c’est encore ça justement. Trouver l’équilibre entre un aspect « vendeur » mais qui ne néglige pas pour autant la dimension d’information.

Mais Scarce (pro-zine spécialisé comics) et l’association Saga n’ont-ils pas « patronné » vers la même époque, pendant un temps, un fanzine spécialisé japon aussi ?

Oui mais là je parlais spécifiquement de l’animation japonaise et pas du manga. Parce que c’est vrai que Mangazone existait bien avant nous et ça marchait plutôt bien d’ailleurs. Mais ça s’est arrêté parce que la personne qui s’en occupait à vite été dépassé, elle était surtout intéressée à parler de vieux mangas des 60/70’s, genre Lone Wolf and Cub... Ces goûts se sont retrouvés en décalage par rapport aux attentes du public (difficile de le faire écrire sur Ken par exemple) et il a préféré arrêter.

Il parlait de Lone Wolf Cub ? Mais c’est bien ça ! Sinon, on parlait tout à l’heure de l’aspect « didactique » d’AnimeLand, de son orientation avant tout informative, « objectiviste » je serais tenté de dire, les Notes à Contre Courant annoncent-elles un changement d’attitude ?

Par rapport à cette rubrique là. Pour le reste ce n’est pas à nous de juger pour les gens. On ne va pas se mettre dans la position, comme le faisait feu Tsunami, de décider pour les autres. Ce n’est pas à nous, journalistes, de le faire.

Je pensais à des critiques contradictoires par exemple. Certaines œuvres appellent parfois le débat, un regard plus polémique... ?

Et bien le problème est toujours là. On aurait l’avis d’un journaliste uniquement. La seule solution, à la rigueur, serait de multiplier les points de vue mais là ça pose des problèmes beaucoup plus pratiques. Il nous faudrait du temps pour faire quelque chose de « carré ». Le problème est qu’on touche là à l’actualité et des fois on est obligé de réaliser en peu de temps une critique sur un truc vu vite fait, si on prend le cas des sorties cinéma. Dans ces situations on se focalise sur le fait de donner le maximum d’information sur l’œuvre en elle-même, pour que le lecteur soit à même de décider au mieux de sa sensibilité.
On se permet de donner plus facilement notre sentiment sur une œuvre après coup, quand il y a le recul nécessaire. A l’occasion de la sortie vidéo par exemple. Enfin quoi qu’il en soit je ne considère pas qu’on doive s’ériger en « guide » des lecteurs. Ils doivent être capables de se diriger eux-mêmes. De la même façon que je ne suis jamais sur le dos de mes rédacteurs, je leur laisse beaucoup de liberté et ne suis pas à leur dire constamment « je suis pas d’accord avec toi, tu devrais écrire comme ça parce que c’est de cette façon que je vois les choses..., moi je, moi je, moi je... ». C’est d’ailleurs pour ça qu’il n’y a pas d’articles avec des « je » dans le magazine, c’est très rare.

Une interrogation mineure mais qui me vient toujours à l’esprit à la lecture de chaque nouvel AnimeLand : le jour où il n’y aura plus le petit encart « Qu’est-ce qu’un OAV ?», il se sera passé quelque chose de grave... ?

Et bien on a déjà essayé de l’enlever mais ce fût une erreur, si j’en juge par le courrier reçu après coup nous demandant ce qu’était un OAV. Ceci dit, ça prouve que le magazine gagne toujours de nouveaux lecteurs et puis c’est aussi une de nos caractéristiques, on ne s’adresse pas uniquement aux fans "hardcores" d’animation. Voilà pourquoi on essaye aussi, dans nos articles, d’être le plus clair possible, quitte à multiplier les explications et définitions de termes sous la forme de notes et autres.

Abordons maintenant quelques sujets d’ordre plus général. De la même façon que le marché du manga et de l’animation connaît un « boum » en France ces dernières années (multiplication des sorties, des éditeurs...), les magazines spécialisés suivent la même courbe. Les mensuels traitant de l’animation japonaise et/ou du manga n’ont jamais été aussi nombreux. Comment appréhendes-tu cette nouvelle « donne » ?

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La première fois que j’ai vu ces nouveaux magazines, certains diraient concurrents mais la réalité c’est que beaucoup sont des amis, j’étais ravi. Voilà des gens qui sont capables de parler de choses que nous n’aborderons jamais dans nos pages, comme la J-Pop par exemple. Ce n’est pas que cela ne nous intéresse pas, mais sincèrement ça n’a pas grand intérêt par rapport à notre sujet de prédilection qui est l’animation. De la même façon que nous ne traiterons jamais de cinéma asiatique, même si on aime bien Kitano et autres, parce que ce n’est tout simplement pas de l’animation encore une fois. Le seule rapport qu’il y a entre Kitano et l’animation c’est Joe Hisaishi, et encore...

Mais il peint aussi Kitano !

(rires) Oui mais ce n’est pas très animé pour autant ! Bref, il y a beaucoup de sujets comme ça qu’on ne traitera pas et c’est donc bien que d’autres publications le fassent. Maintenant il y a quand même pas mal de titres qui sont sortis, je pense notamment aux Editions Tournon (Semic), ne se justifiant pas vraiment. Ils sont en train de « noyer le poisson » par une multiplication de titres qui ne se distinguent pas vraiment les uns des autres et n’apportent pas forcément une richesse d’information supplémentaire. Il y aura une sélection naturelle de toute façon, le public n’est pas idiot. Et puis entre les éditeurs qui sont là pour faire du profit avant tout (même si ce sont des fans qui font les magazines) et une démarche comme la notre, motivée par la passion et la volonté de faire connaître l’animation et le manga, il y a une différence qui se traduit par notre permanence, quels que soient les aléas financiers. D’ailleurs il suffit de constater la quantité de titres de ce type qui naissent pour disparaître presque aussitôt. Et ça risque de continuer un certain temps ! Parce que se sont des « montages » d’éditeurs, de personnes qui surfent sur un phénomène qu’ils ne comprennent pas et ne cherchent pas à comprendre. Ils sont là pour faire de l’argent, point.

Et cette nouvelle concurrence a-t-elle plus ou moins sensiblement influencé votre approche dans l’élaboration d’AnimeLand ?

Sensiblement non mais ça nous a tout de même obligé à une petite remise en question. Comme nous n’avions pas, jusqu’à présent, d’autres concurrents vraiment sérieux on avait tendance à se reposer un peu sur nos lauriers. Ils nous a donc fallu mettre la barre un peu plus haut, varier légèrement le menu pour ne pas perdre des lecteurs qui jusqu’ici nous suivaient. La réalité est que nous étions un peu « fatigués », une routine s’était installée et cette nouvelle situation nous a permis de remettre à plat un certain nombre de choses. Nous avons un peu diversifié notre contenu, élargissant les sujets abordés à des œuvres encore inédites en France (voir la couverture Wolf’s Rain, série très récente au Japon, du numéro 92 par exemple) alors que nous traitions précédemment essentiellement des sorties hexagonales, pour des raisons évidentes d’actualité mais aussi pour des questions de droits sur des œuvres non encore distribuées chez nous.

Si tu devais synthétiser la particularité d’AnimeLand par rapport aux autres magazines ?

Essentiellement l’âge. L’année prochaine AnimeLand fêtera ses 13 ans avec son numéro 100 et je pense que notre expérience plaide en notre faveur, nous donnant une capacité à prendre du recul par rapport au sujet que d’autres n’ont peut-être pas.

En guise de conclusion, quelques mots sur Animatrix. World animation ou non ? Synthèse ou addition ?

C’est intéressant de voir le changement d’attitude qu’inaugure Animatrix. Sans aller vers une mixité des cultures on assiste quand même à une abolition de certaines frontières. Animatrix est efficace et va au-delà du simple produit marketing complémentaire, comme le mauvais jeu vidéo Enter the Matrix, accompagnant la sortie du film. Les réalisateurs japonais ont quand même bénéficié de pas mal de liberté puisque 4 des 9 scénarios sont entièrement originaux. Maintenant il faut voir ce que ça peut donner sur le long terme...

date
  • juin 2003
crédits
Interviews