10 films pour en finir avec les années 2000
Par manque de temps, parce que d’autres priorités personnelles ont pris le pas sur la chasse à la perle en provenance d’Extrême-Orient, parce que la décennie 2000 fut moins faste cinématographiquement côté Asie que la précédente, un bilan décennal expédié comme on liquide les stocks. En résumé : une décennie qui démarre sur les chapeaux de roue avant de couler à mi-parcours, un cinéma de Hong Kong en crise durable, Taïwan en fin de cycle, des espoirs coréens et mainland de début de décennie pas confirmés sur la durée, un Japon entre espoirs du cinéma live années 90 déçus sans être vraiment remplacés et un tableau un peu moins noir côté animation, des émergents (Singapour, Thaïlande, Philippines…) peinant à prendre le relais des nations essoufflées. Parce qu’on a envie d’en finir au plus vite, une liste sans hiérarchie, une liste de coups de cœur hautement subjectifs (1), une liste de films ayant laissé une trace assez forte au moment où l’on écrit ces lignes.
Bouées de sauvetage
PTU
Election 2
Exilé
Rien ne prédestinait en début de décennie Johnnie TO à être celui qui allait maintenir à flots un cinéma hongkongais artistiquement moribond. Par nécessité de faire survivre son studio, il avait cédé à la mode des comédies romantiques. Il avait même dû batailler pour réaliser
PTU, polar parfois longuet prolongeant à sa manière le travail de
The Mission : encore plus que dans ce dernier film, chaque personnage y était filmé comme un pion abstrait. Mais le succès d'
Infernal Affairs qui remit le polar à la mode à HK et un statut nouveau d’habitué des grands festivals allaient lui permettre de revenir au cinéma de genre. Pour le meilleur avec un
Election 2 prenant comme toile de fond les rapports HK/Mainland et un
Exilé à la fois retrouvailles avec le casting de
The Mission et bel hommage à ses idoles cinéphiles. Un cinéma de styliste brillant, recycleur et ne ressemblant qu’à lui-même, un cinéma qui fait confiance au sens de la pose et à la force iconique de ses acteurs : tout ce que HK ne sait plus faire.
Révélations
Memories of murder
The Host
Millennium Actress
Mind Game
Même si ils ont bénéficié en terme de notoriété en Occident du boom post-
Shiri du cinéma coréen, on ne peut considérer LEE Chang-dong, KIM Ki-duk ou HONG Sang-soo comme des « produits » de ce boom. Le premier avait déjà une notoriété au pays grâce à ses romans. Le second s’est avant tout imposé de l’extérieur par le circuit festivalier occidental. Le troisième avait fortement marqué la critique et la cinéphilie locale au milieu des années 90. En revanche, le boom coréen a servi de tremplin à toute une vague de cinéastes cinéphages et nourris à la pop culture (manga, jeux vidéos…) tels que PARK Chan-wook, KIM Ji-Wun et BONG Joon-Ho. Le plus souvent et malgré quelques relatives réussites, ce fut synonyme d’influences cinéphiles mal digérées, de confusion entre brio formel et effets assénés au bulldozer, de cynisme facile. Seul BONG Joon-ho a semblé sublimer les caractéristiques de cette « vague » (influences manga, citation cinéphile au kilomètre, ruptures de tons, mélange des genres, jeu sur les codes des genres abordés). Le thriller
Memories of murder et le kaiju eiga
The Host témoignent d’un vrai recul par rapport à ses influences cinéphiles et mangaesques, d’un sens du tour de force visuel évitant souvent la poudre aux yeux, d’une gestion de ses tons en véritable équilibriste et d’une capacité à ne pas avoir peur des moments creux, plus lents. Une vraie révélation d'une décennie pas forcément joyeuse pour l'amateur de cinéma de genre made in Asia.
Au Japon, si les jeunes cinéastes n’ont pas vraiment compensé les déceptions venues des grands du cinéma live des années 90, il n’en a pas été de même côté animation où s’esquissait une relève des grands des années 80/90. Malgré une décennie achevée sur un
Paprika trop théorique, KON Satoshi se sera imposé côté télévisé (
Paranoïa Agent) et offert un joli hommage à FORD et CAPRA sur grand écran (
Tokyo Godfathers). Mais aura surtout brillamment revisité
Citizen Kane et l’âge d’or du système de studios nippon avec son chef d’œuvre
Millennium Actress. Et avec
Mind Game YUASA Masaaki et le Studio 4C auront offert un coup d’éclat visuel comparable à ce que fut en son temps un
Akira. Grâce à ces deux cinéastes, grâce à un studio qui commence à se faire un nom, le cinéma d’animation japonais peut encore espérer un futur plus radieux que le présent de son frère live.
Vétérans
Millennium Mambo
Yi Yi
Time and Tide
Comme à Hollywood, le meilleur du cinéma live des années 2000 en Asie fut le fait de cinéastes révélés les décennies précédentes. Avec
Millennium Mambo, un HOU Hsiao-hsien à la carrière bien fournie trouvera enfin un moyen de parler de la jeunesse de son temps, avec une forme entre maniérisme d’époque et lenteur nostalgique de l’avant-éclatement (des valeurs, du noyau familial…), faisant au passage de HSU Chi sa nouvelle muse. Le reste ne sera qu’expériences étrangères pas convaincantes et un film bilan (
Three Times). Plus de nouvelles depuis. Les années 2000 furent aussi celle d’une reconnaissance trop tardive d’Edward YANG avec un
Yi Yi touché par la grâce. La maladie emportera malheureusement le cinéaste. La décennie sera enfin celle d’un retour au pays de TSUI Hark commencé en feu d’artifice et achevé dans le navrant.
Time and Tide offrait pourtant en construisant une esthétique rendant compte de la vitesse et du chaos hongkongais de l’après-rétrocession un nouveau coup d’éclat au cinéaste et s’imposait comme LE film d’action asiatique de la décennie. Ensuite, une mythologie Zu (bien) revisitée et déclin progressif. Mais on pardonnera au vu des états de service du (grand) Monsieur.
Rideau
La décennie 2010 retrouvera côté Asie la superbe des fantastiques années 90. Ou pas.
(1) Absolument pas un vrai top ten donc. Pour les sommets artistiques de la décennie, il y a le filtrage des films en fonction de leur année de sortie du profil rédacteur…