Si tôt, Satoshi...
... dans la colle !
Fin août 2010, l'été se termine doucement. L'économie flotte encore un peu en attendant la reprise, la France tourne au ralenti et chaque information qui nous parvient est diluée dans une sorte de SAS temporel qui fait que, bon, voilà, est-ce bien sérieux tout ça. On verra en septembre quoi en penser, d'ici là soleil, plouf dans l'eau et bouée canard.
Le 25 août dernier, dans un café qui m'en sert un en même temps que le wifi, j'apprends la nouvelle : atteint d'un cancer,
Satoshi Kon s'est éteint la veille. L'année de ses 47 ans. Le sucre en morceau se transforme illico en poudre dans la tasse, la cuillère tombe dedans depuis ma lèvre inférieure, bêtement pendante. Mes yeux relisent l'info encore et encore, je l'ai, elle est lue, ayé, elle est là... Elle devrait, en tout cas, mais elle reste comme coincée quelque part dans les limbes, entre mes rétines et ma cervelle, dans un double SAS fait à à la fois d'une torpeur estivale et d'une zone tampon liée à une totale incompréhension de la chose. L'impossible assimilation, car si j'avoue parfois me demander si les Dezaki, Oshii, Takahata, Miyazaki et autre Kawajiri vont bien, je ne m'attends pas à ça !! Certainement pas !!
Fait rare pour un réalisateur de dessins animés japonais "jeune", dont on attend un cinquième et dernier long métrage sur lequel il n'a malheureusement pas eu le temps d'avoir eu un vrai final cut, pratiquement toutes les enseignes culturelles du web lui rendent hommage. Les classiques Mata-web et autre Catsuka, bien-sûr,
"l'un des mes réalisateurs préférés" écrit ce dernier,
mais aussi Lesinrocks.com, qui voient en lui un
"maître de l'animation japonaise et du cinéma tout court", Télérama.fr
"un des maîtres de l'animation japonaise", L'express.fr
"un maître (...) à l'origine d'une oeuvre visuelle d'une richesse époustouflante" etc etc. Bref, du maître en veux-tu en voilà.
Satoshi Kon, sur Cinemasie on en a déjà (bien) parlé, on connait la bête et la suivons (suivions) depuis ses tous débuts. Depuis ma fenêtre, une télé dans laquelle il a fait passer de bien beaux paysages, j'éprouve l'envie d'ajouter ma petite pierre à l'édifice, une couronne mortuaire faite de quelques alexandrins afin d'exprimer au mieux mes sentiments, ma sincérité et... bon, bref, hop, plouf ! Et sans bouée canard cette fois.
C’est pas la fête, la vie s’arrête.
Pourquoi si tôt, si conne ? Pourquoi, Satoshi Kon ?
J’attendais le prochain, espérant le suivant,
« Paprika c’est très bien mais ça s’répète un peu… »
Que voici la toute fin, l’arrêt de son vivant.
Satoshi peut mieux faire... attends, répète un peu ? !
A défaut de rebond il retombe dans la sienne,
La dalle si vite posée qu’il n’en sortira pas.
Allons bon, c’est une blague ?! Ne me fais pas de peine !
Cette dalle est en papier d’où bientôt jaillira,
En un salto si clown un vrai Satoshi Kon,
Qui rira aux éclats en pensant à l’avance,
Sans se fouler du reste ni sans en faire des tonnes,
Aux nombreuses idées folles qui dans sa tête s’élancent !
Las, la tombe est en pierre et pour s’en échapper,
Kon n’est pas en état de gratter les côtés.
Mémoire de cinéphile n’a vécu ça qu’une fois,
Une aura pour
neuf reines de
Fabiàn Bielinsky,
L’inattendu destin d’un homme devenu roi,
Qui s’en fut bien trop tôt parce qu’il était génie.
N’oublie pas ceux qui savent, ceux qui propagent la foi !
Les Christopher Nolan et autre Aronofsky !
Du haut de leur talent ils inondent leurs rêves,
De bains retentissants où s’agite la belle Eve !
Il est vrai que les femmes chez notre décédé,
Etaient pour lui passion, souvent une obsession,
Ballerines aux longues jambes aimant bien ricaner,
Se moquaient de ce bouc ornant son blanc menton,
Sautillaient tout autour sous une fine pluie,
Par la grâce animée de dessins inouïs.
Elles dansaient tant et tant qu’elles le faisaient rougir !
L’émouvaient à ce point que sur ses lunettes rondes,
De la buée s’invitait pour l’empêcher d’écrire,
Les scénarios issus de sa cervelle féconde !
Puis elles s’y engouffraient sans qu’il le veuille vraiment,
Hantant toutes ses histoires de leurs gracieux mouvements.
Elles sont si mystérieuses parce qu’elles se dédoublent,
Schizophrènes patentés, avatars inspirés,
Mona Lisa fait loi pour un sourire bien trouble,
L’Hirasawa s’inspire d’asiatiques transsexués.
Si la femme idéale reflète le prince charmant,
Et qu’il est entendu qu’ils n’existent jamais,
Autrement qu’en pixels, en esprit ou roman,
Peut-être que l’au-delà en recèle une vraie !
Une authentique gazelle l’accueillant tout sourire,
Alors que, tristounet, il vient juste de mourir.
Femme il avait trouvé et je crois qu’il l’aimait.
Ne tergiversons pas. Après tout, il s’en va.
Grand merci au bonhomme pour tout ce qu’il a fait,
Parce qu’animé ou pas,
c’est du grand cinéma.
C’est pas la fête, la vie s’arrête ?
Pour un
Mozart du septième art,
C’est pas si tôt, ça nous étonne…
Pour un Satoshi Kon !
Pas d'extrait de bible,
Requiem paisible.
(Quelques liens disséminés hantent ce petit hommage. Saurez-vous les trouver ?)
L'image "au-revoir dans la neige" est issue de Millenium Actress.
"Satoshi entouré de ses créatures", dessin signé du très talentueux Kosal.