Introduction: les chiffres
Le bilan de l'année 2004 est en effet une question. Après une
année 2003 à nouveau difficile malgré son lot de bons films, l'année
2004 qui s'annonçait comme bien meilleure ne l'a pas été à tous les niveaux.
Ce qu'on retiendra de cette année, ou plutôt qu'on ne retiendra pas, ce sont
les titres des grands films HK 2004: il n'y en a pas, tout comme l'année précédente.
C'est une constante depuis quelques années à Hong Kong d'ailleurs, même si “en
moyenne”, les films sont plutôt bons. Mais bons n'est bien sûr jamais assez.
Surtout pour le public local qui s'est fait un malin plaisir de bouder la plupart
des bons films (sauf Kung fu Hustle, l'exception qui confirme
la règle). La qualité de la production locale augmente à nouveau, mais le box
office ne progresse pas beaucoup. KFH vient en fait un peu
fausser la donne, tel l'arbre cachant la forêt. Derrière les 60 millions du
phénomène commercial de l'année, les films au-dessus des 20 millions se comptent
sur les doigts d'une main.
Pourtant ils avaient de quoi espérer. Dans le désordre, le retour de Jackie
Chan pour une superproduction au casting rempli de stars et au budget plus que
comfortable, New Police Story, la sortie (enfin) de 2046, attendu non seulement à Hong Kong mais dans le monde
entier, le nouveau Stephen Chow, également très attendu après Shaolin Soccer,
Kung-fu Hustle, et dans une moindre mesure, un Gordon
Chan au casting intéressant, A1, le nouveau
Derek Yee fort ambitieux, One Nite in Mongkok, quelques projets
intéressants de la part de réalisateurs qui montent comme la première réalisation
de Stephen Fung, Enter the Phoenix, et le nouveau film d'Edmond Pang, Beyond
our Ken. Quand à Johnnie To, grand animateur du box office depuis quelques années
à Hong-Kong, c'est avec rien de moins que trois films qu'il a tenté d'attirer
les spectateurs. On peut compléter avec le projet ambitieux Jiang Hu, les deux
films des frères Pang et les débuts commerciaux de Fruit Chan.
Commercialement parlant l'année est donc difficile, mais pas seulement pour
les films Hong-Kongais, puisque même les films étrangers ont du mal à percer.
Seuls les gros films à effets spéciaux s'en sortent en gros, comme le démontre
Le Jour d'Après avec ses 40 millions.
Qualitativement, du mieux
Venons-en maintenant aux films en eux-mêmes. Comme évoqué précédemment,
on remarque l'absence de films coup de poing dans cette petite filmographie
(une soixantaine de titres en gros), mais d'un autre côté on trouve bon nombre
de films tout à fait sympathiques, et une petite proportion de gros navets.
Hong-Kong produit mieux, c'est une évidence depuis plusieurs années, mais produit
mieux. Il manque encore un petit on ne sait quoi pour hisser la production un
cran au-dessus. Petite revue d'effectif des films méritant le coup d'oeil:
Le premier fait remarquable est sûrement le retour des drames au premier plan.
Autant la crise a engendré à ses débuts bon nombre de comédies afin de dérider
un peu un public local dûrement touché par la crise économique, autant le succès
tout relatif de ce genre a fini par lasser. L'exemple le plus frappant est celui
d'Universe qui tentait d'envahir le marché avec ses produits Pop l'année d'avant
(Anna in Kung-fu Land, Death Curse), pour virer à 180° et sortir en 2005 ce
qui restera une des réussites majeures de l'année, le superbe One Nite in Mongkok,
drame d'une noirceur déroutante de nos jours à HK, ainsi que l'assez étonnant
Abnormal Beauty qui lance d'une manière peu conventionnelle la carrière cinématographique
de deux pop stars. On peut ajouter à cette liste l'également très dur Love Battlefield,
le très caustique Beyond our Ken, le légèrement philosophie Throwdown de Johnnie
To et le convainquant Goddess of Mercy de l'éternelle Ann Hui.
Les comédies sont donc moins représentées que par le passé, mais réussissent
également à se montrer, grâce à quelques réussites finalement assez adultes,
comme les portraits de femmes et d'hommes réalisés par Syvia Chiang (20 30 40),
Barbara Wong (Six Strong Guys) et Derek Chiu (Love Trilogy). On peut ajouter
deux comédies plus typiques du cinéma de Hong-Kong comme le très local White
Dragon de Wilson Yip, et le très délirant Fantasia de Wai Ka Fai, sans oublier
bien sûr le plus international Kung-Fu Hustle. On note aussi quelques ratages,
avec une nouvelle année difficile pour Wong Jing, ainsi que pour un Joe Ma qu'on
attendait plus haut.
Très traditionnellement, la partie horrifique est assez moyenne, le genre n'ayant
jamais réussi à trouver ses marques à HK. On oubliera très vite le The Eye 2
d'un intérêt quasi-nul au niveau scénaristique pour en venir au seul film vraiment
intéressant du genre en 2004, le très bon Dumpling, d'autant plus intéressant
qu'il s'agit de la première incursion de Fruit Chan dans le cinéma commercial.
A savourer en version longue de préférence.
Quant aux thrillers, policiers et autres films d'action, ils retrouvent un peu
plus de couleurs après une année 2003 déjà en progression dans le bon sens.
Les un peu trop commerciaux Breaking News et New Police Story n'ont certes pas
emballé tous les spectateurs, mais la patte Johnnie To (avec son plan séquence
de 8 minutes en ouverture) et Jackie Chan (avec un retour à du cinéma moins
enfantin) est bien là. On peut aussi citer Kung-fu Hustle pour son action très
numérique, A1 Headlines pour son anti-action qui en a dérouté plus d'un mais
mérite au moins l'intérêt pour son casting et son scénario, l'injustement boudé
Heat Team qui se révèle être une comédie d'action certe convenue, mais remplie
de bonne humeur.
Bref, dans la plupart des genres vedette on trouve largement de quoi faire,
il manque évidemment, encore et toujours, quelques films en costumes pour satisfaire
les fans de kung-fu et autres wu xia pian. L'année 2005 devrait marquer un début
de retour pour ce genre de film, le Tsui Hark étant attendu pour l'été, alors
que Daniel Lee prépare aussi un Wu Xia.
Le cinéma chinois
Un autre aspect important de l'année 2004 est la progression
des collaborations HK Chine Taiwan. Après des débuts pas toujours très réussis,
les co-productions commencent à trouver leurs marques et à délivrer des films
intéressants. Difficile de ne pas citer House of Flying Daggers, même si le
côté poseur et le scénario un peu compliqué n'ont pas plus à tout le monde.
N'empêche que le film s'est bien exporté et se montre bien plus convainquant
que la plupart des films d'expatriés. On pourra dire la même chose de A World
Without Thieves, bien loin de l'image austère que les spectateurs occidentaux
peuvent se faire du cinéma Chinois, ou encore du sympthique 20 30 40 de Sylvia
Chiang. Des films qui mêlent des personnalités de Chine, Hong Kong et Taiwan
sans donner l'impression de mélanger des matérieux hétérogènes.
Les acteurs chinois se font également plus présents dans les productions HKgaises
et apportent leur savoir faire académique. Le cinéma Hong-Kongais ne peut raisonnablement
plus vivre sans le marché Chinois, le public local n'allant plus aussi souvent
en salle qu'auparavant. Après avoir échoué à suivre le modèle américain, le
cinéma de Hong-Kong s'oriente finalement vers une solution qui lui garantit
de garder une identité culturelle. Le cinéma de Hong-Kong des années 90 est
mort, c'est bien une certitude, le cinéma Chinois unifié est né et fait ses
premiers pas.
Que manque-t-il?
2004 montre bien que le cinéma de Hong-Kong n'est pas encore
mort, mais qu'il fait maintenant partie de la masse. Que manque-t-il pour sortir
du lot? Les stars absentes de longue date étaient de retour cette année, que
ce soit Jackie Chan, Wong Kar-Wai ou Stephen Chow, et les stars confirmées étaient
bien présentes, que ce soit Sammi Cheng, Andy Lau, Johnnie To. Les conditions
étaient donc plutôt favorables. Il manque peut-être un peu de nouveautés et
de sang neuf. La nouvelle génération n'a pas encore fait son apparition, même
si quelques jeunes réalisateurs comme Edmond Pang ou Stephen Fung méritent le
suivi. C'est un peu le même constat pour les acteurs, deux trois exceptions
sortent du lot, mais pas de nouvelle vague.
L'absence de formation se fait cruellement sentir à ce niveau. Alors qu'auparavant
toutes les stars faisaient leur formation sur le tas dans des séries TV, les
stars se font en quelques semaines grâce à un album de pop et se retrouvent
parachutés dans des grosses productions sans aucune expérience. On pourra faire
le même constat au niveau des films d'action. Si auparavant les Jackie Chan,
Samo Hung et Yuen Biao suivaient des formations intensives pour devenir des
professionnels du divertissement, rien de moins, la nouvelle génération ne passe
plus par la case départ. On se retrouve donc à doubler des acteurs non formés
par des cascadeurs forcément moins impliqués. Le système Hong-Kong montre clairement
ses limites avec son star-system nouvelle génération. L'annonce par Jackie Chan de sa volonté
de créer une "école" pour former les jeunes acteurs à Hong Kong est toutefois un petit signe d'espoir.
A retenir
Top 10 | Se regarde aussi |
One Night in mongkok Love Battlefield Throwdown Breaking News 20 30 40 Love Trilogy Goddess of Mercy New Police Story A1 Kung-fu Hustle |
Enter The Phoenix Six Strong Guys Dumplings The White Dragon Fantasia Heat Team Attractive One Jiang Hu Abnormal Beauty Beyond Our Ken |