Interview Dante Lam
... à l'occasion de la projection de son film The Beast Stalker au Festival International du Film Policier de Beaune (2009)
A Beaune, malgré son nom plutôt commun, "l'Hôtel de la Poste" n'est pas celui où vous achetez vos clopes tranquilou en jouant votre PMU au passage. Non, non, là ça brille de partout, ça rutile fièrement et on boit son p'tit café entouré de jolies dorures, près d'un bar assez splendide dans le genre. L'ambiance est joliment tamisée, gentiment rupesque, et c'est ici que je m'en vais papoter avec le très sympathique
Dante Lam, même si, avouons-le, la salle d'entrainement au tir d'un commissariat se serait révélée autrement plus pertinente. Pas de chipotage, cet hôtel de la "poste" s'avère plutôt adapté :
The Beast Stalker recèle quelques scènes bien "timbrées" dans leur genre !
- Hier, avant la projection de Beast Stalker, vous avez présenté le film comme traitant de la rédemption et des choix que chacun doit faire dans sa vie. Pourquoi ce sujet vous tenait-il à coeur ?
Dante Lam - Mon intérêt concernait surtout le personnage joué par Nick Cheung
[Hung King], le kidnappeur dans le film. A travers lui je désirais montrer la difficulté de survivre dans une ville comme Hong kong. Hung est seul, personne ne peut l’aider… Il ne doit compter que sur lui-même.
Surtout Nick Cheung ?
Surtout.
Concernant cet acteur, et à mon sens aussi Nicolas Tse : tous deux livrent une sacrée performance dans ce film. Comment les avez-vous dirigé ? Quels conseils leur avez-vous prodigué ?
J’ai vraiment beaucoup parlé avec eux. Pendant le tournage ou pas. Nick Cheung est vraiment un très bon acteur, nous avons trouvé une bonne façon de communiquer et avons bien cerné, ensemble, l’évolution du personnage. Concernant Nicolas Tse, cela a été un peu plus difficile parce qu’il a l’habitude de jouer dans des films d’action, d’interpréter des personnages un peu plus simples que celui-ci
[le policier Tong Fei]. Il m’a fallu beaucoup parler avec lui afin qu’il soit le plus à l’aise possible avec son personnage.
J’ai entendu dire que vous aviez rencontré quelques problèmes pendant le tournage. Est-ce vrai ? Si c’est le cas, pourriez-vous me préciser lesquels ?
C’est venu d’un problème de la censure de la chine continentale. Pendant la préparation on a appris qu’on ne passerait pas la censure, à tel point qu’il nous a fallu arrêter le tournage parce que les investisseur avaient prévu de sortir le film sur le continent chinois. Mais deux semaines après, on ne sait pas pourquoi, c’est passé. On a alors rappelé tout le monde pour continuer.
Avez-vous dû faire des concessions ?
Il n’y a pas eu de grosse concession, j’ai juste ajouté un peu plus d’éléments liés au continent chinois dans le film autour du personnage de la mère
[Ann Gao, jouée par ZHANG Jing-Chu]. Si vous regardez bien vous verrez qu’elle vient du continent pour travailler à Hong Kong. En fait c’est un peu plus d’éléments liés au continent, des choses comme ça, mais pas de grosse concession liée à l’histoire, non. Autre difficulté : le budget a été assez réduit en fait, ça n’a pas été simple de faire ce que je voulais. Et tourner avec une petite fille de 5 ans
[Ling, jouée par Wong Suet-yin], ça n’a pas été facile non plus.
Oui, vous l’avez dit hier : elle a tourné 48 heures d’affilés. Sans dormir ?
Oh je pense qu’elle a du dormir une heure, pas plus. Sur 48h de tournage, oui (rires)
J’aimerais parler un peu de la scène du carambolage, très impressionnante : avez-vous utilisé une nouvelle technique pour la tourner ? Comment avez-vous fait ?…
En fait j’ai utilisé une méthode très simple, très conventionnelle, c’est à dire qu’on a empilé des pierres et qu’on a ensuite lancé la voiture dessus. C'est un vrai crash, une vraie collision. A HK on n’arrive pas à faire ça avec des effets spéciaux.
Euh… avec les acteurs dedans ? ?
(rires) Non ! Ils n’étaient pas dedans, nous ne sommes pas si fous que ça. Il y a eu des VFX, évidemment... mais le crash en lui-même est réel.
Le cinéma coréen a actuellement quelques similitudes avec le cinéma de Hong Kong. Je pense à The Chaser en particulier.
Oui, je l’ai vu.
Quel lien vous feriez entre The Chaser et votre cinéma ? Il a beaucoup de points communs avec Beast Stalker.
Je crois que la racine du cinéma coréen est la même que celle du cinéma hong-kongais. En plus de la racine culturelle, dans les années 70 et 80 le cinéma de HK a beaucoup influencé le cinéma coréen. C’était un gros succès sur le marché coréen. Mais un film comme The Chaser, actuellement, à HK, serait très difficile à réaliser parce que le cinéma HK dépend de plus en plus du continent chinois.
J’aimerais parler des titres de vos films. Cela fait plusieurs fois que vous usez de titres assez proches. Beast Stalker évoque Beast cops, vous avez eu Hit team et Heat team… Est-ce fait sciemment ou non ? Est-ce que vous faites appel volontairement à votre cinématographie passée, et si oui pourquoi ?
Non, ça n’a rien à voir, les titres anglais sont décidés par la production. C’est juste lié à une stratégie de communication, pour s’adresser aux professionnels, lier les films entre eux pour attribuer plus facilement la chose à un seul et même réalisateur. Mais moi je ne réfléchis pas comme ça. Littéralement, le titre chinois pour Beast Stalker c'est : « le témoin ».
Une question qui me tient à cœur : une fois encore dans ce film vous accordez beaucoup d’importance aux techniques policières. Etes vous devenu réalisateur parce que vous-même n’avez pas pu être policier ?
(rires) Vous avez raison ! J’ai essayé d’être policier mais n’y suis pas arrivé.
Je le savais !
En effet je m’intéresse énormément aux techniques policières. Je fais des recherches très souvent…
Ca se voit… Dès vos premiers travaux d’ailleurs, ainsi que sur les films de Gordon Chan auxquels vous avez participé. Est-ce que vous pensez qu’un jour vous allez retravailler avec lui, ou cela fait-il partie du passé désormais ?
J’ai toujours envie de retravailler avec lui, parce qu’en tant que partenaires nous avons vraiment un lien très fort. On se comprend très bien tous les deux. Oui, c’est possible, j’aimerais assez.
Pourriez vous me citer un bon souvenir de votre collaboration avec lui ?
Mon meilleur souvenir date de l'époque où j’étais son premier assistant. Gordon Chan est plutôt calme, moi j’ai plein d’énergie, on se complétait bien. Ma grande satisfaction a été de résoudre des problèmes. Sur Option Zero j’allais souvent sur le terrain pour lui, pour résoudre des problèmes. De ça je suis vraiment très fier
[gros doute : il parle sans doute du First Option de Gordon Chan (1996), non d’Option Zero, qu’il a lui-même réalisé un an après] .
Pendant que je vous tiens, avez vous des nouvelle de Michael Wong, qui a joué dans Final Option et First Option de Gordon Chan, et également dans Beast Cops ?
Cela fait longtemps qu’il n’a pas joué dans un film, oui. Il me semble qu’il tourne actuellement, mais je n’en suis pas certain.
… peut-être un autre film consacré au SDU bientôt ? [la « Special Duty Unit », l’équivalent du GIGN français à HK]
Oui ! J’ai le scénario, mais comme j’aimerais assez le faire dans le cadre d’une grosse production, je suis actuellement à la recherche de l’investissement nécessaire.
Propos recueillis le 03 avril 2009
Remerciements à Clément du Service de presse du Festival (
Public Système)