"Je suis venu au festival de Pusan il y a quelques années
avec le secret espoir de rencontrer Takeshi Kitano, c'est ma
deuxième visite dans cette ville.
Que mon film ait été sélectionné représentait déjà beaucoup
pour moi mais ce prix dépasse meZs espérances.."
C’est en ces termes que Yi Yoon-Ki s’est presque excuser de
recevoir le prix "New currents" du neuvième festival de Pusan.
Au dire Sergey Lavrentiev, le président du jury, "Yoja, Jeong-hye"
aurait pourtant fait l’unanimité devant des films comme "My
Génération" de Noh Dong-seok ou encore ‘Survive
Style 5+’ de Gen Sekiguchi dans ce qui constitue l'unique
compétition du festival.
Yi Yoon-ki n'y croirait c'est vrai pas beaucoup, il avait même
déserté la croisette pusanite, son multiplexe et ses hôtels
de luxe, revenant précipitamment pour la cérémonie de clôture.
‘Je me suis refugié en face, au Japon....j’aime beaucoup
le saké’ nous a-t-il confessé laconique.
Mais c'était compter sans notre tenacité... |
D'abord, toutes nos félicitations pour
le prix "New Current".
"Yoja, Jeong-hye" est votre premier long métrage aussi
on sait très peu de chose sur vous, pourriez-vous nous décrire
votre parcours ? |
Je n'ai aucune formation en cinéma à
l'origine, j'ai fait toutes sortes de petits boulots sur les
plateaux de tournage, au début c'etait des petits boulots à
mi-temps presque pas payés et puis petit à petit je suis devenu
assistant. J'ai appris comme ça .
En parallèle, j'écrivais des scenarii avec l'espoir de pouvoir
un jour réaliser mon propre film. Il y a 6 ans environ l'un
d'eux, "Love in our Age", a été reçu à un concours, ça
a donné un court métrage, primé ensuite au festival du court
de Séoul. Le festival a maintenant disparu mais il a beaucoup
contribué à me faire connaître. Reste que j'ai continué à travailler
comme assistant sur des films, des clips vidéo, je me suis tourné
aussi vers la production.
J'ai écris "Yojan Jeong-hye" il y a deux ans, c'est une histoire
qui me tenait particulièrement à cœur et que j'attendais de
pourvoir réaliser moi-même...
|
"Yoja Jeong-hye" est produit par
LJ Film qui
est à l'origine de certains films de Kim Ki-Duk et qui présente
aussi "Scarlet
Letter" au PiFF-c'est dire que cette société est sans
doute plus sensible au cinéma d'auteur. Est-ce que le projet du
film a été difficile à soutenir auprès des producteurs coréens?
|
Oui, même si en apparence l'industrie
cinématographique se porte bien en Corée, il y a très peu d'espace
pour ce type de films, "Yoja, Jeong-hye" est resté longtemps
à l'état de projet. De faite, c'est un scénario compliqué à
tourner, il ne raconte pas une histoire linéaire; il était aussi
impératif pour moi de pouvoir le mener à bien en restant le
maître.
J'ai d'ailleurs commencé le film de façon indépendante, avec
ma propre société de production et puis la préparation s'éternisait,
je me suis retrouvé au pied du mur…. j'ai alors soumis le projet
du film à LJ Film qui a accepté de m'aider, c'est devenu une
co-production, avec ce que ça suppose de contraintes et de compromis...
Ce qui veut dire que tout est n'est pas devenu subitement très
simple; même avec leur soutien, ce film, c'était une véritable
aventure, les conditions de tournage étaient vraiment très difficiles
et les assistants ont dû supporter de très grosses pressions;
nous sommes tous sortis complètement vidés de ce film. |
Votre film s'inspire d'un petit roman "Jeong-hye" au
titre duquel vous avez simplement adjoint 'yoja': une
femme. cette (re-)affirmation était pour vous nécessaire ? |
Jeong-hye est un prénom très commun en
Corée, très solide, j'ai simplement voulu adoucir un peu le
titre qui me paraissait trop brutal, trop monolithique.
Ça peut peut-être fonctionner comme une proposition de départ
mais je voulais aussi rapprocher le spectateur de Jeong-hye.
Voilà, " c'est un film où il y a une femme banale, son nom
est Jeong-hye..." c'est doux et familier. |
Le titre en anglais est "This Charming
Girl", charming donne une impression de légèreté qui est pourtant
absente du film… d'autant que Jeong-hye tient à répéter son nom
à l'homme qu'elle rencontre... |
J'ai vécu un certain temps aux États-Unis
et j'ai pris cette habitude de donner des titres anglais à tous
mes scénarii. Je me souviens avoir vu un film "Charming..something
", ce titre m'avait plu, je l'ai simplement conservé. 'Charming',
ça sonne bien, je trouve..
Que le titre puisse paraître paradoxal ne me dérange pas du
tout au contraire même, ici aussi c'est une manière d'abolir
la distance avec le personnage, ça force le spectateur à se
poser la question: "Cette fille banale, un peu disgracieuse,
est-elle charmante? peut-être …"
Jeong-hye provoque ce genre de réactions. |
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Yi Yoon-Ki au bras
d'une charmante jeune fille.. |
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Le film décrit une jeune fille banale,
très lisse en apparence, dont on découvre petit à petit les blessures,
les marques.
Vous avez choisi dans le rôle de Jeong-hye, une
star de petit écran, Kim
Ji-soo(김지수) (cf.1)
qui véhicule sans doute une image plus âpretée, plus sophistiquée.
Etait-ce dans l'idée de l'utiliser presque à contre-emploi ? |
Effectivement, Kim Ji-soo est une actrice
très connue en Corée et pour le personnage de Jeong-hye c'est
quelque chose de difficile à porter;
non pas que Jeong-hye ne puisse être jolie ou séduisante mais
ça pouvait être ennuyant qu'elle soit trop particulière, trop
reconnaissable.
Jeong-hye, c'est pas une fille qu'on remarque.
Sur le tournage, nous avions adopté une phrase qui est devenue
une espèce de plaisanterie: 'il faut détruire Kim Ji-soo!',
mais la réalité, c'est que nous devions aller exactement dans
le sens contraire de ce qu'elle représente pour le public coréen.
Pour autant, il n'etait pas concevable d'enlaidir Kim Ji-soo
artificiellement; je voulais avant tout que Jeong-hye reste
naturelle, qu'elle soit attirante et repoussante à la fois.
Bien sûr, j'aurais souhaité que le personnage soit encore plus
banal, plus anonyme mais nous ne pouvions pas aller trop loin
avec l'actrice, nous lui avions demandé déjà beaucoup. Il a
fallu trouver d'autres biais dans la réalisation, j'ai recherché
des images imparfaites, une lumière brute, des angles de prise
de vues parfois un peu ingrats.
C'est important que le spectateur s'interroge sur Jeong-hye
au delà de l'actrice. |
C'est aussi la première apparition de
Kim Ji-soo au cinéma, ce casting est un véritable pari pour vous
deux. Comment avez-vous dirigé Kim Ji-soo? |
Il n'y a pas eu de véritable casting...je
sais que c'est quelque chose qui peut surprendre mais il n'est
pas rare qu'en Corée on doive choisir parmi certaines actrices
en lien avec sa production. Ca ne veut pas dire que Kim Ji-soo
m'ait été imposée mais sa présence participait pour beaucoup
à la réussite commerciale du film en Corée. Ca correspond à
un impératif économique, le budget et le temps consacrés au
tournage étaient déjà si restreints...il y avait des risques
que je ne pouvais simplement pas de permettre de prendre sur
ce film.
Je suis un peu désolé pour Kim Ji-soo mais j'aurais certainement
pu trouver une actrice moins connue correspondant bien mieux
à ce rôle; ça m'aurait sans doute laissé plus de liberté ailleurs.
L'actrice Kim Ji-soo est trop éloignée du personnage.
Il faut cependant lui reconnaître un certain courage parce qu'elle
a su se remettre en cause et abandonner certaines attitudes
propres à la télévision; probable aussi que ce courage lui vienne
de sa longue carrière à la télévision...
Nous avons eu énormément de conversations avant le tournage,
il lui a fallu beaucoup de temps pour parvenir à composer le
personnage mais elle a su rester fidèle à l'idée que je me fais
de Jeong-hye.
Par contre, je ne donne jamais de directives précises au moment
de tourner, ça reste des indications très abstraites: 'là, Jeong-hye
est dans cet état'... je considère qu'au moment de la prise
il n'y a jamais d'autre choix que de laisser faire l'actice.
|
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Jeong-hye et son
chat |
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Jeong-hye est une personne solitaire,
effacée, elle est capable d'actes qui peuvent paraître illogiques
mais qui sont aussi courageux.
Comment décririez-vous Jeong-hye? Est-elle en attente de quelque
chose?
|
Jeong-hye porte en elle
certaines blessures, il y a celles qu'on découvre dans le film:
elle a été violée dans son enfance par un proche, elle a perdu
sa mère récemment mais les choses sont beaucoup plus complexes
et imbriquées, ce caractère étrange, les difficultés qu'elle
rencontre ne tiennent pas à ses seules blessures. Sa tante nous
donne dans le film un début d'explication: 'toute petite déjà,
elle était bizarre..'.Il y a quelque chose de névrotique chez
Jeong-hye.
J'ai rencontré plusieurs psychologues en travaillant le personnage
de Jeong-hye, son état correspond effectivement à une pathologie
particulière. Dans un autre pays, on donnerait un nom à cette
maladie, on traitait cela par la thérapie mais en Corée, Jeong-hye
est juste une petite fille timide et en grandissant cette fille
timide devient transparente. On se fout qu'elle mange, qu'elle
boive, qu'elle fréquente des garçons, elle est juste insignifiante.
D'après ces psychologues, beaucoup de personnes en Corée seraient
dans le cas Jeong-hye, comme dans une sourde dépression, une
dépression moderne en quelque sorte. La société coréenne est
très violente, peut-être plus encore pour ces gens dont on ne
s'aperçoit même pas de l'existence. Ils sont comme " des pierres
dans la rue qu'on peut frapper du pied "(cf.2),
on peut les blesser sans s'en rendre compte, ça n'a aucune importance.
On les trouve de partout, ils hantent les bureaux de poste,
les supermarchés, comme Jeong-hye, il essaient de trouver une
façon de vivre et se heurtent au monde, on se moque d'eux alors
ils se cachent ou font des actes insensés.
Ce film, c'est aussi un acte de compassion pour ces gens-là
à travers Jeong-hye. Et encore Jeong-hye ne cherche pas à se
cacher, elle est curieuse du monde, elle aimerait se rapprocher
de quelqu'un mais elle ne sait pas vraiment comment s'y prendre,
elle n'arrive même pas à parler, peut être qu'elle est trop
pure..on ne guérit pas aussi facilement.
|
Quand cet homme ne vient pas au rendez-vous
qu'elle lui avait donné, Jeong-hye fait comme si rien ne c'était
passé, est-ce par détachement ou plutôt qu'elle ressente son état
comme une fatalité ? |
Ça ressemble à de la fatalité mais Jeong-hye
ne se perçoit pas comme quelqu'un de triste ou de désemparé, elle
n'éprouve pas de tristesse particulière. En faite c'est quelqu'un
de plutôt actif, elle a bien conscience de sa propre solitude
mais elle veut d'abord éviter tout ce qui pourrait la blesser,
elle a simplement peur des autres et du monde qui l'entoure.
Ces situations arrivent à tout le monde -un rendez-vous manqué,
quelqu'un qui vous traite avec mépris ou indifférence- mais Jeong-hye
est incapable de les dépasser, elle ne veut pas y faire face,
elle préfère accepter ces situations plutôt que de chercher à
les résoudre, elle se réfugie alors dans la solitude, le silence
de son appartement. C'est sa manière d'être, elle est comme ça
depuis l'enfance..Là où la plupart des gens réagiraient violemment,
exprimeraient leur peine ou leur joie, Jeong-hye ne réagit pas,
ne montre rien….elle n'a simplement pas l'habitude de ces sentiments
excessifs. Ils lui font peur. |
La caméra est souvent portée à l'épaule
dans le film et elle semble entretenir une relation particulière
avec le personnage, à la fois très intime, il y a des plans sur
Jeong-hye qui sont très sensuels presque maternels, et parfois
cette même caméra semble l'abandonner, quand elle se blesse ou
alors quand elle cherche à s'ouvrir aux autres… |
L'utilisation de la caméra à l'épaule ne
résulte pas d'un parti pris spécifique d'autant que je n'aime
pas particulièrement une image trop changeante, trop instable.
A vrai dire, les conditions imposées par la production étaient
telles que je ne pouvais pas me mettre le luxe d'un tournage surdécoupé
mais la certitude que j'avais en écrivant le scénario, c'est que
la caméra devait épouser totalement le sentiment du personnage.
J'ai adopté la posture suivante: à supposer que je sois un spectateur
et que Jeong-hye soit une amie à moi, comment pourrais-je me comporter
vis à vis d'elle, quelles réactions provoquerait-elle chez moi
? Je pourrais avoir envie de la caresser et aussi envie de la
bousculer ou de l'éviter. Je pourrais comprendre ses blessures
et ses peines mais de toute façon je pourrais rien y changer,
je resterais impuissant.
C'est cette impression que je voulais communiquer au spectateur,
qu'il prenne le même chemin que moi, qu'on soit ensemble les spectateurs
de Jeong-hye. L'utilisation de la caméra à l'épaule correspond
tout à fait à cela.
Jeong-hye est une personne que je connais très bien ; je ne peux
certainement pas la consoler et je ne peux pas non plus l'éviter,
ni m'enfuir.
Dans l'amitié, il y a peut-être souvent cette ambiguïté, ce sentiment
mélangé d'attirance et de répulsion et c'est ce mouvement que
j'ai voulu imprimer à la caméra. |
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Leur rencontre.. |
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Nous sommes de plus en plus proches de Jeong-hye
dans le film, elle finit par occuper tout l'espace du champ et curieusement
alors qu'elle retouve enfin cet homme de la poste, elle vient une
nouvelle fois se heurter aux bords du cadre.... |
Ca participe toujours de cette même dynamique,
la caméra proche de Jeong-hye auparavant se recule sur ces deux
personnages. Il y a cette distance incompressible entre deux personnages
qui n'arrivent pas à se rapprocher.
C'est le problème de Jeong-hye mais aussi c'est celui des hommes.
En faite les hommes qu'elle rencontre lui ressemblent beaucoup,
le monde qui entoure Jeong-hye est un peu à son image.
C'est leur ressemblance qui est à l'origine de leur rencontre mais
aussi du fait qu'ils n'arrivent pas à se rapprocher. Si vous vous
souvenez de la première fois où Jeong-hye va vers cet homme, elle
l'invite chez elle à venir voir son chat, c'est sorti comme ça,
comme si Jeong-hye avait voulu effacer d'un coup la distance entre
eux mais cette proposition est totalement maladroite, elle devrait
même paraître inquiétante pour cet homme et pourtant lui, il accepte
l'invitation. Finalement, il n'est pas bien éloigné de Jeong-hye.
Ce film raconte l'histoire du point de vue de Jeong-hye, mais si
j'avais pris le parti des hommes ça aurait été exactement le même
chose, il y a une espèce de symétrie.
Aussi, les effets que les autres peuvent avoir sur Jeong-hye m'intéressent
moins que la façon dont elle se découvre elle-même à leur contact.
Elle vit des choses, elle s'ouvre au monde.
Le film finit sur cette rencontre, peut-être que Jeong-hye essaie
de réconcilier avec une autre Jeong-hye. |
Les objets servent beaucoup à la narration
du film, ils révèlent petit à petit Jeong-hye au spectateur. Ces
objets paraissent même revêtir certains enjeux pour Jeong-hye, c'est
particulièrement explicite dans cette scène où elle tente de s'acheter
de nouvelles sandales… |
J'ai conservé cette structure du roman. Cette
scène dans le magasin de chaussure existe aussi dans le roman mais
le personnage réagit beaucoup plus violemment; elle est furieuse
contre vendeur qui l'a traité avec indifférence, elle fait un véritable
esclandre dans le magasin.
La Jeong-hye du roman a une espèce de révolte qui est totalement
étrangère à la Jeong-hye du film.
C'est d'ailleurs le traitement de cette anecdote particulière qui
m'a fait entrevoir quel serait le personnage de Jeong-hye dans le
film.Je voulais conserver Cette scène m'avait beaucoup plu dans
le roman, il y avait quelque chose de jouissif, comme un revers
de situation, où l'espace d'un instant le faible bat le fort. J'ai
pourtant pris exactement le contre-pied, j'ai pensé que peut-être
il n'y avait pas de protestation envers le monde plus forte que
celle presque muette d'une jeune fille faible. Jeong-hye peut bien
protester, les gens ne lui accorderont aucune attention, elle deviendra
juste un peu plus bizarre à leurs yeux. |
Il est pourtant question de révolte et ça
passe encore par un objet, le couteau qu'elle decide de prendre. Jusqu'à
cette scène, Jeong-hye semble subir ces objets et par eux le monde
extérieur - ceux qui lui évoquent sa mère, ceux que par peur qu'elle
préfère commander sur internet. |
Bien sûr le moment où Jeong-hye prend ce
couteau est important mais ce n'est pas une scène isolée. Le couteau
semble surgir comme ça, s'imposer brutalement à Jeong-hye mais
elle n'a alors aucune conscience claire de son rôle, ça arrive
simplement parce qu'elle est rentrée avec cet inconnu dans le
motel et qu'elle veut le protéger de lui-même. Ce couteau mis
à part, le reste existe naturellement.
J'ai d'abord voulu faire comprendre Jeong-hye, décrire l'air paisible
et solitaire qui l'entoure. Elle veut laisser intact l'appartement
où elle vivait encore avec sa mère; chez Jeong-hye, ce n'est ni
de la passivité ni de la complaisance mais c'est parce qu'elle
est hypersensible, le plus petit changement dans son environnement
pourrait avoir chez elle de grands effets. Et puis ces objets
qui l'entourent sont aussi comme une présence qui lui font oublier
sa propre solitude.
Le moment déterminant pour elle, c'est quand elle vient se recueillir
près de l'urne cinéraire de sa mère. Il y a ce flash-back dans le
film : elle n'a pas pleuré pendant les obsèques mais maintenant,
en revenant au funérarium, elle est capable de le faire. Elle comprend
enfin que sa mère a disparu et elle commence à ressentir cette perte.
Jeong-hye a toujours vécu dans le giron de sa mère parce qu'elle
la défendait, on la voit plaider en sa faveur devant sa tante :
'si elle réagit comme ça, c'est qu'elle a ses raisons..'. Jeong-hye
se rend compte qu'il y a plus personne pour la comprendre et que
si elle ne devient pas active, le monde risque de devenir trop dur
pour elle avec le chat qu'elle a trouvé et l'homme qui passe à la
poste.
Elle éprouve de façon soudaine la difficulté d'être au monde. |
Jeong-hye vient chercher le peigne de sa
mère, elle en prélève quelques cheveux puis ressort de son bureau
en fermant doucement les lumières, c'est ici qu'elle fait véritablement
le deuil de sa mère ? |
On peut voir ça comme ça, mais l'important
c'est que Jeong-hye vienne raconter à sa mère les choses qu'elle
était incapable de lui dire auparavant. Elle parvient enfin à se
libérer des blessures du passé. |
'Caméra comme un chat sur l'épaule', "Hiroshima
mon amour" que Jeong-hye regarde à la télévision, vos influences
sont-elles à chercher du côté de la 'Nouvelle Vague' ? |
Il y a un mal entendu à dissiper à propos d'"Hiroshima
mon amour" surtout que c'est pas un film que j'aime particulièrement.
L'image la plus banale qu'on trouve à la télévision en Corée, c'est
le télé-achat mais je ne pouvais quand même pas l'utiliser partout.
Je voulais mettre une série ou quelque chose d'approchant et puis
un assistant a ramené une cassette d'Hiroshima. C'est du pur hasard,
j'ai bien pensé que c'était ça ne pouvait pas être totalement innocent:
la preuve.
Sinon, c'est vrai que j'ai grandi en regardant des films de la nouvelle
vague, j'aime bien Truffaut par exemple, mais c'est pas une source
d'influences. Il n'y a pas de cinéma dont je me sente particulièrement
inspiré, encore moins l'hérité quelconque. |
|
Remise des prix à Pusan
|
|
"Yoja, Jeong-hye" vient de recevoir
le prix 'New Current' à Pusan, Vous avez rencontrez certains programmateurs
de festivals européens... après Pusan, Berlin et Cannes ? |
Pour être franc, je m'attendais vraiment pas
à ce qu'on réserve un tel accueil à ce film ... ce prix c'est un
très beau cadeau pour moi.
'Yoja..' sort en Corée au mois de mars prochain et l'important c'est
déjà qu'il trouve un public 'at home'. |
Quels sont projets futurs?
On parle de deux nouveaux films avec LJ film "Love Talk"
(러브토크) et "Club Champang"
(클럽샴팡) (cf.3). Vous
n'avez plus de problème de production finalement ?? |
..J'aimerais bien ! mais malheureusement c'est
pas aussi simple ... Comme je vous ai dit au début de cette interview,
j'ai écris durant 5 ou 6 ans des scénarios, je suis donc pas en
mal de projets cinématographiques ! Nous sommes entrain de réfléchir
avec LJ Film à la possibilité de faire ce film " Club Champang "
qui raconte l'histoire de voyous sous l'occupation japonaise mais
il n'y a aucune certitude …je ne suis pas pour autant fermé à d'autres
projets.
Ce qui est sûr, c'est que vous retrouverez souvent dans mes films
des personnages comme Jeong-hye.. |
1. Kim
Ji-soo a tourné dans une vingtaine de séries télévisées, on pourrait
citer "Vous revoir encore" (년 보고 또
보고)(1998 MBC) drâme sentimental typiquement confucéen
et plus récemment "L'Epoque des Héros" (영웅 시대)(2004,MBC)
histoire passionnelle dans le milieu des 'Chaebols' où elle incarne
une chanteuse de pansori amante du président historique de Hyundaï;
ou encore "FirstLove"(년 첫사랑) (2003,SBS),
"A river runs through it"( 흐르는 강물처럼)(SBS)..
2. '길거리의
돌맹이처럼 발에 채이다
', Expression coréenne difficilement traduisible "
3.'Club
champagne' dans une prononciation japonaise.
Remerciements à Yi Yoon-ki, Yi Young-Sun (LJ
Film Co.), Yann.K, les traductions PARK Y-S
et au Service presse du festival de Pusan
|