Age d'or du cinéma japonais les années 50 comme ont tendance à le penser une bonne partie des cinéphiles? Ou arbre cachant la forêt d'un patrimoine cinématographique d'une grande richesse pas seulement durant cette décennie-là? Si cette décennie est l'âge d'or d'un système de studios, c'est en tout cas d'abord d'un point de vue financier. Les Majors sont les principales compagnies japonaises de cinéma. Elles produisent des films en grande quantité, les diffusent dans leurs salles de cinéma et des salles dites "sous contrat". En échange de leur fournir un à deux films par semaine, les Majors interdisent à ces dernières de diffuser des films d'autres producteurs. Au Japon, la distinction entre salles spécialisées dans le cinéma étranger et salles passant le cinéma national est nette. Ces dernières sont dans leur majorité affiliées aux Majors et il est difficile pour elles de diffuser des films d'autres producteurs. Grâce à ce réseau de distribution puissant pénalisant le cinéma indépendant, les Majors sont bénéficiaires quel que soit le film durant les années 50. Nombre d'entrées et de salles croissent alors incessamment. En 1945, il y a 845 salles de cinéma au Japon. En 1946, on compte 730 millions d'entrées pour 1376 salles. En 1958, on dénombre 1,1 millard d'entrées pour 7067 salles. Ce rayonnement économique va de pair avec un rayonnement artistique. Le cinéma y suscite l'intérêt des étudiants et d'un public cultivé. Des cinéastes tels qu'OZU, MIZOGUCHI, KUROSAWA, NARUSE y produisent des classiques. C'est aussi l'époque où le cinéma japonais commence à faire parler de lui dans les festivals occidentaux. Beaucoup de diplômés de grandes Universités veulent alors passer les examens d'assistant-réalisateur pour intégrer les Majors. Ces dernières trient de fait les candidatures sur le volet. Nous avons dès lors choisi d'évoquer la production de cette période au travers des studios plutôt que de tenter de mettre l'accent sur quelques cinéastes qui seraient censés se "détacher" du lot. Cette décennie est aussi celle du règne d'un véritable star system sur le modèle hollywoodien.
Fin de l'occupation américaine
Après avoir exercé depuis 1945 un contrôle strict sur le cinéma japonais, l'armée américaine supprime en octobre 1949 la censure. Mais sa disparition réelle n'est pas pour autant effective. En 1947, les Américains avaient regroupé les grandes figures dirigeant la profession sous la bannière de l'Association Japonaise du Cinéma. Certains de ses membres feront ensuite scission, les Majors notamment en fondant l'Association Japonaise des Producteurs de Cinéma. Dans le cadre de cette dernière association, l'armée d'occupation initie la création de l'EIRIN, Comité de contrôle des réglements éthiques du cinéma, en juin 1949. Ce comité prend la place de l'armée américaine pour ce qui est de veiller à la non-résurgence d'idéologies féodales ou antidémocratiques. Mais l'armée américaine a souvent son mot à dire sur les choix du comité. Conclu en septembre 1951, le Traité de Paix nippo-américain entre en vigueur en avril 1952. L'occupation s'achève mais l'armée américaine est toujours là. Les premiers actes cinématographiques du Japon indépendant: présentation de documentaires tournés juste après Hiroshima et Nagasaki, levée de la censure pour les Hommes qui marchent sur la queue du tigre de KUROSAWA et le Général Clochard de MATSUDA Sadatsugu.
Reconnaissance mondiale du cinéma japonais
Les années 20 sont souvent considérées comme une période très créative artistiquement pour le cinéma japonais par les spécialistes locaux. Pour autant, ce cinéma échoue alors à s'exporter en Occident. Les rares tentatives se soldent par de l'indifférence et une difficulté à les faire distribuer en salles. Les Japonais se mettent dès lors à croire que leur cinéma est artistiquement inférieur au cinéma Occidental. Et meme si certains jugent MIZOGUCHI ou OZU comme n'ayant rien à envier au grands d'Amérique et d'Europe, leurs films sont vus comme trop lents, sans assez d'action et surtout trop imprégnés de culture locale pour plaire à l'étranger. Les 5 éclaireurs avait été primé à Venise en 1938 mais il s'agissait d'une récompense protocolaire d'un pays fasciste à un allié. Dans ce contexte, Le Lion d'or vénitien décroché par Rashomon (1950) de KUROSAWA Akira en 1951 est un véritable pavé dans la mare. En outre, le film n'y avait été présenté que sur l'insistance d'un importateur italien, Kurosawa n'ayant même pas été avisé. Réaction paradoxale au Japon: tout en se sentant revigorée par ce prix, la population est si démoralisée qu'elle imagine que le film à "flatté le désir d'exotisme des Occidentaux" (expression devenue depuis un cliché critique concernant le cinéma asiatique primé en festival en Occident). Mais en 1952 la Vie d'Oharu Femme Galante de MIZOGUCHI Kenji obtient à son tour le Lion d'Or tandis que le cameraman du Roman de Genji de YOSHIMURA est primé à Cannes.
Et en 1954 la Porte de l'enfer de KINUGASA Teinosuke décroche la Palme d'or. Dans un contexte de prise de conscience en Occident de la richesse de cultures différentes des nôtres, le Japon est alors reconnu comme nation cinématographique de premier plan. Indépendamment des qualités intrinsèques des films cités, force est de reconnaître le rôle central du jidaigeki (drame en costumes) dans ce processus de reconnaissance internationale. Les festivals occidentaux ont ainsi très souvent ignoré des fictions contemporaines très appréciées au Japon tandis que le film de KINUGASA est un film en costumes conçu de façon assumée pour les festivals occidentaux. A cette époque, NAGATA Masaichi, président de la DAIEI s'était peu intéréssé au tournage de Rashomon, tout juste content de son faible budget. Ne comprenant rien au film achevé, il produira sur la lancée du Lion d'or des jidaigeki et fera venir du matériel technique de l'étranger pour ce faire. Le film de KINUGASA sera alors le premier film japonais tourné avec de la pellicule américaine Eastmancolor, le peintre WADA Sanzo participe comme conseiller à la réalisation des costumes, le scénario est indigent (KINUGASA himself l'admet) tandis que Kinugasa compose des images dans le style de la peinture traditionnelle japonaise et crée des scènes rappelant les rouleaux peints du moyen age. Et c'est cet esthétisme clinquant qui vaudra au film louanges cannoises et Palme d'or.
Accessoirement, un cinéaste aussi remarquable que KUROSAWA a pâti de ce type d'exemple, se voyant accusé par la critique française et parfois locale d'etre une "bête à festivals" à la recherche de la reconnaissance académique et aimé pour son "exotisme". Alors qu'un Rashomon renouvelait la jidaigeki avec son combat au sabre à contre courant de l'ordinaire chorégraphié comme un ballet du genre à l'époque et son personnage féminin à l'opposé du côté soumis alors fréquent dans le jidaigeki. Kurosawa ajoutait en outre un peu d'humanisme au scepticisme de la nouvelle d'Akuagawa. Qui plus est, la modernité de sa narration porteuse de constat de la relativité de la vérité influença un film aussi important que l'Année Dernière à Marienbad (1961). Quant à MIZOGUCHI, la politique de NAGATA lui permit de réaliser des jidaigeki sans combat au sabre: Contes de la lune vague après la pluie (1953), les Amants Crucifiés (1954), l'Intendant Sansho (1954). Il faut comprendre qu'à l'époque le genre était vu comme simple divertissement au Japon et que dès lors ce type de passages devait y figurer. Mais si MIZOGUCHI fait exception, c'est parce que NAGATA a compris qu'un jidaigeki sans combats au sabre peut être apprécié dans les festivals. Contes de la lune vague après la pluie et l'Intendant Sansho furent d'ailleurs récompensés à Venise. MIZOGUCHI connut des défenseurs particulièrement passionnés parmi les critiques de la future Nouvelle Vague en France. GODARD affirmera ainsi que le panoramique de mer de fin du Mépris (1963) est un hommage direct à la fin de l'Intendant Sansho.
Outre les reproches d'exotisme précédemment mentionnés, une partie de ces critiques accusèrent par contre KUROSAWA de faire un cinéma occidentalisé, moins "japonais" que celui de MIZOGUCHI. Cela n'empêchera pas le cinéaste d'asseoir définitivement son statut hors du Japon avec les 7 Samourais (1954). Influencé par FORD, le film sera transposé en western à Hollywood (les 7 Mercenaires) et influencera entre autres un PECKINPAH, offrant un beau modèle de ces allers/retours d'influences Asie/Hollywood caractéristiques du cinéma de genre contemporain. En revanche, des cinéastes plus exclusivement portés sur le Japon contemporain tels qu'OZU et NARUSE ne seront montrés en Occident que dans les années 70/80. Les Japonais craignent que les Occidentaux puissent ne pas être sensibles à ce genre de films qui d'ailleurs n'aura jamais de succès commercial en Occident, même s'agissant de KUROSAWA contemporains. Le cinéma japonais existera aussi hors des frontières à travers des productions commerciales comme la série des Godzilla de la TOHO (le premier signé HONDA Inoshiro date de 1954) qui du fait de leurs truquages très simples se révèlent très rentables au Japon et hors du Japon. Toujours à la TOHO, le premier volet de la trilogie Miyamoto Musashi (1954-1956) d'INAGAKI Hiroshi avec MIFUNE Toshiro, saga surnommée le Autant en emporte le vent japonais, obtint l'Oscar du Meilleur Film Etranger en 1954.
la TOHO
Après une période de turbulence due à des conflits syndicaux, la TOHO va exploiter un certain nombre de filons commerciaux. Le premier est celui de films évoquant avec humour et nostalgie la vie de petits salariés exécutants toujours victimes d'injustices. Le premier film à l'exploiter sera Monsieur Hope (1951) de YAMAMOTO Kajiro. L'autre filon sera celui des kaiju eigas ou films de monstres initié par la saga Godzilla évoquée plus haut. A cette époque, les intellectuels s'interrogent sur leurs compatriotes ayant du mal à s'imposer et en viennent à prôner de faire valoir plus son individualité, quitte à développer le militantisme. Ce propos est proche de celui d'un KUROSAWA sur Je ne regrette pas ma jeunesse (1946). Ancien sympathisant communiste dans les années 30, le cinéaste subit la pression de dirigeants syndicalistes travaillant au studio pour modifier son scénario. A cette époque impossible de réaliser un projet sans leur feu vert. Du coup, KUROSAWA divorcera avec le communisme et le syndicalisme, ses films sociaux suivants s'en remettant plus à la forte personnalité de ses héros qu'à la solidarité de masse. En 1951, après avoir tourné l'Idiot pour la Shochiku, KUROSAWA revient à la TOHO pour tourner Vivre (1952). Porté par un SHIMURA Takashi au sommet, le film évoque la manière dont un homme ordinaire peut se révéler un héros du quotidien. Avec les 7 Samourais (1954), KUROSAWA montre cette fois des héros entraînés au courage défendre des hommes ordinaires et le réalisme des combats du film sous influence d'Eisenstein bien digérée fait de ces derniers quelques-unes des plus grandes scènes d'action de l'histoire du cinéma. Pour la même compagnie, il évoquera ensuite le nucléaire avec Vivre dans la peur (1955). Il se consacrera ensuite au jidaigeki, transposant Shakespeare (le Château de l'araignée, 1957) et Gorki (les Bas Fonds, 1957).
NARUSE Mikio subit quant à lui un passage à vide durant l'immédiat après guerre. Suivant la tendance de l'époque, il réalise de films pronant la démocratie qui ont mauvaise réputation. En 1951, juste après son retour à la TOHO, il revient en grâce avec le Repas, adaptation d'un roman inachevé d'HAYASHI Fumiko évoquant le malaise de la femme au foyer dans le Japon contemporain. Il alternera ensuite travail pour le DAIEI et la TOHO. Parmi les films réalisés pour ce dernier studio, citons le Grondement de la montagne (1954) adapté de KAWABATA et surtout Nuages Flottants (1955) d'après l'écrivain fétiche du cinéaste HAYASHI. Aujourd'hui reconnu comme un classique, cette histoire d'amour entre un homme mûr infidèle et une femme n'arrivant pas à se détacher de lui fut en son temps reçu par une partie de la critique comme rétrograde. En effet, la vision de l'amour du film comme "maladie du coeur" est influencée par le bouddhisme et le confucianisme là où des cinéastes tels que KUROSAWA (Je ne regrette pas ma jeunesse) avaient imposé un vision plus occidentale de l'amour. Ce qui n'empêche pas le film d'être un succès public. A l'époque, NARUSE gomme entre les prises des répliques de scénario inutiles à la progression du récit ou traduisibles par le jeu de l'acteur. Il refuse dans la direction d'acteurs un style emphatique hérité du théâtre et attend un style naturel des acteurs. N'aimant pas tourner en ville, il préfère le petit matin, les rues désertes s'il doit le faire.
Connu dans les années 30 comme cinéaste spécialisé dans les adaptations littéraires, TOYODA Shiro a réalisé au début des années 40 des films participant à l'effort de guerre pour ensuite réaliser lui aussi des films à la gloire de la démocratie. Dans les années 50, il reviendra à ses premières amours. Pour la TOHO, il réalisera entre autres Le Chat, Shozo et ses deux maîtresses (1956) d'après TANIZAKI, Pays de Neige (1957) d'après KAWABATA, l'Auberge devant la gare (1958) d'après IBUSE et Un conte étrange à l'est de la rivière Sumida (1960) d'après NAGAI. Critiqué pour les mêmes raisons que Nuages flottants, basé sur un roman d'ODA Sakunosuke, la Relation Matrimoniale (1955) sera aussi un succès public. TOYODA développera dans son oeuvre une vision de la femme plus maternelle qu'érotique, montrant des hommes interprétés par des acteurs du style nimaime issu de la tradition du kabuki: beaux mais faibles, aimés des femmes mais incapables de les sauver du malheur. MIZOGUCHI n'a lui réalisé qu'un film pour la TOHO: la Dame de Musashino (1951), adaptation d'OOKA Shohei et appartenant au genre du drame psychologique. En 1958, INAGAKI Hiroshi reprend pour la compagnie son Pousse Pousse dont certaines scènes avaient été supprimées par la censure dans sa version de 1943. Entre 1952 et 1954, le spécialiste du yakuza eiga MAKINO Masahiro tourne lui pour le studio une saga à succès en 9 parties, Jirocho Sangokushi, évoquant les pérégrinations d'un légendaire chef de gang.
Ayant fait ses classes d'assistant-réalisateur à la TOHO, ICHIKAWA Kon entre à la Shintoho où il devient metteur en scène mais une fois reconnu il travaillera pour la TOHO, la Nikkatsu ou la DAIEI. Pour la TOHO, il fera des comédies de moeurs telles que la Femme qui a touché des jambes et Monsieur Lucky (tous deux 1952). Avec Monsieur Poo, il s'inspire des dessins satiriques de YOKOHAMA Taizo publiées dans le journal Asahi pour un personnage de professeur d'école entraîné dans des situations comiques. Il persiste dans le genre de la comédie de moeurs avec l'Amant (1953) adapté d'une pièce de théatre de MORIMOTO Kaoru. Quant à HIROKAWA Hiromichi, il débute en 1955 avec Asunaro, adaptation d'INOUE Yasushi scénarisée par KUROSAWA sur l'influence de femmes rencontrées par un jeune garçon pendant l'adolescence. Il réalise en 1958 le Fils Prodigue, jidaigeki scénarisé par HASHIMOTO Shinobu et adapté de CHIKAMATSU, et le Général Nu, basé sur l'histoire vraie de l'artiste YAMAHITA Kiyoshi qui vagabonda à travers le Japon par peur de l'enrôlement durant la guerre.
la Shinotoho
Au cours du conflit de la TOHO de novembre 1946, 460 membres du personnel font scission par opposition à l'évolution du courant principal du syndicat dirigé par les communistes. En mars 1947, ils créent la Shintoho. A ses débuts, la compagnie réalise des films pour la TOHO tout en s'opposant au syndicat. Profitant de l'affaiblissement de cette dernière, elle tente même de produire tous les films distribués par la TOHO. Se heurtant à ses administrateurs, la Shintoho prend en 1950 son indépendance par rapport à la TOHO. Opposés au communisme, une bonne partie des membres ayant fait scission va utiliser le cinéma pour exprimer leur désapprobation. Un cinéaste tel que Watanabe Kumio s'illustrera par exemple par des films anticommunistes et nationalistes. A cette époque, la Shintoho produit dans la précipitation beaucoup d'oeuvres commerciales. L'ancien assistant réalisateur ICHIKAWA Kon fait malgré tout à ce moment-là ses débuts en tant que cinéaste avec la Fleur Eclose (1948), film adapté de NOGAMI Yaeko et montrant une jeune femme cherchant à vivre librement alors que le militarisme est en pleine montée au Japon.
La Shintoho offre également à des cinéastes n'ayant pas eu leur chance ailleurs l'opportunité de réaliser des projets personnels à une époque où les grèves de la TOHO rendent leur travail difficile. L'Institut Shiinomi (1955) de SHIMIZU Hiroshi décrit ainsi la vie d'une école pour enfants handicapés. L'actrice fétiche de Mizoguchi TANAKA Kinuyo tourne pour la compagnie son premier film Lettre d'amour (1953). ITO Daisuke y réalise un remake de son la Tête du Serviteur de 1927. GOSHO Heinosuke réalise avec la compagnie Là où l'on voit les cheminées (1953), film évoquant la vie du petit peuple japonais, et Croissance (1955) évoquant la vie d'enfants aux alentours du quartier des plaisirs Yoshiwara de Tokyo pendant l'ère Meiji. Après plusieurs divertissements, NAKAGAWA Nobuo va lui réaliser La Source de la puberté (1953) sur l'histoire d'amour de deux villageois. Parmi les productions Shintoho les plus connues de l'époque, on compte le polar Chien Enragé (1949) de KUROSAWA, La Vie d'O Haru Femme Galante (1952) de MIZOGUCHI et la Mère (1952) de NARUSE.
la Shochiku
De retour au Japon en février 1946 après sa libération de prison de Singapour, OZU Yasujiro regagne les studios Shochiku d'Ofuna. Il va y entamer sa phase créatrice la plus connue en Occident. Phase inaugurée en 1947 avec Récit d'un propriétaire, comédie sur les relations de voisinage dans un quartier de Tokyo détruit par les bombes. Une poule dans le vent (1948) sera un OZU mal aimé par la critique et considéré comme raté par le cinéaste. De par son thème (une femme obligée de se prostituer pour survivre en attendant le retour de son mari prisonnier de guerre), il demeure néanmoins singulier dans son oeuvre. OZU renoue alors avec le scénariste NODA Kogo pour tous les films suivants. Citons Printemps tardif (1949), le célèbre Voyage à Tokyo (1953), Printemps précoce (1956), Fleurs d'équinoxe (1958), la comédie Bonjour (1959) et Fin d'automne (1960). Sur les tournages, OZU faisait refaire ses prises plusieurs dizaines de fois, cherchant le moment où l'intimité des êtres s'exprimera. Et bien des films de cette période se ressemblent: thèmes des relations familiales ou amicales, utilisation de la caméra en position fixe au ras du sol, jeu d'acteurs identiques (ton monocorde, déplacements limités). Il s'agit pour lui de s'interroger sur le devenir de la cellule familiale dans le Japon de son temps, sur l'influence pas toujours bénéfique de la modernisation.
Toujours à la Shochiku, KINOSHITA Keisuke évoquera de son côté le Japon après la défaite dans La Tragédie du Japon (1953), drame sur une veuve de guerre travailant dans un bar pour élever ses enfants. Avec 24 Prunelles (1954), évocation de la guerre au travers du regard d'une institutrice, il réalise un film qui touchera beaucoup le public nippon. Le film devient un symbole du pacifisme de la population et freine un réarmement du Japon encouragé par les USA. A une époque où Chine et Japon n'ont pas de relations diplomatiques, il s'agira d'un des rares films japonais distribués en Chine. KINOSHITA s'attaquera aux bellicistes et au système féodal régissant la société japonaise avec la comédie anti-réarmement Un amour pur de Carmen (1952) et le drame Le Jardin des femmes (1954) sur le mouvement contestataire des étudiantes. On lui doit aussi Carmen revient au pays (1951), comédie musicale qui est le premier film japonais en couleurs, Comme une fleur des champs (1955), film sur l'amour entre deux jeunes gens dans une famille aux traditions féodales de l'ère Meiji, et la Ballade de Narayama (1958), adaptation du roman de FUKAZAWA Shichiro.
D'abord assistant de Kinoshita à la Shochiku, KoOBAYASHI Masaki y débute en 1952 avec la Jeunesse du fils, mélodrame social sur les rapports entre un père et ses fils adolescents. En 1953, il réalise le drame sentimental Le Coeur Sincère sur un scénario de KINOSHITA. La même année, il adapte ABE Kobo avec La Pièce aux Murs Epais d'après des carnets d'anciens criminels de guerre emprisonnés à Sugamo. Craignant la réaction américaine, le studio ne le sortira que trois ans plus tard. Entre temps, KOBAYASHI réalise le mélodrame Quelque part sous le soleil immense (1954). D'autres drames sentimentaux qu'il réalise alors sont 3 Amours (1954), Les Belles Années (1955), La Fontaine (1956). En 1956, il évoque avec Je t'achèterai les dessous des recrutements des joueurs de base ball professionnels. En 1957, la Rivière Noire traite de la violence régnant sur les bases américaines avec NAKADAI Tatsuya en yakuza. Entre 1959 et 1961 sera distribué son monument, la fresque La Condition de l'homme bénéficiant malgré une production hors studios du soutien financier de la compagnie. D'abord sorti en 3 fois, le film sera diffusé ensuite d'un trait dans certains cinémas, inaugurant les séances de nuit.
Depuis la création du studio, deux des genres de prédilection de la Shochiku sont la comédie de moeurs citadines et le drame amoureux. SHIBUYA Minoru sera un spécialiste du premier. Tohu Bohu (1950), L'Ecole de la liberté (1951), Pèle-mêle (1953) sont des adaptations d'oeuvres satiriques de SHISHI Bunroku montrant des femmes "libérées" par la démocratisation du Japon d'après-guerre, des hommes doutant d'eux-mêmes et un système de valeurs bouleversé par 1945. Plus sérieux, les Contemporains (1952) dénonce une jeune élite sans repères moraux tandis que les Médailles (1954) s'en prend aux militaires cherchant à exploiter le réarmement du Japon. Pas de consultations aujourd'hui (1952) est lui inspiré de plusieurs nouvelles d'Ibuse et évoque la vie des gens après la guerre au moment où ils émergent de conditions de vie misérables. Le plus célèbre drame amoureux de l'époque est Quel est ton nom? (1953-1954) d'OBA Hideo, film en trois parties sur deux amants se rencontrant pendant le grand bombardement de Tokyo. KISHI Keiko joue la jeune femme et SADA Keiji joue un nimaime (jeune homme faible, souffrant, incapable de conquérir une femme). Ce film sera le dernier gros mélodrame sentimental à succès. Le genre meurt naturellement après la guerre: le mariage devient plus facile, les films romantiques US ou européens arrivent au Japon. Au nimaime va se substituer une figure de tough guy à l'Américaine proche de l'acteur de la Nikkatsu ISHIHARA Yujiro.
la DAIEI
Des trois studios leaders de l'époque (Shochiku TOHO, DAIEI), la DAIEI était celui dont la politique était la plus orientée vers un cinéma "commercial" plutôt qu'artistique. Les films du style haha mono (centrés sur un personnage de mère) lui rapportent beaucoup d'argent qu'elle ne réinvestit pas. Du coup, elle subira de plein fouet la crise des années 60. Durant les années 50, elle aura permis néanmoins à de grands cinéastes d'offrir quelques réussites majeures. Le studio avait ainsi confié par hasard à KUROSAWA la réalisation de Rashomon (1950). On a évoqué plus haut la façon dont son succès vénitien servit au directeur du studio NAGATA Masaichi à produire des oeuvres de prestige signées MIZOGUCHI notamment. La Kindai Eiga Kyokai, compagnie indépendante fondée en 1950 par SHINDO Kaneto et YOSHIMURA Kozaburo, s'associe avec la DAIEI pour produire quelques films ambitieux. Ainsi Sous les parures de soie (1951), projet refusé par la Shochiku et cause du départ de YOSHIMURA et SHINDO, sera commencé à la TOHO avant d'être achevé en 1951 à la DAIEI. Il s'agit d'une transposition des Soeurs de Gion de MIZOGUCHI dans le Japon d'après-guerre. SHINDO décidera de réaliser lui-meme Histoire d'une épouse bien aimée (1951), film très personnel évoquant le souvenir de sa femme décédée pedant la guerre sous l'égide de la DAIEI et de la Kindai Eiga Kyokai. Le rôle principal est tenu par OTOWA Nobuko alors habituée aux seconds roles. Elle deviendra son actrice fétiche. Pour les deux compagnies, SHINDO réalise aussi en 1958 La Tristesse est aux femmes, satire de la soif d'argent avec TANAKA Kinuyo. Outre de célèbres jidaigeki ayant fait sa gloire hors du Japon, MIZOGUCHI réalise aussi à la DAIEI le très ophulsien Une femme dont on parle (1954) ainsi que des films sociaux réalistes sur l'univers de la prostitution tels que les Musiciens de Gion (1953) et son testament artistique La Rue de la Honte (1956). Devenu réalisateur à la Shintoho, ICHIKAWA Kon se fait remarquer à la Nikkatsu puis à la TOHO. A partir de 1956, il ne travaille que pour la DAIEI où il réalise beaucoup d'adaptations littéraires. Citons Enjo (1958), adaptation du Pavillon d'or de MISHIMA lui valant une reconnaissance comme grand cinéaste, et Feux dans la plaine (1959), film de guerre adapté d'OOKA Shohei.
la TOEI
Financée par une compagnie de chemin de fer, la Toyoko Eiga est fondée en 1938. Ayant pris son essor après guerre, la société s'associe en 1949 avec les studios Oizumi de Tokyo et obtient ainsi un réseau de distribution. La Toyoko Eiga recrute au départ des employés ayant quitté d'autres compagnies avant ou après la guerre. Parmi eux, les stars du jidaigeki ICHIKAWA Utaemon et KATAOKA Chiezo à une époque où le nombre de chambaras était limité par l'armée occupante. Après les grèves de la TOHO, un jeune producteur du studio veut adapter un best seller sur les étudiants mobilisés victimes de l'armée de métier sur le front birman. Il confie à SEKIGAWA Hideo la réalisation de Ecoutez les grondements de l'océan (1950), gros succès renouant avec un certain cinéma "à thèse" de gauche. La Toyoko Eiga accueille d'ailleurs des cinéastes victimes de la purge rouge (cf paragraphe les Indépendants) tels IMAI Tadashi. Certains film produits par la compagnie en 1950-1951 se caractérisent par leur sentimentalisme. En 1951, Tokyoko Eiga et Oizumi fusionnent sous le nom TOEI. C'est aussi l'année du Traité de San Francisco et le limitation des jidaigeki prend fin. Les stars du genre peuvent alors exprimer leur talent à partir de l'année suivante. Emergera alors une nouvelle star du genre: NAKAMURA Kinnosuke. Un superbe jidaigeki de l'époque est le Mont Fuji et la lance ensanglantée (1955) d'UCHIDA Tomu, oeuvre humaniste sans vrai personnage principal. Le plus gros succès du studio de l'époque est La Tour des Lys (1953) signé IMAI Tadashi, film de guerre inspiré d'histoires vraies sur des étudiantes enrolées comme infirmières se sacrifiant pour leur pays avant l'anéantissement de la troupe par l'armée américaine. En 1957, IMAI réalisera le Riz, film sur la vie de paysans d'une région survivant grace à la pêche et aux cultures à une époque où les villages sont menacés par l'urbanisation du Japon.
la Nikkatsu
La situation de la compagnie a déjà en partie été évoquée dans cet article. Parmi les cinéastes "accueillis" par la compagnie, citons HISAMATSU Seiji et ICHIKAWA Kon. Spécialiste de la série B, le premier va réaliser pour la Nikkatsu Couvert de boue (1951) et Les Gens des habitations bon marché (1952), deux films sur la vie misérable de la population japonaise juste avant le décollage économique. Outre le Coeur (1955), ICHIKAWA Kon réalise pour la Nikkatsu le superbe film de guerre la Harpe de Birmanie (1956). Parmi les films de la compagnie traitant de sujets politiques, citons Marée Noire (1954) de YAMAMURA So sur la question de l'intégrité de journalistes traitant d'affaires politiques et Le Régiment Disparu (1955) de MIMURA Akira coscénarisé par KUROSAWA. Ce dernier film évoque l'anéantissement d'un bataillon japonais à la fin de la guerre pour avoir échoué contre les Soviétiques. Avant Passions Juvéniles (1956), la Saison du soleil (1956) de FURUKAWA Takumi, adapté du roman d'ISHIHARA Shintaro, est un succès où ISHIHARA Yujiro fait ses débuts.
Les Indépendants
En février 1950, le film Ville de violence de YAMAMOTO Satsuo sort dans les cinémas de la DAIEI. Tourné par une équipe composée de membres de syndicats ayant quitté la TOHO après le conflit, financé par la TOHO à condition d'arrêter le conflit, le film a vu son tournage perturbé par des gangs demandant de l'argent en échange de leur protection. Alors que l'enveloppe est habituellement donnée en avance dans le cas des Majors, c'est ici le responsable des tournages en extérieurs qui négocie. Le public comprend à cette époque que les cinéastes qui ont affronté avec courage le capitalisme, la police et l'armée d'occupation doivent aussi cette fois faire face aux gangs, aux autorités policières et judiciaires et aux chefs des autorités locales. Il s'agira de la première tentative du cinéma nippon de briser les contraintes commerciales et culturelles. Suite au succès d'estime du film, les "dissidents" de la TOHO créent la Shinsei Eigasha et ouvrent la voie au cinéma indépendant. Le 3 mai 1950, MAC ARTHUR publie une déclaration virulente contre le Parti Communiste voulant le rendre illégal. Dans le monde du cinéma, la TOHO, la Shochiku et la DAIEI décident d'exclure leurs salariés sympathisants communistes ou membres du parti sous la pression de l'armée d'occupation. La très anticommuniste Shintoho n'est pas concernée tandis que la Toyoko Eiga déclaré ne pas avoir de "suspects". C'est la "purge rouge", utilisée dans le cinéma pour démanteler les syndicats. Parmi les victimes, on trouve GOSHO Heinosuke, YAMAMOTO Satsuo, IMAI Tadashi et un KATO Tai alors assistant-réalisateur. A une époque de chômage, bien des "éjectés" n'arrivent pas à réintégrer le milieu du cinéma mais certains se reconvertissent dans des productions indépendantes. IMAI Tadashi se met pour survivre à travailler dans le recyclage. Découvrant que le métal qu'il récupère pourrait servir dans la fabrication d'armes pour la Guerre de Corée, il abandonne son métier. Il réalise alors Nous sommes vivants (1951), film inspiré du néoréalisme. Ce film fait en collaboration avec la troupe du Zenshinza elle aussi victime des purges est la première production Shinsei Eigasha. Le budget a été réuni par la Zenshinza en vendant au public des actions pendant les représentation. L'équipe ne sera payée qu'au minimum en attendant que le film rapporte de l'argent à sa sortie.
Le cinéma indépendant put jouer en son temps un rôle politique non négligeable. YAMAMOTO Satsuo va obtenir ainsi un succès surprise avec Zone de vide (1952), racontant la vie d'une caserne japonaise lors de la Guerre du Pacifique. YAMAMOTO évoque la dureté injuste de l'armée impériale, les dangers de l'escalade vers la guerre et voyant cela pour la première fois à l'écran une partie du public bascule dans le pacifisme. YAMAMOTO réalisera d'autres films "engagés": Quartier sans soleil (1954), adaptation d'un roman symbole de la littérature prolétarienne japonaise, la Chair du chariot (1959) sur le monde paysan et le Mur Humain (1959) qui soutient le mouvement du Syndicat Japonais des Enseignants. Réalisé après l'éjection du cinéaste/chef du Syndicat des travailleurs de la Shochiku suite aux purges, Jusqu'au bout des nuages (1953) de IEKI MIyoji tente de démonter les moyens employés par l'armée pour faire se sacrifier les pilotes-suicides. Adapté d'un best seller écrit par un avocat lors du proçès en cours d'un jeune homme accusé à tort d'un crime et condamné à mort, Ombres en plein jour (1956) d'IMAI Tadashi dénoncera lui les dysfonctionnements de la justice. Grâce au film, l'opinion publique réclame un proçès équitable, le prévenu sera acquitté et presse comme opinion deviennent plus sensibles aux erreurs judiciaires. SHINDO Kaneto va lui réaliser à cette époque des films sociaux: l'Egout (1954) coproduit avec la Shintoho sur une prostituée au grand coeur, Les Loups (1955) sur des courtiers en assurance au chomage cambriolant pour survivre et Heureux Dragon N°5 (1959) sur des essais de torpilles sous-marines US dans le Pacifique Sud ayant accidentellement coulé un bateau de pêche. Ces films sociaux sont durs à exploiter et poussent la compagnie de SHINDO et YOSHIMURA dans le rouge. Ils seront sauvés par le succès festivalier surprise de l'Ile Nue (1961).
Mais la motivation des indépendants n'est alors pas seulement politique. SHINDO et YOSHIMURA fondèrent ainsi la Kindai Eiga Kyokai après un conflit avec la Shochiku. A cette époque, les Etats-Unis empêchent le cinéma japonais de vraiment parler d'Hiroshima, n'autorisant que des films miontrant la bombe comme une épreuve de Dieu et des Japonais ne détestant pas les Américains. Dans ce contexte, le pourtant très suggestif les Enfants d'Hiroshima (1952) est un choc pour les Japonais car ils voient sur grand écran la réalité de la vie des victimes de la bombe, réalité qu'on leur avait cachée. Participant au financement du film, le Syndicat des enseignants ne peut se contenter d'allusions symboliques à la bombe et crée une maison de production indépendante pour financer Hiroshima (1953), film de SEKIGAWA Hideo auquel participent des habitants de la ville revivant l'enfer d'après l'explosion. Certaines séquences du film seront reprises dans Hiroshima mon amour (1959) de RESNAIS. GOSHO Heinosuke voit lui un de ses projets non retenus par une compagnie indépendante crée avec des exclus de la TOHO suite aux purges. Il fonde sa compagnie et va réaliser Les Nuages qui se dispersent (1951), film se voulant léger, et Une auberge à Osaka (1954), adaptation de MINAKAMI Takitaro sur le monde des salariés. A cette époque, la domination des majors est un obstacle au cinéma indépendant. A l'exception du cas SHINDO/YOSHIMURA, elles ne durent pas longtemps. Les cinéastes assument le risque, les distributeurs encaissent les profits.
Quelques grandes figures du Star system de l'époque
HARA Setsuko: Plus qu'une autre actrice, elle fut le symbole du désir de démocratie du Japon d'après-guerre. On la verra dans l'immédiat après-guerre jeune aristocrate mariée de façon arrangée à un homme de son milieu et s'éprenant d'un jeune idéaliste (la Belle; 1946), femme d'un pacifiste mort pendant la guerre (Je ne regrette pas ma jeunesse; 1946), aristocrate à la famille ruinée par les changements historiques d'après-guerre et bravant par amour les différences de milieu social (le Bal de la famille Anjo; 1947) et professeur d'anglais de Tokyo enseignant dans une ville de province à la mentalité étriquée (les Montagnes vertes; 1949). En 1949, Printemps tardif lui donne un rôle décisif dans la suite de sa carrière: celui d'une femme traditionnelle et pudique qui contribuera à sa légende. Outre OZU, des cinéastes tels que KUROSAWA ou NARUSE contribueront à la qualité de sa filmographie. Sa retraite des écran en pleine gloire a renforçé le mythe d'une actrice immense.
KISHI Keiko: Elle est devenue une star dans les années 50 en tournant des drames sentimentaux pour la Shochiku. Son plus gros succès du genre est Quel est ton nom? (1953-54). On la verra également en geisha dans Pays de Neige (1957) de TOYODA Shiro.
KYO Machiko: Issue du théatre kabuki des jeunes filles de la Shochiku, elle offre une prestation mémorable en femme de la cour d'Heian se jouant habilement des deux brigands de Rashomon (1950). Ayant fait sa gloire et celle de la DAIEI à ses débuts dans des rôles de vamps, elle s'orientera vers les comédies à la fin des années 50.
TAKAMINE Hideko: Actrice depuis l'age de 5 ans, on la retrouve dans Carmen revient au pays (1951) de KINOSHITA, premier film japonais en couleurs où elle chante et danse. Durant les années 50, elle offre deux de ses plus célèbres (et reconnues) prestations sous la direction de KINOSHITA (24 prunelles; 1954) et NARUSE (Nuages Flottants;1955).
TANAKA Kinuyo: Déjà une grande star à l'époque, TANAKA Kinuyo revient en 1950 d'un court séjour aux Etats-Unis. Elle a alors 40 ans et durant la décennie des cinéastes comme OZU, NARUSE et MIZOGUCHI vont lui offrir des grands rôles. Citons son rôle de mère dans la Mère (1952) de NARUSE, son extraordinaire prestation dans le role-titre de la Vie d'O Haru Femme Galante (1952) de MIZOGUCHI et son personnage de femme mariée élégante dans Fleurs d'équinoxe (1958) d'OZU. On la verra aussi en vieille femme pauvre dans la Ballade de Narayama (1958) de KINOSHITA.
YAMADA Isuzu: Autre star des années 30/40, elle s'illustre en début de décennie dans des rôles dans des films engagés. Mais ses prises de position lui vaudront une mise à l'écart de la TOHO et la DAIEI. Elle aura néanmoins quelques roles mémorables durant la décennie: Lady Macbeth dans le Château de l'araignée (1957), vieille mère délaissée par ses enfants dans Crépuscule à Tokyo (1957). On la verra également dans les Bas Fonds (1957) de KUROSAWA.
ICHIKAWA Raizo: Acteur de kabuki, il joue dans les années 50 dans des jidaigeki mais aussi des gendaigeki (films traitant de sujets contemporains). On le voit sous la direction d'ICHIKAWA Kon dans Enjo (1958) en bonze complexé.
IKEBE Ryo: Très élégant et citadin, il est l'opposé du viril Mifune et incarne l'amoureux-type des films romantiques.
MIFUNE Toshiro: Plus besoin de présenter cet acteur aussi légendaire que ses collaborations avec KUROSAWA. On peut néanmoins évoquer un paradoxe: quand il réalise l'Ange Ivre, KUROSAWA souhaitait à travers son personnage dénoncer les errements de la jeunesse nipponne. Mais la classe et le charisme naturel de MIFUNE le propulseront au rang de star.
MIKUNI Rentaro: A la Shochiku, il jouera surtout des rôles d'homme pur et soumis dont il se lassera. Mais il quittera la compagnie pour la TOHO puis ira du côté de la Nikkatsu et du cinéma indépendant.
MORI Masayuki: Quelques-unes de ses interprétations auront marqué la décennie: samouraï fanfaron dans Rashomon (1951), Mychkine dans l'Idiot (1951) et homme infidèle dans Nuages Flottants (1955). Il compose sur ce dernier film un personnage faible et indécis, fidèle à la tradition du nimaime.
NAKADAI Tatsuya: Son talent immense est déjà remarqué sous la direction de KOBAYASHI : yakuza dans la Rivière Noire (1957), héros de la Condition de l'homme (1959-1961).
UEHARA Ken: Dans les années 50, il interprète pour NARUSE des hommes usés par la vie et le travail, n'éprouvant plus rien pour leur femme. Dans la Tragédie du Japon (1953), il incarne un homme mûr tombant amoureux d'une femme plus jeune et cherchant à garder intact le romantisme de ses jeunes années.
Source: le Cinéma Japonais par Sato Tadao