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3.42/5
Dans l'ombre du loup
les avis de Cinemasie
2 critiques: 3.38/5
vos avis
11 critiques: 3.68/5
Une réussite de Gosha et un grand Nakadai Tatsuya
Adapté d'un roman de Miyao Tomiko, Dans l'ombre du loup évoque non sans noirceur le monde de la pègre et de la prostitution locales à l'époque de l'ère Taisho et Showa (dans les années 1920, 1930). C'est aussi l'époque cinématographique de Gosha, qui de manière plus ou moins évidente, va lancer sa propre exploitation des personnages féminins pour les insérer de manière cohérente dans un récit particulièrement machiste et où la place de la femme est encore loin d'être égale à celle de l'homme, les propos d'Onimasa (Nakadai Tatsuya) vont dans ce sens avec l'une de ses répliques les plus tranchantes : "une femme qui étudie, ce n'est pas bon". Dans l'ombre du loup raconte ainsi les pérégrinations d'un clan yakuza modeste mais dirigé de main de maître par Onimasa sur plusieurs années, Gosha prenant le temps de soigner sa narration dangereuse car étalée sur les années avec un sens tout particulier : chez lui, le sens de l'ellipse n'est pas des plus évidents, il nous dit tout en l'espace de plans rapides accélérant le passage d'une dizaine d'années (Matsue passant de la jeune fille désireuse de rentrer au lycée à la professeur des écoles) sans pour autant déconstruire la chronologie. L'intérêt du film est aussi de ne pas mettre en avant la violence des clans yakuza ni même de présenter une quelconque facette du clan yakuza que tout le monde connaît. Ici, les yakuza prennent soin des femmes et font davantage office de servants que de véritables gangsters, même Onimasa, père protecteur et admirateur de femmes. Les femmes qui forment son cercle ont toutes un charisme affirmé, entre ses différentes maîtresses violentes et perfides, sa fille adoptive fascinée mais prisonnière de son amour et sa véritable fille qui ne désire que vivre sa vie, le caractère féminin est résolument fort, étudié, élément central de la société dans laquelle vivent ces hommes qui ne semblent être dirigés que par ces dernières. Car dans ce film-ci, Gosha traite efficacement des rivalités amoureuses et les femmes distancent les hommes à tous les points de vue.
Nous sommes au début des années 80 et Dans l'ombre du loup annonce un renouveau stylistique, sorte de virage doux mais notable dans la carrière d'un cinéaste qui venait de réaliser des chambaras très ancrés dans leur époque, aux codes prestigieux mais pas si éloignés de ceux des meilleurs artisans du genre. Ici, Gosha n'en est pas encore au clinquant d'un Death Shadows (géniale fantaisie visuelle) mais pousse ici le concept de "neuf avec du vieux" un peu plus loin. L'esthétique du film a donc deux visages, car l'on sent la volonté de Gosha de garder ce style unique propre au cinéma japonais (les intérieurs sont filmés avec un grand sens du cadre et de la perspective) tout en insérant une modernité d'ensemble qui fait que Dans l'ombre du loup a ce cachet résolument moderne, annonciateur de toute une veine de polars en costumes eighties de qualité variable. Notons aussi la musique très prenante de Kanno Mitsuaki aux sonorités tantôt disco (générique d'intro) tantôt plus graves et dépressives comme l'harmonica de Sato Masaru que l'on entendra régulièrement dans Death Shadows ou le superbe Portrait d'un criminel. L'une des grandes qualité du film réside dans l'interprétation d'un Nakadai Tatsuya proprement hallucinant, habité par son personnage possessif, drôle, dangereux, aveuglé par son désire de fonder un clan exemplaire. La volonté de sa fille adoptive de devenir étudiante, le désire d'Hanaka de rejoindre son amour Gondo à Kobei (scène filmée caméra sur épaule, une merveille de nervosité) ou encore le combat de fin éclairé par des loupiotes figurent parmi les plus belles séquences vues dans le cinéma de Gosha. Du cinéma de très grande qualité, certes non exempt de longueurs, mais qui vaut le coup d'oeil pour ses qualités citées et ses portraits de femmes passionnants.
UN DES DERNIERS GRANDS FILMS DE GOSHA SAN.
DANS L'OMBRE DU LOUP EST LE PREMIER FILM QUE HIDEO GOSHA AXERA SUR LES PERSONNAGES FEMININS ET L'ENVIRONNEMENT DES ZEGEN. EN PARTIE DU MOINS CAR SI LE FILM NARRE LA VIE D'UNE FEMME ADOPTE A SON ADOLESCENCE PAR UN YAKUZA INSENSIBLE ET DICTATORIAL FAISANT SON PAIN BLANC VIA LA PROSTITUTION. SENS DE LA NARRATION BEAUTE ET SIMPLICITE DES CADRAGES MUSIQUE SUBLIME TOUT EST REUNI UNE NOUVELLE FOIS DANS CE DRAME DU GRAND HIDEO.
MAIS UNE FOIS LE GRAND POINT POSITIF DU FILM RESTE L'ENORME TATSUYA NAKADAI QUI LIVRE UNE DE CES PLUS GRANDES COMPOSITIONS. IL N'Y A QU'A VOIR LA SCENE D'ADIEU DU PERE ET DE LA FILLE POUR S'EN RENDRE COMPTE...
MAGNIFIQUE ET TRES EN RETENUE UN DERNIERS GRANDS FLEURONS DE LA FILMOGRAPHIE DE GOSHA ET UNE INTRODUCTION AU MAGNIFIQUE KAGERO QU'IL SIGNERA 10 ANS PLUS TARD...
La fille du clan Kiiyuin
L’île de Shikoku aux débuts du siècle. La petite Matsué est vendue par ses parents à la maison Kiryuin, un clan yakuza, et adoptée comme fille légitime par Onimasa, leur chef (Tatsuya Nakadai) et sa stoïque épouse (Shima Iwashita). Matsué découvre le monde étrange des yakusas et des tenancières de bordel, ainsi que l’inconfortable famille qui sera la sienne. Le chef de clan est un redresseur de torts charismatique et impulsif, qui supporte mal sa subordination envers son parrain, impose à son épouse une vie à quatre avec ses deux maîtresses (qui vivent dans la maison) et aime maladroitement sa fille légitime, une idiote. Devenue adulte, Matsué va tenter de sortir de cet environnement, en devenant institutrice et en épousant un intellectuel de gauche, mais ne pourra couper les liens avec cette encombrante famille, à laquelle elle a fini par s’attacher.
Si vous pensez regarder un film de yakuzas classique, passez votre chemin. Bien qu’Hideo Gosha ait été un maître du film d’action et notamment du genre dit Ninkyo Eiga (mettant en scène des yakuzas chevaleresques du début du siècle, cf. Les Loups), ce film, comme les deux suivants avec lesquels il forme une trilogie (Yohkiro et La Proie de l'homme), est adapté de la romancière Tomika Miyao et fortement teinté d’une sensibilité toute féminine. Miyao était elle-même fille de proxénète et c’est la situation des femmes dans ce milieu qui l’intéresse. Le sujet du film est d’ailleurs le statut de Matsué : doit-elle être une fille ? une servante ? une concubine ? La question n’est jamais véritablement tranchée et beaucoup de l’intérêt du film tient à ce suspense sur sa place finale dans le clan et la garde rapprochée du chef. Cependant, le vrai charme du film tient à la forme. Excellent casting (éblouissant Nakadai, qui en fait des tonnes, et remarquable présence de Masako Natsume, qui devait hélas mourir d’une leucémie foudroyante à 27 ans), reconstitution historique soignée et brio incroyable de la mise en scène de Gosha, un modèle d’élégance et de dynamisme. Il y a un nombre assez remarquable de plans sublimes dans ce beau film doux-amer, qui connut un énorme succès au Japon.