Entretien avec Hou Hsiao Hsien

Radio Campus Paris (93.9 FM), en partenariat avec Cinemasie, vous propose de plonger dans l'univers de Hou Hsiao Hsien lors d'une émission exceptionnelle, entièrement consacrée au réalisateur taiwanais. Au cours de cette émission, diffusée le vendredi 11 avril de 20h00 à 21h00, l'équipe d'Extérieur Nuit recevra deux invités : Charles Tesson, ancien rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma et spécialiste des cinémas d'Asie, ainsi qu'Aurélien Dirler, journaliste de Cinemasie. Ponctué de questions posées à Hou Hsiao Hsien et à Olivier Assayas, ce rendez-vous à ne pas manquer sera l'occasion de découvrir plus en profondeur le cinéma de cet auteur majeur, à travers des discussions revenant aussi bien sur ses thèmes de prédilection que sur l'évolution de son style, en passant par une superbe déclaration d'amour à Shu Qi.

En exclusivité, découvrez sur Cinemasie la totalité de l'entretien accordé par Hou Hsiao Hsien à l'équipe d'Extérieur Nuit. Une interview passionante au cours de laquelle le cinéaste revient en détail sur son dernier film, Le Voyage du Ballon Rouge.

Comment vous est venue l’idée de réaliser ce long métrage ?

HHH : Le projet est né dans la foulée d’un précédent, Café Lumière, où j’avais accepté une commande des studios de la Shochiku afin de rendre hommage à Ozu, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Cette fois-ci, le projet a été initié par le Musée d’Orsay. Au début, on demandait à chaque réalisateur de réaliser un court métrage avec, pour toile de fond, cet endroit. Mais Olivier Assayas, lui aussi impliqué dans ce projet, a finalement décidé de réaliser un long métrage. J’ai décidé de suivre son exemple. Ce choix est intervenu à un moment de ma vie où plusieurs projets, trop peut-être, s’accumulaient sur mon bureau. Je ne parvenais pas à me décider. Je me suis dit qu’en répondant à cette commande, je me laissais du temps pour choisir un projet plus personnel par la suite.

Comment avez-vous abordé cinématographiquement Paris ? Comment filme-t-on un lieu que l’on ne connaît pas ?

Cela prend du temps (sourire). J’ai eu besoin de trois mois pour préparer mon film. Je ne connaissais pratiquement pas Paris avant de venir tourner le film. J’étais venu à chaque fois pour des séjours très brefs, je n’avais jamais pris le temps pour visiter la ville correctement. Une fois le projet lancé, j’ai commencé à me familiariser un peu plus avec Paris. Je suis quelqu’un qui, quand je suis en pleine période d’écriture de mes scénarios, aime se promener dans les rues de Taïpei, fréquenter ses cafés etc. Cette démarche m’aide à réfléchir à mes projets. J’ai abordé Paris de la même façon. Les cafés parisiens ont une telle importance dans cette capitale : ils sont le lieu d’une convivialité, d’une réunion entre gens du voisinage. Ils résument à eux seuls la vie d’un quartier. Je pense que tout film se construit avec deux choix initiaux : le choix des acteurs et le choix topographique. J’ai donc décidé, après avoir parcouru la ville, de venir tourner en bordure du 13ème arrondissement, dans le quartier des Gobelins, dans la rue Mouffetard où se trouve l’appartement de Suzanne dans le film…
En parallèle, je me suis inspiré de nombreux récits de parisiens ou d’étrangers qui avaient vécu à Paris, pour récolter plusieurs anecdotes et des moments de vie. Le tout était de réunir ensuite tous ces éléments disparates et d’en faire une synthèse cohérente pour mon film. Ce qui m’intéresse, et je procède toujours ainsi, c’est de récolter des souvenirs, des choses concrètes, des traces de mémoire devenues inoubliables dans la tête des gens. Pour moi, un film, c’est cet être hybride où se réunissent tous ces éléments liés à l’espace et au temps.

On remarque que le film est toujours filmé de jour. La vision d’un Paris nocturne ne vous intéressait pas ?

Je ne m’en étais même pas aperçu ! (rires) C’est peut être dû au fait que les enfants dorment la nuit et comme un des mes personnages principaux est un enfant…

Pourquoi avoir choisi de s’inspirer du film Ballon rouge d’Albert Lamorisse ? Qu’est-ce que ce film représente pour vous ?

C’est en lisant des récits sur Paris, et notamment un article d’un journaliste américain qui le mentionnait, que j’ai eu connaissance du film de Lamorisse. Le film m’a beaucoup plu parce qu’il représentait à la fois la réalité et l’imaginaire de cette époque (les années 50). Le rapport entre le ballon rouge et l’enfant m’intéressait fortement. J’ai donc décidé d’emprunter le ballon rouge à Lamorisse et de le faire voyager de 1956 jusqu’à notre époque. Je voulais le confronter à la réalité d’une nouvelle société, où les enfants ont aujourd’hui une gamme de divertissements et de loisirs beaucoup plus riches. Le petit Simon est à l’image de cette jeune génération. Le ballon incarne un esprit bienveillant qui viendrait observer la société actuelle, avec un certain regard mélancolique. Le rapport entre un enfant et le ballon n’est de toute façon plus le même aujourd’hui : l’enfant, même s’il pense de temps en temps au ballon, n’est plus aussi intéressé par cet objet car d’autres facteurs modernes entrent en concurrence avec lui.

Le choix de Juliette Binoche était-il un choix personnel ? Qu’est ce que cette actrice incarne à vos yeux ?

Juliette représente l’antithèse absolue de la star hollywoodienne. C’est une véritable actrice, talentueuse, qui est prête à se lancer dans tout type d’aventure, mais qui garde tout de même un intérêt affirmé pour le cinéma d’auteur. C’est quelqu’un de très curieux et d’ouvert. Je n’ai donc eu aucune difficulté à la convaincre de se joindre à nous, ni à discuter avec elle pendant le tournage.

A part quelques exceptions (Juliette Binoche, Tony Leung), vous travaillez souvent avec des acteurs non-professionnels. Changez-vous vos méthodes de travail en fonction de chacun des cas ?

Que je travaille avec des professionnels ou avec des amateurs, il y a une méthode que j’applique constamment : je choisis toujours mes comédiens en fonction de leur personnalité. C’est l’individu qui m’intéresse avant toute chose. Même si j’aime beaucoup travailler avec des amateurs, je dois reconnaître qu’avec les acteurs professionnels, on a un éventail de créativité plus élargi. Ils sont capables de faire intervenir une part d’imaginaire plus grande. Avec les amateurs, on se base avant tout sur ce qu’ils sont.

Comment avez-vous travaillé avec Binoche sur le plateau ? Laissez-vous une part libre d’improvisation à vos acteurs ? La langue a-t-il été un obstacle pour la diriger ?
 
Que ce soit à Paris ou à Taiwan, ma méthode reste la même. J’écris des scénarii qui sont plus des canevas très libre, sur lesquels on improvise sur le tournage. Pour le personnage de Suzanne, je me suis directement inspiré de la vie de Juliette, dont le père était fabricant de masque pour le théâtre.
Mes scénarii ne sont jamais dialogués. Je préfère exposer, le plus clairement possible, les situations à jouer à mes acteurs. Je leur demande une certaine mobilisation, une concentration pour préparer leur personnage. A eux ensuite de créer librement dans ce cadre précis. Je suis quelqu’un qui aime entendre un langage très quotidien dans la bouche de mes personnages. J’ai d’autant plus intérêt à fonctionner de la sorte quand je suis à l’étranger. J’ai toujours un contenu précis mais le travail des acteurs est de donner une forme particulière à ce contenu. Pour les acteurs étrangers, je me fie à ce que je vois. Je pense qu’on peut percevoir une certaine justesse de jeu en se basant essentiellement sur leurs expressions. Je regarde toujours les acteurs en direct sur le plateau, je ne vais jamais regarder leur performance au combo. Parfois, je demande à des amis étrangers de venir sur le plateau et d’écouter les scènes pour me faire part d’éventuels accidents de parcours que je n’ai pas pu percevoir. Pour Café Lumière, il manquait quelquefois des éléments importants du scénario, qui avaient été oubliés par inadvertance. En général, je ne demande pas une nouvelle prise, je m’arrange pour que ces éléments soient réintégrés dans d’autres scènes. Une autre chose très importante : pour que ce type de travail puisse fonctionner, il faut que je sois très clair avec mes acteurs au sujet du moment où la scène est joué. Le temps et l’heure de la journée dans le scénario comptent énormément. C’est de là dont découle, je pense, la vérité des personnages. Je suis quelqu’un qui ne fait jamais répéter mes acteurs. Quand je suis obligé de refaire une prise, je m’arrange pour changer un micro-détail dans la scène, pour conserver la fraicheur des prises précédentes. Par exemple, pour la scène où Suzanne cherche ses clefs dans l’appartement : je les changeai de place à chaque fois pour que Juliette ne se rue pas spontanément sur elles (rires) !

Le personnage de Suzanne paraît à part dans votre œuvre. On avait l’habitude de voir des personnages aux mouvements graciles, amples, chaloupés. Ici, le personnage est totalement volubile, incapable de rester immobile, jouant sans cesse avec le cadre…

Son comportement est né du rapport entre Suzanne et son fils, Simon. Il y a une sorte de décalage entre eux. Je voulais décrire la vie d’une personne qui vit de son art. Or la vie des artistes s’avère être souvent un chaos permanent ! Les artistes ont la particularité de sacrifier quelquefois une part de leur vie personnelle au profit de leur épanouissement intellectuel. Le personnage de Suzanne doit gérer tellement de facteurs externes à son travail qu’elle frôle en effet une certaine folie. Les bases du personnage ainsi posées, j’ai laissé ensuite Juliette s’emparer du rôle et apporter de nombreux affects personnels pour donner corps à cette idée. Elle a construit Suzanne en fonction des éléments que je lui ai donnés.

Après le personnage de Li Tien-lu dans le Maître des marionnettes (1993), votre personnage principal s’occupe aussi d’un théâtre de marionnettes. Qu’est-ce que ce monde artistique évoque pour vous ?

C’est un univers qui me fascine. Je connais très bien le théâtre traditionnel chinois de marionnettes. Je me suis beaucoup documenté sur ce sujet. En Chine, l’approche de cet art et son mode de fonctionnement sont totalement différent de ceux du modèle français. En France, on a la possibilité de renouveler constamment la création de spectacles. En Chine, même si certaines choses évoluent dans la représentation, on est constamment confronté à des règles traditionnelles, que ce soit pour les marionnettes ou pour le théâtre. Il faut toujours obéir à des conventions, qui restent immuables. Pour le film, je voulais intégrer une histoire de marionnette chère à mes yeux : celle d’un homme qui fait bouillir l’océan pour trouver son âme sœur. Ce conte fait état de cette part d’obstination comprise en chaque individu au niveau des sentiments. C’est une chose qui se perd un peu aujourd’hui. Le personnage de Suzanne et son caractère paraissaient faire écho à cette ténacité, à cette effervescence constante dans sa passion.

Votre film est né d’un partenariat avec le Musée d’Orsay, qui est considéré par beaucoup comme le temple de l’impressionnisme pictural. Quel rapport entretenez-vous avec ce mouvement artistique ?

Je connais très bien le mouvement et la période impressionniste en France. Elle correspondait aussi à un changement dans la société, à l’époque. Les artistes ne peignaient plus pour l’aristocratie, pour faire du figuratif…
Un nouveau rapport s’est instauré entre la bourgeoisie naissante et les artistes. Ceux-ci pouvaient créer à partir de choses plus personnelles, l’individu pouvait enfin s’exprimer et ne se contentait plus de porter sur la toile un souvenir passé.
Le plus beau dans l’impressionnisme, c’est ce rapport à la lumière, ce que l’artiste capte de l’instant lumineux. J’ai souvent envie de baser mes films sur les mêmes principes. J’aimerais créer mes personnages par de simples points, de simples touches lumineuses qui viennent exprimer leur nature. Cependant, je suis quelqu’un qui aime filmer de longs plans séquences, jusqu’à 10 minutes parfois. Les essais techniques, qui demandent un temps fou, étaient incompatibles avec cette méthode. J’avais eu l’idée un moment de confier une Bolex à mon chef opérateur et d’étudier le résultat de cette captation inédite chez moi, de trouver peut-être un nouveau point de vue. Mais les caprices techniques de cette caméra et la durée réduite de 30 jours de tournage, ont rendu la chose impensable.

Le personnage de Song, la jeune fille au pair chinoise qui vient habiter chez Suzanne, vient aussi faire des études de cinéma à Paris. Sa démarche (faire un film à partir de celui de Lamorisse) ressemble fortement à la vôtre. Il y a-t-il une part d’identification de votre part envers ce personnage ?

Ce personnage est avant tout né d’une nécessité de créer quelqu’un pour s’occuper du petit Simon en l’absence de Suzanne. J’avais rencontré Song Fang, l’actrice, durant l’Académie du Film Asiatique à Pusan. Elle était réellement étudiante dans une école de cinéma. Sa personnalité m’a tout de suite plu : son caractère placide et son recul inflexible devant les choses m’ont impressionné. En plus, elle avait fait ses études à Paris puis à l’INSAS de Bruxelles et parlait bien le français. Elle m’avait montré un des ses courts métrages qui, pour le coup, était à l’image de son caractère. Ce flegme était essentiel pour ce personnage, qui apparait en forte contradiction avec la personnalité électrique de Suzanne. Elle incarne en effet, par sa volonté de venir tourner à Paris à partir de Ballon rouge, un certain point de vue qui pourrait être le mien mais un point de vue “proche”. Mon autre point de vue, plus distant cette fois-ci, est sans nul doute celui du ballon rouge.

Son film est une sorte de mise en abyme du film de Lamorisse. Que pouvez-vous nous dire sur ce choix ?

Le ballon rouge n’est visible qu’aux yeux du petit Simon, il a un aspect surnaturel en quelque sorte. Je ne voulais pas non plus verser totalement dans le conte imaginaire. La présence de Song et de son film me permettaient de rompre avec le fantastique. Sa présence renvoie constamment à une certaine réalité, afin que l’on ne s’engage pas dans une direction de genre toute tracée.

Par rapport à la version montrée à Cannes, une scène manque : à un moment, un personnage tout habillé de vert, tient et dirige le ballon, avant d’être effacé par trucage numérique. Ce procédé renvoie à l’illusion de l’autonomie du ballon. Pourquoi avoir retiré cette scène ?

Les distributeurs internationaux du film m’ont déconseillé de garder cette scène. Selon eux, il aurait été dommage de dévoiler la dernière part de mystère concernant la magie automotrice de ce ballon.

Lorsque Suzanne parle du film de Song, elle lui dit que celui-ci a réveillé, en le  regardant, des souvenirs perdus de sa mémoire. Est-ce pour vous une manière d’aborder le cinéma, cette volonté de réveiller des émotions, des souvenirs oubliés propres à chacun ?

Le cinéma que j’affectionne est celui qui représente une certaine simultanéité entre l’apparent, l’extérieur et le contenu. Il est important, pour nous cinéastes, de filmer le visible mais aussi (et surtout) ce qui est sous-jacent, ce qui est en nous. Mais, pour ce qui est de la perception de ce contenu par le spectateur, je ne m’en occupe pas. Libre à chacun de faire sa propre lecture. Si je devais comparer le cinéma à de la musique, je dirais que ce qui m’intéresse s’approche davantage du style de la fugue que celui de la symphonie orchestrale des choses. J’aime construire un film comme une fugue.

Dans Le Voyage du ballon rouge, on assiste à une intense scène de dispute entre Suzanne et son voisin, chose qui n’est pas courante dans votre cinéma. Généralement, on se situe dans l’avant ou l’après dispute. D’où vous est venue l’envie de filmer cette scène “d’action”?

 Je voudrais rectifier une chose à propos de cette scène : ce n’est pas la dispute en elle-même que je filme mais sa fin. La vraie dispute a lieu en bas dans la cour de l’immeuble. La question de filmer l’action (ou ce qui la précède ou lui succède) me pose toujours deux soucis. Celui, d’abord, de trouver le bon positionnement, d’un point de vue formel. L’autre problème est celui de pouvoir lier ce genre de scène avec les autres séquences. Pour cette dispute, mes réflexions se sont avant tout portées sur les discussions antérieures de Suzanne (avec son avocat, avec son ex-mari). Sur l’intervention de l’accordeur de piano également. J’ai constamment le besoin d’agrémenter mes scènes d’actions de petits détails ou d’évènements marquants. C’est là  où la création formelle se décide, à mon avis. Je trouvais intéressant, pour cette séquence, de mêler le son de la querelle à ceux du piano qui se fait accorder par le jeune aveugle. Sa passion pour son métier, qui le rend imperturbable aux déchainements du monde extérieur, me paraissait une belle chose.

André Bazin, dans un article des Cahiers du cinéma, intitulé « Montage interdit » et paru en 1957, traite des vertus et limites du montage au cinéma, et prend comme exemple Ballon rouge, le film de Lamorisse.
(HHH nous avoue ne pas avoir eu connaissance de l’article en question).
Même si vous n’avez pas entendu parler de cette théorie, vous identifiez-vous à ce besoin incontournable du plan-séquence dans certains cas ? Le montage fut-il interdit sur Le Ballon rouge ?

D’un point de vue technique, on s’est demandé avec mes techniciens comment l’équipe de Lamorisse avait réussi à filmer les déplacements du ballon, sans recours aux moyens numériques. J’avais envie d’obtenir, à l’écran, la plus grande liberté de mouvement de ce ballon. On utilisé plusieurs moyens : la canne à pêche, le fil de nylon… Il fallait aussi jouer avec les gazs, les mélanges d’hydrogène et d’oxygène, afin que le ballon vole à bonne hauteur. Pour moi, l’utilisation du plan séquence m’apporte la plus grande liberté. Si cette liberté est synonyme de cette technique, pourquoi pas ?
En parallèle, le choix de l’appartement de Suzanne peut paraître étrange, vu sa petitesse. Rien de prédispose en effet à recourir au plan séquence avec ce genre de contigüité. Mais, au contraire, je le trouve parfait car il m’a permis de donner une liberté de jeu à mes acteurs plus ample que je ne pouvais le souhaiter et ce, justement, grâce à ses dimensions réduites. C’est un beau paradoxe.

Vous filmez souvent des mouvements, des déplacements en voiture, métro et d’autres moyens de transport. Ils ressemblent à des morceaux de temps à l’état pur. Que voyez vous dans cette poétique du va et vient ?

Ils sont essentiels à mes yeux car ils font état d’un certain quotidien de mes personnages. C’est à ces moments précis que l’on fait part du ressenti, de la connaissance qu’on a de leur vie et de l’endroit où ils sont. Même si ces choses sont communes à tout le monde, chacun les parcourt de façon différente, en fonction de ce qui l’anime, de ce qu’il est. C’est pour ça qu’il est très important, quand je présente la scène à mes acteurs, de bien situer l’action de celle-ci dans le temps de la journée, mais aussi de l’endroit d’où vient le personnage. Ces deux notions sont primordiales car elles renseignent sur la personnalité de l’individu mais aussi sur l’action à venir. Elles me permettent de faire mes choix pour la suite de l’histoire. C’est aussi dans ces moments-là que je peux poser mon regard de distancié.

En parlant de distance, vous préconisez souvent dans vos films un certain recul par rapport à vos personnages. Or, avec Le Voyage du ballon rouge, on a l’impression que votre point de vue semble plus proche…

Si la position de la caméra peut être effectivement proche, cela n’empêche pas forcément une grande distance dans le film…
Dans Millenium Mambo, je me souviens que la caméra était posée plus au lointain, pourtant on ressentait une plus grande proximité dans le rapport avec le personnage. Dans le cas du Ballon rouge, la distance permet d’avoir un regard plus objectif sur les choses.

Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ? Une rumeur circule selon laquelle vous pourriez réaliser un wu xia pian avec Takeshi Kitano…

Ce projet n’est malheureusement plus d’actualité. En revanche, je travaille sur un film qui pourrait être un film d’action, en costume, situé durant la dynastie des Trang (7ème siécle), dont le personnage principal serait une femme assassin. Du moins, ce sera un film d’action selon moi. Je ne sais pas si tout le monde le percevra de cette façon ! (rires).


Entretien réalisé à Paris, le 22 janvier 2008, par François-Michel Allegrini et Yann François.
Chaleureux remerciements à Pascale Wei-Guinot et à Mathilde Incerti.
date
  • août 2008
crédits
  • interviewer
  • François-Michel Allegrini
  • Yann François
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